Vivre avec la maladie de Parkinson : les symptômes
Avant tout autre symptôme, Beverly Lavender a perdu l’odorat. Elle était alors loin de se douter que c’était le signe d’un bouleversement de ses neurones. Quatre années sans autre incident ont passé avant que cette styliste de mode torontoise n’éprouve un léger tremblement de la main droite et consulte son médecin. C’était en 2004, elle avait 44 ans. Son neurologue lui a prescrit des analyses sanguines et une IRM pour exclure toute autre possibilité, mais son opinion a vite été faite : maladie de Parkinson. « J’ai eu le sentiment d’avoir reçu un coup de poing dans le ventre », se rappelle Beverly. Il y a six ans, Steve Van Vlaenderen, un habitant de Winnipeg aujourd’hui âgé de 66 ans, a remarqué que le majeur de sa main droite tressautait sans cesse. Son médecin de famille pensait à une lésion nerveuse ou au syndrome du canal carpien, mais quand les tremblements se sont propagés à l’avant-bras, Steve a demandé à voir un neurologue. Quelques mois plus tard, il a appris qu’il avait la maladie de Parkinson. Sur le moment, il a réagi calmement. « Maintenant je savais, raconte-t-il. Mais quand j’ai quitté le cabinet du médecin, le diagnostic a eu l’effet d’une bombe. Rien ne serait plus jamais pareil. »
Beverly et Steve comptent parmi les 7 à 10 millions de personnes atteintes de la maladie de Parkinson à travers le monde, l’affection neurologique dégénérative la plus courante après l’alzheimer. Une dizaine de Canadiens sont diagnostiqués chaque jour. On estime qu’au pays, 99 000 patients souffriront de cette maladie en 2016. Pour eux, les tâches simples que nous accomplissons sans réfléchir – sortir de la monnaie d’une poche, griffonner une note, faire une promenade – peuvent devenir impossibles. La source du mal se trouve dans le cerveau : les cellules d’une aire appelée locus niger, ou substance noire, meurent peu à peu, altérant ainsi la production de dopamine, une molécule qui transmet les messages du cerveau aux muscles. En quantité insuffisante, la transmission se fait mal, ou pas du tout.
Les symptômes les plus courants et les mieux connus – tremblements, raideur, perte d’équilibre, mouvements lents – affectent l’appareil moteur, mais d’autres fonctions peuvent également être touchées, car l’action des neurones atteints s’étend à de nombreux organes. Selon le Dr Ron Postuma, professeur en neurologie à l’Université McGill de Montréal, ces symptômes « non moteurs » vont de la constipation à la double vision. Les tremblements qui ont mené Beverly et Steve chez un médecin sont présents dans environ 70 % des cas, mais peuvent être attribués à d’autres maladies. Pour être sûr du diagnostic, il faut procéder à une batterie de tests de motricité. On vérifie, par exemple, si le patient est capable de toucher le pouce avec l’index, de frapper le sol du talon, de faire divers mouvements de la main et du bras à bon rythme.
Au Canada, l’âge moyen du diagnostic est d’environ 66 ans, les hommes présentent un risque plus élevé que les femmes et, la plupart du temps, il n’y a pas d’antécédents familiaux.
Les traitements de la maladie de Parkinson
LE MÉDICAMENT LE PLUS UTILISÉ est la lévodopa, une molécule qui se transforme en dopamine après son ingestion. Mais selon le professeur Leslie J. Findley, président de la National Tremor Foundation, au Royaume-Uni, « on sait que ce médicament peut causer d’autres problèmes au bout de trois à cinq ans, dont une dyskinésie, des mouvements involontaires parfois réellement excessifs ». Par ailleurs, la rigidité musculaire risque de s’accentuer quand l’effet du médicament se dissipe avant la prise suivante.
En général, les médecins commencent par prescrire une ou deux autres classes de médicaments : des agonistes de la dopamine, qui imitent l’action des neurotransmetteurs et des inhibiteurs de la monoamine oxydase (MAO-B) qui ralentissent la métabolisation cérébrale de la dopamine. Malheureusement, les effets secondaires peuvent être sérieux. Les agonistes de la dopamine, les inhibiteurs de la MAO-B et même, dans une certaine mesure, la lévodopa, entraînent une mauvaise maîtrise des pulsions, ce qui rend leurs utilisateurs plus enclins àprendre des risques, comme s’adonner à des jeux de hasard.
Toutefois, le traitement ne se limite pas aux médicaments. L’une des meilleures façons de soulager les symptômes de la maladie est l’activité physique, autonome (yoga, natation, marche) ou sous la supervision d’un physiothérapeute.
