12% de la population
Karen Chapelle a été toute sa vie d’une timidité maladive. Cette femme de 48 ans, soudeuse à Toronto, a pourtant de nombreux amis, mais elle les voit individuellement. Se retrouver au milieu de beaucoup de gens, surtout quand elle ne les connaît pas, lui donne des sueurs froides.
«Le pire, ce sont les soirées», confie-t-elle, songeant à une invitation à une fête juive où devaient se trouver 30 personnes et à laquelle elle avait fini par renoncer sachant que les invités devaient s’exprimer sur la reconnaissance. «J’avais envie d’y aller, mais je ne pouvais pas. C’était trop angoissant.»
Nombreux sont ceux qui, comme Karen, se préparent une nouvelle fois à se frayer péniblement un chemin entre les bols à punch de la période des fêtes. Il ne s’agit parfois que d’une timidité due aux circonstances, mais la phobie sociale peut sérieusement gâcher l’existence des 12% de la population qui en souffrent. Sachez repérer les signes révélateurs à surmonter pour vaincre votre timidité.
Voici quelques stratégies qui aideront à la fois ceux qui rougissent facilement et ceux qui, par timidité maladive, évitent ces soirées de réjouissances. Qui sait? Ils y trouveront peut-être même du plaisir.
Prendre conscience de son langage corporel
«Les sujets qui souffrent d’anxiété, ou qui craignent d’être rejetés, adoptent souvent une attitude fermée. Ils ont les bras repliés sur la poitrine, parlent à voix basse et se tiennent en retrait, explique Martin Antony, professeur de psychologie à l’université Ryerson, à Toronto. En les voyant, on se dit qu’ils ne veulent pas se mêler aux autres et on s’éloigne.» Décroiser les bras fait d’ailleurs partie des 8 manières d’inspirer confiance dans le langage corporel!
Pour Martin Antony, casser le cycle de gêne et d’exil intérieur demande de lutter contre des comportements qui repoussent les autres. Vous ne savez pas vraiment à quelle distance vous tenir des autres pour ne pas envahir leur espace? Observez ceux qui vous entourent et suivez leur exemple. Et puis, parlez un peu plus fort qu’à l’habitude – si l’on ne vous entend pas, il est facile de vous ignorer sans le vouloir, ce qui peut aggraver votre malaise.
Examiner ses pensées
Quand Karen Chapelle se décide enfin à participer à un événement, elle passe beaucoup de temps, parfois des semaines, à imaginer les pires scénarios (y trouvant la «preuve» qu’elle ne doit pas y aller). «Je me rends compte que je panique pour rien», dit-elle. Elle trouve aussi qu’on est toujours agréablement surpris de la voir là.
Selon Judith Laposa, psychologue au centre de toxicomanie et de santé mentale de Toronto, évaluer plus sévèrement ses propres schémas de pensée est une excellente façon de soigner un trouble, même grave, de phobie sociale. C’est la pierre angulaire de la thérapie comportementale cognitive, également utile pour les cas moins sévères.
«Il y a des trucs pratiques, comme se demander: “De quoi ai-je vraiment peur?” dit-elle. Avez-vous peur qu’on vous ridiculise et qu’on se détourne de vous? Est-ce vraisemblable?» Presque tous les anxieux surestiment les risques d’une catastrophe.
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C’est en forgeant qu’on devient forgeron
Il n’est sans doute pas nécessaire d’être de tous les thés ni d’être présent à tous les cocktails clients. Choisissez donc les événements sociaux qui vous conviennent et trouvez votre rythme. Cela dit, éviter systématiquement les invitations ne vous aidera pas à surmonter votre phobie sociale. Cela pourrait même l’aggraver.
«Celui qui souffre de phobie sociale gagne à s’exposer à des situations où il doit affronter ses peurs de manière répétée», explique Martin Antony. Autrement dit, même si cela peut rendre plus anxieux, il faut le faire comme on fait de l’exercice: avec le temps, les «muscles sociaux» finissent par se développer. «Si vous le négligez, vous serez plus fatigué après une nouvelle séance. Éviter l’exercice ne règle rien – parce que cette sensation de fatigue risque de vous accompagner toute la vie!»
Évidemment, difficile d’appliquer cette stratégie si la période des fêtes est à la veille de commencer et que vous n’avez pas eu le temps de vous entraîner. Judith Laposa suggère alors de mettre en œuvre votre propre plan d’amélioration. «Au lieu d’éviter la soirée ou de partir après 30 minutes, efforcez-vous de rester une heure et demie. Puis gagnez en confiance grâce à des stratégies d’adaptation positives.» Si bouger vous apaise, elle conseille de faire une longue promenade en fin de journée. Pour d’autres, se promettre une récompense après avoir réussi à surmonter une phobie sociale peut se révéler efficace.
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Se préparer, mais pas trop
L’idée de faire la conversation vous rend anxieux? On peut s’armer au préalable de quelques sujets de discussion, pense Judith Laposa, mais il faut éviter d’en être prisonnier. Comme votre interlocuteur ne connaît pas les répliques de la conversation que vous avez en tête, le plan peut facilement échouer.
Pour la psychologue, il y a des stratégies plus efficaces, par exemple parler de ce qui vous intéresse, même si cela n’intéresse pas forcément vos interlocuteurs. «La révélation de soi, c’est important, explique-t-elle. Si vous engagez la discussion sur un thème qui vous tient à cœur, on aura tendance à vous suivre.» Écouter et enchaîner avec des questions permet alors de faire durer la conversation.
Tabler sur l’alcool et sur l’illusion de détente qu’on croit en tirer est déconseillé aussi bien par Martin Antony que par Judith Laposa; l’alcool est une béquille imprévisible qui ne vous aidera pas à surmonter vos peurs.
Quelle que soit votre façon de traverser les fêtes, soyez plus indulgent envers vous-même, conseille Martin Antony. «Ce n’est ni bien ni mal d’être anxieux ou d’avoir le cœur qui bat à tout rompre, dit-il. C’est normal, inoffensif et, au pire, vous vous sentirez mal à l’aise.»
«Ce qui aide beaucoup, c’est de respirer, confie Karen Chapelle. Ça peut sembler idiot, mais ça marche.»
N’oubliez pas que chaque réussite l’emporte sur les échecs, cela fait partie des façons d’arrêter de vous sentir coupable tout le temps.