Essayez toujours de comprendre
Jill Dodd, ancien mannequin et designer de la marque ROXY, a été la «poupée» d’un des hommes les plus riches du monde. «En apparence, c’est choquant, mais à un moment donné, on comprend le contexte et les mobiles.» Mme Dodd a aussi survécu à deux mariages entachés de violence et connaît depuis 20 ans un mariage heureux et sain. Elle est l’auteure d’une autobiographie: Currency of Love. Elle croit qu’il faut savoir à quel point l’éducation, les expériences de violences passées et nos capacités émotionnelles influencent nos décisions. De l’extérieur, il peut sembler évident et simple d’arrêter une relation avec quelqu’un qui a des comportements abusifs. Mais ce n’est pas clair pour tous.
«J’ai grandi dans un univers sexualisé à outrance dans lequel les femmes accordaient de la valeur à leur beauté plutôt qu’à la personne qu’elles étaient au-dedans», nous dit-elle. Par ailleurs, cette violence n’est pas seulement physique, elle peut prendre des formes émotives et sexuelles.
Une faible estime de soi n’est pas la seule raison pour laquelle une personne devient une victime, reconnaissent les femmes dont on a abusé. Il y a d’autres facteurs: l’incapacité à établir des limites, la difficulté à dire «non», et le rapport aux personnes en position d’autorité. Jill Dodd ajoute: «Si la cruauté et les comportements malsains vous sont familiers, ça peut ne pas vous déranger qu’on vous piétine. Vous ne savez pas qu’il existe autre chose et vous ne savez pas établir de limites saines.»
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La violence conjugale ne cesse pas nécessairement quand la victime fait de bons choix
«La pression pour que cessent les rapports abusifs repose trop souvent sur les épaules de la victime. On entend les gens demander pourquoi les victimes font d’aussi mauvais choix. Pourquoi acceptes-tu la situation? Pourquoi restes-tu? En vérité, la violence conjugale ne cesse pas nécessairement quand la victime fait de bons choix», dit l’auteure Lizbeth Meredith.
Mme Meredith a milité contre la violence conjugale. Elle-même a survécu à une situation familiale abusive: «J’ai quitté mon mari après qu’il a tenté de m’étrangler devant mes deux petites filles. J’ai choisi la pauvreté. J’ai vécu dans un abri pour femmes battues. Je ne suis jamais retournée vers lui. L’intimidation de sa part a continué. J’ai obtenu un baccalauréat et j’ai trouvé un travail formidable dans l’agence pour femmes battues auprès de laquelle je m’étais réfugiée. Je n’ai pas fait d’histoires quand on m’a refusé une pension alimentaire. Quatre longues années après que j’aie quitté mon mari, il a enlevé nos filles à l’occasion d’une visite et s’est enfui en Grèce. J’ai appris qu’il ne suffit pas de partir. Il faut penser à la sécurité, à mieux se connaître, à accepter l’aide des autres et à découvrir comment on a pu se retrouver dans une pareille situation, à prévenir aussi les autres des signes de danger.»
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Partir n’est pas aussi simple qu’on pense
Quand on entend parler de violence conjugale, il semble logique de suggérer à la personne de partir. C’est malheureusement plus compliqué que cela. En général, la femme va partir, mais va revenir sept fois avant de quitter pour toujours, selon la ligne d’assistance téléphonique National Domestic Violence Hotline, rapporte CNN. Cette statistique nous montre qu’il faut cesser d’assumer que les femmes qui souffrent de violence conjugale «n’ont qu’à partir.»
Lizbeth Meredith explique qu’«il y a plein de raisons pour lesquelles les victimes vont revenir dans leur foyer. Pour partir, il faut planifier, être soutenue, être déterminée à ne pas revenir». Elizabeth Babcock, psychothérapeute et militante communautaire, dit ceci: «Les agresseurs menacent souvent leur cible de conséquences financières, personnelles ou publiques, et de s’emparer des enfants. Ils utilisent toutes les menaces qui vont paralyser leur victime, et souvent ça marche.»
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Rôles de la rationalisation et de la justification
Les relations abusives sont souvent truffées de ruses concernant la société, le conjoint, soi-même. Selon Elizabeth Babcock, «les cibles de violence rationalisent souvent leur expérience en se convainquant que leur conjoint ne se rend pas compte du mal qu’il leur fait. J’ai travaillé avec de nombreux hommes violents et ils ont tous admis qu’ils se rendaient totalement compte qu’ils faisaient souffrir leur partenaire. Ils le font délibérément parce que ça leur donne le contrôle sur la relation». Jill Dodd est elle aussi de cet avis. «On a tendance à justifier un mauvais comportement si on y est coutumier.»