En 2013, Steve Van Vlaenderen a renoncé aux inhibiteurs de la MAO-B, car les effets indésirables, obésité et extrême fatigue, étaient devenus trop pénibles. Il devra peut-être reprendre des médicaments un jour, mais en attendant il mise sur un entraînement vigoureux pour soulager ses symptômes. Il se rappelle la nuit durant laquelle il a pris cette décision : « Tout valait mieux que la vie que je menais. Dès le lendemain, je me suis inscrit dans une salle de sport. »
Cinq fois par semaine, Steve transpire deux heures d’un entraînement polyvalent qui apaise les effets de la maladie sur son sens de l’équilibre en renforçant les muscles du tronc. Désormais, il est non seulement capable de lever 110 kilos en développé-couché, mais il se sent surtout de bien meilleure humeur. « Il faut faire tellement plus d’efforts quand on a cette maladie qu’il est tentant de ne rien faire du tout, explique-t-il. Je me sens beaucoup mieux quand je choisis de rester actif. »
En plus de son entraînement, il dirige une entreprise de stockage et gestion de dossiers. Il dicte ses courriels à son portable ou les tape de la main gauche, car il ne maîtrise plus la droite. Beverly Lavender a pu continuer à travailler à plein temps 11 ans après le diagnostic, car elle réagissait bien à la lévodopa et pratiquait le taï-chi et le yoga. Ce n’est que récemment que sa fatigue grandissante l’a persuadée de prendre sa retraite. Elle a toujours deux passe-temps, la peinture et le tricot, qui atténuent la perte de sa motricité manuelle.
L’évolution de la maladie de Parkinson
Le parkinson ne progresse pas au même rythme d’une personne à l’autre. « Environ 10 % des patients souffrent d’un tremblement, en général d’une seule main, affirme le professeur Findley, en précisant que c’est parfois leur seul symptôme pendant plus d’une décennie. En revanche, certains atteignent le stade intermédiaire de la maladie après seulement cinq ans. »
Parmi les premiers obstacles à surmonter figurent la rigidité et les douleurs musculaires, ainsi que la perte d’expression faciale. « Je m’inquiète parfois de la manière dont on me perçoit en raison de mon manque d’expression corporelle, avoue Steve. Je peux paraître indifférent alors que c’est tout le contraire. » Par contre, ajoute-t-il en riant, c’est un atout pour jouer au poker.
Le stade intermédiaire se caractérise par des troubles de l’équilibre, des blocages moteurs, la miniaturisation de l’écriture et l’affaiblissement de la voix. Au stade avancé, aucun médicament ne soulage vraiment le patient, car non seulement les cellules qui sécrètent la dopamine meurent, mais celles qui l’utilisent aussi – et elles ne sont pas remplacées. De ce fait, explique Leslie Findley, le patient aura besoin d’une posologie plus élevée, mais subira quand même des épisodes de paralysie.
LORSQUE LA LÉVODOPA devient inefficace, on peut tenter un autre traitement, la stimulation cérébrale profonde (SCP) par implantation dans le cerveau d’électrodes dont les impulsions électriques sont censées réguler les signaux cérébraux anormaux. Mais la SCP n’est pas un remède miracle : elle ne soulage pas toujours efficacement les symptômes – en particulier chez les patients qui ne réagissent pas à la lévodopa – et il y a toujours un petit risque d’infection.
Les candidats doivent donc être soigneusement sélectionnés : ce sont pour la plupart ceux qui ne réagissent plus de manière satisfaisante ou prévisible à la lévodopa ou qui souffrent d’une dyskinésie. Partout dans le monde, on cherche à mettre au point des traitements moins invasifs pour pallier l’insensibilité à la lévodopa – au moyen d’un timbre transdermique la libérant en continu, par exemple.
Apprenez-en davantage sur le Parkinson à travers le récit qu’en a fait Michael J. Fox pour Reader’s Digest
LA MALADIE DE PARKINSON bouleverse la vie, mais elle n’en réduit pas sensiblement la durée si elle est bien traitée, assure le professeur Findley. Son conseil aux patients : « Cessez de nourrir l’idée que vous êtes invalide. Dès le début, forcez-vous à bouger. Activité physique et optimisme sont parmi les meilleures armes contre la maladie. » À tous les stades, les patients devraient manger sainement, éviter le stress et prendre bien soin d’eux. « Mieux on se porte, affirme Beverly Lavender, mieux on parvient à gérer les séquelles physiques et psychologiques de parkinson. »
Le tango pour soigner le Parkinson?
Les traitements médicaux ne sont pas tous pénibles : pour preuve, la danse (avec médicaments) est une bonne façon de soulager les symptômes de parkinson. Silvia Rios Romenets, neurologue du comportement et des troubles moteurs, y voit plusieurs raisons possibles. D’abord, le lien entre la musique et la production de dopamine « qui explique en partie le prix que nous accordons aux expériences musicales et l’émotion qu’elles peuvent susciter ».
Ensuite, le fait que la danse soit à la fois une activité sociale et un exercice physique – avec tous les avantages que cela comporte. Au printemps 2015, travaillant à l’Université McGill à Montréal, la neurologue s’est penchée sur les effets du tango argentin. Comme elle le pratique elle-même, elle savait que ses mouvements rythmiques vers l’avant et l’arrière « reproduisent des exercices de rééducation contre les blocages, pertes d’équilibre et autres troubles de la marche ».
Des expériences antérieures avaient révélé que le tango peut avoir des effets bénéfiques sur la motricité, mais l’étude de McGill a également observé son action sur les symptômes non moteurs. Elle a ainsi établi qu’au terme de 24 cours répartis sur 12 semaines, l’équilibre et la démarche des danseurs s’étaient plus améliorés que ceux des membres du groupe témoin, qui s’entraînaient pourtant tous les jours à la maison. Le tango semblait aussi avoir atténué deux symptômes non moteurs : la baisse des facultés cognitives et la fatigue.