Vous faut-il une réduction mammaire?
Gros tétons, gros nénés, grosses boules… Suzann Paterson, 46 ans, en a entendu de toutes les couleurs. Mariée et mère de deux enfants, cette femme d’Oakville, en Ontario, a toujours trouvé ces remarques plus sottes qu’agressives – méritant un sourcil froncé plutôt qu’un regard glacial. Mais aujourd’hui, elle est heureuse, ces jours-là et ces commentaires sont révolus.
Suzann vient d’une longue lignée de femmes à gros seins. « Toutes les femmes du côté de ma mère avaient de gros seins. Nous appelions cela en blague la malédiction familiale, mais pour moi, ce n’était pas drôle. Je haïssais mes gros seins et quand j’ai atteint la mi-vingtaine, je les détestais. » Il y a donc 20 ans, elle s’est fait faire une réduction mammaire… qui a changé sa vie.
Pour celles qui voudraient avoir seins plus gros, il peut être difficile de concevoir qu’une femme puisse désirer le contraire: une réduction mammaire. Après tout, n’est-ce pas que les gros seins sont séduisants? Ne serait-ce pas intéressant d’avoir un attribut qui fait de vous une personne à part? N’aimeriez-vous pas, dans le secret de votre cœur, vous exhiber à une réception à la piscine et regarder les regards que vous jetteraient les autres femmes? Non dit Suzann, c’est tout simplement l’enfer.
D’abord, Suzann a toujours été petite et mince. Au début du secondaire, elle était un garçon manqué, insouciant et athlétique, de 1,62 m (5 pi 4 po) portant des vêtements de taille 2. À 14 ans, elle est passée d’un soutien-gorge juvénile à un 34D en un rien de temps. « C’est arrivé si vite, se souvient-elle. Mais j’étais restée petite et mince partout ailleurs, alors ma poitrine pointait avec arrogance. Pour moi, c’était une partie de mon corps qui m’était étrangère, comme un appendice que j’avais en trop. Courir me faisait mal et je suis devenue si gênée par la façon dont mes seins se balançaient d’un côté à l’autre que j’ai cessé de faire du sport. »
Avec ses seins qui continuaient à grossir, Suzanne a commencé à perdre l’estime de soi. Elle est devenue timide et gênée. Pour cacher son corps, elle portait des vêtements très amples. Tout au long de son secondaire, elle a eu des amies filles, mais elle a rarement accepté un rendez-vous avec un garçon. « Je ne voulais pas être touchée sexuellement, alors je me suis tenue loin des gars. »
Au moment où elle est entrée à l’université, ses seins, qui faisaient alors du 36-E, avaient commencé à avoir aussi des répercussions néfastes sur sa santé physique. Elle avait mal au cou et au dos, et la pression des bretelles de soutien-gorge laissait des marques de sillon sur ses épaules.
Elle décida un jour que c’était assez. Son médecin de famille lui donna des noms de chirurgiens plasticiens et, après avoir fait un peu de recherche, elle choisit celui qui lui inspirait le plus confiance. « À ce moment-là, j’avais un ami, qui est aujourd’hui mon mari. Je lui ai confié que j’allais me faire opérer; il ne trouvait pas qu’il y avait quoi que ce soit d’anormal avec mes seins, mais il savait combien ils me dérangeaient et il m’a soutenue dans ma décision. » Qu’en a-t-il pensé après? « Il n’y a eu aucune plainte, dit-elle, ça, c’est sûr. »
L’intervention chirurgicale
La réduction mammaire, ou mammoplastie de réduction, se fait sous anesthésie générale; elle réduit la taille et le poids des seins, et remodèle leur galbe. Selon l’ICIS (Institut canadien d’information sur la santé), il y a eu 12 684 réductions mammaires au Canada durant l’année fiscale 2011-2012, environ 1 000 de plus que dans les deux années fiscales précédentes. L’intervention est couverte par tous les programmes de santé provinciaux à condition que la taille des seins de la candidate entraîne pour elle des problèmes physiques ou psychologiques. Les critères sont différents d’une province à l’autre. En Ontario, par exemple, les problèmes physiques comptent les maux de cou, de dos ou d’épaules; le volume des seins doit être disproportionné; et il faut une recommandation médicale (dans cette province, l’approbation du remboursement doit être demandée par le chirurgien avant qu’il ne procède à l’intervention). Si votre régime de santé n’accepte pas de couvrir l’intervention, le prix de celle-ci varie d’un chirurgien à un autre (la Dre Julie Khanna, par exemple, chirurgienne plasticienne d’Oakville, en Ontario, que nous avons interviewée pour cet article, demande entre 6 000 $ et 8 000 $).
