Faut-il cesser de voyager?

Nous posons la question à Rachel Dodds, consultante en tourisme durable.

Portrait de Rachel Dodds, consultante en tourisme durableIllustration de Lauren Tamaki

Devant les effets négatifs du tourisme – sur l’environnement et les populations visitées –, faut-il cesser de voyager?

Je ne crois pas que la solution soit de cesser de voyager. Le voyage est une merveilleuse façon d’être moins ignorant sur le monde qui nous entoure. Il suscite de l’empathie pour différentes cultures et stimule les économies locales. Non, il faut plutôt se demander comment mieux voyager. Aller du Canada à Amsterdam pour un week-end puis, deux semaines plus tard, s’envoler pour Paris illustre un des principaux problèmes du tourisme moderne. Il y a là un contrecoup environnemental auquel il faut réfléchir.

L’écotourisme est aussi une bonne solution. Voici 8 façons d’être un voyageur écoresponsable.

Quel est l’impact du transport aérien?

Considérable. L’avion est responsable de 12 % des émissions mondiales de carbone et d’un peu plus de 3 % des émissions au Canada. Éviter un vol équivaut à une année sans voiture. Si vous devez prendre l’avion, privilégiez le vol direct. En effet, la majorité des émissions se produisent au décollage et à l’atterrissage.

Toutefois, une autre question s’impose: quel moyen de transport est le plus nocif pour l’environnement, l’avion ou la voiture?

Que faut-il prendre en considération avant d’acheter un billet?

Certains abandonnent toute forme de décence quand ils sont ailleurs. On appelle ça l’hédonisme des vacances. Ils consomment davantage, boivent plus, urinent en public, traitent le personnel avec mépris. Un touriste a récemment lancé son scooter électri­que dans le célèbre escalier de la place d’Espagne, à Rome, occasionnant des mil­liers de dollars de dommages. Ce genre de comportement crée des tensions entre la population locale et les touristes. Des lois ont été promulguées à Barcelone pour réduire le tourisme de masse. On a même vu dans le célèbre parc Güell un graffiti qui disait : « Pourquoi l’appeler la saison des touristes si on ne peut même pas les abattre ? »

Comment en est-on arrivés là?

Le voyage a toujours existé. Dans l’ensemble, l’être humain est attiré par l’ailleurs. Mais l’apparition des avions à réaction dans les années 1950 a changé la donne. À l’époque, 25 millions de touristes voyageaient à l’étranger chaque année ; aujourd’hui, ils sont près de 1,4 milliard. Et puis en même temps que le voyage devenait moins coûteux et plus accessible, on a assisté à l’émergence de la classe moyenne dans les pays auparavant en développement comme la Chine, l’Inde et la Russie. Cela s’est traduit par une augmentation du nombre de voyageurs. Sans compter que la destination n’a plus d’importance.

C’est-à-dire?

Nous ne cherchons plus l’authenticité ou la singularité. Nous voulons manger, boire, faire la fête et poster la photo d’un monument célèbre sur Instagram. Prenez les annonces des destinations tropicales – dans bien des cas, on ne voit même pas la plage.

Où est passée l’idée romantique de s’éloigner des sentiers battus?

Le voyage d’aventure, il est vrai, n’a pas complètement disparu. L’Islande a lancé une campagne invitant les touristes à découvrir le pays à travers les yeux de ses habitants – cela permet d’éviter les pièges habituels et de mieux sentir la société, son mode de vie. Mais ça n’intéresse qu’une petite portion des voyageurs. La plupart n’ont que deux semaines de congé par an et veulent se poser sur une plage avec un pina colada. S’ils savaient que les employés gagnent moins d’un dollar par jour et vivent à trois heures de bus de leur travail parce que le tourisme a détruit le logement local, en auraient-ils toujours envie ?

Quels conseils donnez-vous pour voyager de manière plus éthique?

De nombreux sites internet recensent les centres de villégiature qui paient convenablement leurs employés ou établissent une liste des meilleurs restaurants ou boutiques régionaux. Nous votons avec le portefeuille, ne l’oubliez pas. Si personne ne va nager avec des dauphins en captivité, ces centres ne pourront survivre. Si 100 person­nes exigent du directeur de croisière des visites guidées qui stimulent l’économie locale, la compagnie devra modifier ses pratiques destructrices.

Rachel Dodds enseigne à la Ted Rogers School of Hospitality and Tourism Management.

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Contenu original Selection du Reader’s Digest