La culpabilité et la honte sont insupportables
Les personnes qui connaissent mal ce qu’est la violence conjugale peuvent sous-estimer la complexité émotive qui va de pair avec la guérison. Pour Jill Dodd, «même si elles n’étaient pas responsables de ce qu’elles ont subi, les victimes gardent toujours un sentiment de honte». Pour cette auteure, une thérapie et l’écriture de son livre ont été des expériences cathartiques. «Je suis en quelque sorte guérie, mais je ne le suis pas complètement», conclut-elle. C’est là ou de bons amis peuvent jouer un rôle important dans vos relations.
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La guérison peut être longue et douloureuse
L’isolement et la perte de contrôle sont deux signes chez un partenaire violent. Il y a d’autres signes silencieux, difficiles à découvrir. Melissa Sachs qui milite contre la violence conjugale dit ceci: «Ça m’a pris cinq ans pour comprendre ma douleur, et finalement voir la vérité telle qu’elle était et y croire. Et ça m’a pris encore plus de temps pour partir pour de bon.»
Elizabeth Babcock a confié à Reader’s Digest, que «les victimes de violence conjugale n’ont pas nécessairement au départ une mauvaise estime d’elles-mêmes, mais elles subissent un véritable lavage du cerveau dans leur relation, ce qui fait qu’elles s’habituent à accepter des comportements de plus en plus inacceptables et dommageables de la part de leur conjoint. Quand on vit dans de telles conditions pendant plusieurs années, il y a des répercussions émotives et médicales qui peuvent demander des années avant de guérir une fois la relation toxique finie. La reconstruction du moi est un long processus, compliqué par le fait que la plupart des victimes ne partent pas avant que ce ne soit devenu absolument nécessaire. Elles sont alors épuisées émotivement, au moment même où elles doivent entreprendre le projet énorme de reconstruire leur vie, tout en continuant à craindre pour leur sécurité.»
La stabilité financière rend les choses différentes
La violence conjugale touche donc toutes les classes socio-économiques, mais Jill Dodd dit: «Si vous avez de l’argent à vous, vous pouvez plus facilement partir.» Cependant, la stabilité financière n’est pas chose facile. Elle dépend de l’éducation, du genre de travail qu’on fait, de l’employabilité. Ça peut prendre des années. Les victimes deviennent plus vulnérables si elles dépendent financièrement de l’agresseur.
L’équipe qui fait des recherches sur l’éducation financière familiale à l’université de Washington souligne les défis auxquels sont confrontées les rescapées de violence conjugale. La domination économique est en soi une forme de harcèlement difficile à identifier. Lizbeth Meredith raconte: «Quand je suis partie avec mes filles, j’ai choisi la pauvreté. J’ai vécu avec des coupons alimentaires dans des refuges. Je pensais que j’en avais fini avec la violence conjugale.» Mais ça n’a pas été le cas.
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Vous pouvez compter sur d’autres femmes
La phrase «vous n’êtes pas seul» est un cliché utilisé à toutes les sauces. En réalité, on doit parfois vivre les choses, seul. Mais c’est rassurant de savoir que d’autres personnes qui ont vécu les mêmes embûches sont là pour aider. Nous rencontrerons peut-être d’autres femmes qui nous comprennent parce qu’elles lisent des récits sur le sujet, participent à des discussions dans des groupes de soutien, ou trouvent de l’information dans les médias sociaux. Melissa Sachs a mis récemment une citation sur son compte Instagram: «Si d’autres survivantes n’avaient pas validé ce que je faisais, je serais peut-être restée.» Elle a trouvé le soulagement en entrant en contact avec d’autres femmes comme elle dans les médias sociaux, et en lisant des récits vécus. «Ça m’a aidée à me sentir moins anéantie.»
La quête de réponses est un début
Jill Dodd a pleuré pendant des années. «J’ai tellement pleuré que je n’avais plus de larmes. Je m’apitoyais sur mon sort: pourquoi est-ce que ça m’arrive? Quand j’ai cessé de pleurer, j’ai commencé à chercher des réponses et à guérir.» Même si c’est plus facile à dire qu’à faire, recherchez des groupes de soutien, et d’autres femmes comme vous qui peuvent vous comprendre. Vous serez surpris par ces 20 faits étonnants sur l’amitié.
Vous voulez aider une amie ou un membre de votre famille qui souffre de violence conjugale? Vous avez besoin d’aide? Consultez des sites comme SOS violence conjugale ou Secrétariat à la condition féminine: violence conjugale.