Procédure : La méthode traditionnelle, ou T inversé, ou encore technique de l’ancre marine (l’intervention de Suzann), implique trois incisions : une autour de l’aréole, une autre directement de la limite inférieure de l’aréole au pli du sein, et une troisième en U le long de la courbe du dessous du sein. (Il existe une nouvelle technique, dite technique verticale, dans laquelle le chirurgien ne pratique pas la troisième incision.)
Pendant l’intervention chirurgicale, on supprime le tissu mammaire, le gras et la peau en trop. De plus, les aréoles – que les chirurgiens peuvent faire plus petites – et les mamelons sont déplacés vers le haut. Dans la plupart des cas, et dans les deux types de chirurgie, les aréoles et les mamelons restent reliés aux vaisseaux sanguins et aux nerfs durant l’opération, pour préserver le plus de sensibilité possible.
Les seins et l’image corporelle
Comme le fait remarquer la Dre Khanna, les seins sont uniques, car ils sont l’expression extérieure de notre féminité. Alors que les autres éléments de l’appareil génital féminin sont cachés, les seins, même recouverts de vêtements, sont très visibles et attirent l’attention des mâles, qu’on le veuille ou non.
Mais ils attirent aussi l’attention des autres femmes. Les femmes à poitrine volumineuse se plaignent que les gens – hommes et femmes – fixent leurs seins au lieu de les regarder dans les yeux. Leurs seins sont aliénants pour certaines d’entre elles.
« Un jour, j’ai vu arriver une mère et sa fille de 14 ans pour une réduction mammaire, raconte la Dre Khanna. Je leur ai recommandé d’attendre la fin de la croissance de la jeune fille pour ne pas avoir à faire l’opération une deuxième fois plus tard dans sa vie. Quand je leur ai dit que je refusais d’opérer, les deux se sont mises à pleurer. La jeune fille portait déjà du FF. Ni les garçons ni les filles ne voulaient lui parler. J’ai procédé à l’opération. »
Andrea McTague, directrice de Lifeworks Psychology à Edmonton et psychologue agréée spécialisée dans l’image corporelle, dit que les seins sont très sexualisés dans notre société, et jouent donc généralement un rôle important dans l’image corporelle de la femme, à tout âge. « Les études montrent que les femmes plus jeunes s’attachent à la taille de leurs seins, alors que les femmes plus âgées se préoccupent de leur aspect, par exemple s’ils tombent ou pas », dit Andrea McTague. Le risque des seins qui tombent augmente après une grossesse, en particulier si la femme allaite son bébé.
Généralement, l’image négative du corps se développe lorsqu’il y a un écart entre ce que vous croyez être le corps « idéal » et votre corps réel. « Plus la différence est grande, dit Andrea McTague, plus il y a risque de développer des sentiments négatifs. »
D’où vient notre perception de l’« idéal »? Selon Mme McTague, la recherche montre qu’il n’y a pas de « bonne » taille de seins, du point de vue des hommes comme des femmes. Mais la perception de l’idéal chez une femme dépend de plusieurs facteurs tels que sa famille, ses amis, son environnement, les médias et même la région où elle vit.
Sandra, la mère de Suzann, et qui a 66 ans, se souvient de ses inquiétudes à propos de sa fille quand celle-ci était adolescente. « Lorsque ses seins sont devenus tellement volumineux, j’étais désolée pour elle. Je me disais : mon Dieu, qu’est-ce qui va lui arriver? »
Comme Suzann, Sandra est petite est mince et sa volumineuse poitrine lui a donné bien du fil à retordre quand elle était au secondaire. Les enfants l’appelaient Sandra-les-nénés, les garçons la poursuivaient, et elle ne pouvait pas porter de vêtements à la mode. « J’étais embarrassée, je portais d’immenses T-shirts pour qu’on ne voie pas mes seins pointer. Aujourd’hui, avec le support que donnent les soutiens-gorges, je n’ai aucun problème à trouver des vêtements qui me vont bien, sauf pour les chemises qui se boutonnent en avant. »
Sandra n’envisage pas une réduction mammaire à l’âge qu’elle a, mais elle l’aurait fait si elle avait pu à l’époque. Elle est heureuse que Suzann ait pu le faire. « Mon Dieu qu’elle était contente, se souvient Sandra. Ça l’a changée. »
Malgré les cicatrices, dont Suzann dit qu’elles sont presque invisibles maintenant, et une légère perte de sensibilité des mamelons (elle a pu allaiter ses deux enfants après l’intervention chirurgicale), elle n’a aucun regret. « Je suis devenue une nouvelle femme, dit-elle, et en même temps, cette nouvelle femme, c’est bien moi. »
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