Pas toujours facile de suivre à la lettre les recommandations du médecin.
«Je vais beaucoup mieux»
Qui n’a pas rangé ses antibiotiques au fond d’un tiroir après s’être réveillé apparemment guéri d’un affreux mal de gorge? Karine Ethier, pharmacienne à Saint-Faustin-Lac-Carré, dans les Laurentides, rapporte un autre cas classique: celui de l’homme dans la cinquantaine qui découvre qu’il souffre d’hypertension et qui interrompt son traitement quelques mois plus tard, une fois sa tension artérielle revenue à la normale. Résultat: la tension remonte en flèche, avec tous les risques que cela implique. «L’hypertension peut entraîner des insuffisances cardiaques et rénales, car elle oblige ces organes à travailler plus fort», rappelle Karine Ethier. Elle peut aussi provoquer une crise cardiaque ou un accident vasculaire cérébral.
A retenir
Les malades chroniques, tels que les hypertendus et les diabétiques de type 2, cessent souvent de prendre leurs médicaments sous prétexte qu’ils ne ressentent plus aucun symptôme.
Demandez toujours à votre médecin d’être précis sur la durée du traitement et suivez ses recommandations.
Si vous prenez des antibiotiques, vous finirez par vous sentir mieux, mais cela ne veut pas dire que l’infection a été éradiquée. Traité à moitié, le streptocoque responsable de votre mal de gorge peut causer une otite ou, pis encore, une fièvre rhumatismale aiguë susceptible d’endommager les valves de votre cœur; ou encore entraîner des complications articulaires ou rénales. Sachez aussi qu’un arrêt prématuré peut accroître la résistance de certaines bactéries aux antibiotiques.
«Mes médicaments coûtent trop cher»
Stéphane Chennec, la cinquantaine, dirige l’International Aviation Development Corporation de son bureau montréalais de la rue Saint-Urbain. Il prend quotidiennement du Zocor, un anticholestérolémiant, du Dicetel, contre le syndrome du côlon irritable, ainsi que du Naprosyn et de l’Amerge, un anti-inflammatoire et un antimigraineux, qu’il est condamné à consommer à vie depuis qu’un accident de voiture lui a endommagé les cervicales. Total de la facture: 220$ par mois. Même si la Régie de l’assurance maladie du Québec lui en rembourse une partie, la ponction est sévère pour un travailleur autonome qui ne bénéficie d’aucune assurance privée.
Un beau jour d’été, Stéphane Chennec ne renouvelle pas son ordonnance de Zocor. Trois mois plus tard, il apprend, lors d’un bilan de santé, que son taux de cholestérol a explosé.
A retenir
Selon les données 2008 de l’Institut canadien d’information sur la santé, chaque Québécois aurait dépensé en moyenne 841$ pour des médicaments prescrits. Si votre revenu se situe au-dessus de 22143$, vous avez déboursé en 2009 la prime maximale de 577$ et assumé les frais de franchise et de coassurance – que votre salaire annuel soit de 23000$ ou de 150000$.
L’organisme Jeunesse au Soleil, en collaboration avec 170 pharmacies membres de l’Association québécoise des pharmaciens propriétaires, offre un programme d’aide financière aux aînés de 60 ans et plus ainsi qu’aux personnes souffrant de troubles psychiatriques. Ce programme peut prendre en charge le coût de la moitié des médicaments dont le patient a besoin.
«Mais il existe peu ressources communautaires en santé pour les gens à faibles revenus», déplore Carole Laberge, conseillère budgétaire à l’Association coopérative d’économie familiale du Nord de Montréal.
Si votre employeur n’offre pas d’assurance privée, votre seule option est de voir avec votre médecin s’il n’existe pas un médicament générique pour le traitement qu’il vous a prescrit. Vous pouvez aussi lui demander s’il est possible d’acheter des doses plus fortes et de couper les comprimés en deux ou en quatre, ce qui en réduira le coût.
«Je n’aime pas les effets secondaires»
Au Canada, plus de trois millions de femmes et un million d’hommes souffrent de migraines. Josée Lapointe, 39 ans, de Laval, est sujette à des crises migraineuses depuis une quinzaine d’années, et son médecin lui a prescrit du Sandoz Sumatriptan. Bien que chaque comprimé coûte une quinzaine de dollars, Josée décide de s’en procurer quelques-uns dans l’espoir de se débarrasser enfin de ses céphalées.
Mais, après en avoir avalé un seul, elle se jure que ce sera le dernier. «J’ai cru que j’allais avoir une crise cardiaque, dit-elle. Tous les effets secondaires dont parlait la notice – bouffées de chaleur, tremblements, malaises -, je les ai eus!» Josée est retournée voir son médecin, qui lui a prescrit un autre médicament.
A retenir
Si un médicament entraîne des effets indésirables, consultez votre médecin pour réduire les doses ou changer carrément de traitement. (Voir l’encadré «Gare aux effets secondaires!»)
«J’ai peur de devenir dépendant»
Annie Pelland*, de Québec, n’avait que 19 ans la première fois que son médecin de famille lui a prescrit des antidépresseurs. Deux ans plus tard, elle accouche de son premier enfant et cesse de prendre ses pilules pendant quatre mois. «J’avais peur de devenir dépendante», se justifie-t-elle.
Mais son travail en relation d’aide est très exigeant sur le plan émotionnel, et la jeune femme se résigne à reprendre son traitement. «Sans mes pilules, tout devenait plus difficile, raconte-t-elle. Les choses les plus insignifiantes prenaient des proportions démesurées. Je pouvais, par exemple, ruminer une remarque d’un membre de ma belle-famille pendant des jours.»
Quand Annie tombe de nouveau enceinte, son médecin lui recommande de ne surtout rien changer à ses habitudes. Elle continue donc de prendre ses antidépresseurs, puis, à la naissance de son deuxième enfant, en 2008, réduit ses doses graduellement en suivant à la lettre les conseils de son médecin. Cette fois, tout se passe pour le mieux.
A retenir
«La peur de l’accoutumance aux antidépresseurs nous vient des benzodiazépines d’autrefois, comme le Valium, souligne le Dr Brian Bexton, président de l’Association des médecins psychiatres du Québec et auteur de Vivre avec une personne dépressive. Cette crainte ne se justifie plus aujourd’hui.» Il recommande d’arrêter certains antidépresseurs progressivement pour éviter les symptômes de retrait (diarrhée, nausées, etc.), très différents d’un sevrage de la drogue ou de la cigarette (hallucinations, convulsions…)
«J’ai lu que ce médicament n’était pas bon»
Nombre de médicaments ont été mis à l’index ces dernières années en raison de leurs graves effets secondaires, le Vioxx étant le plus célèbre d’entre eux. D’autres sont régulièrement pointés du doigt. C’est le cas des statines (comme le Lipitor), l’un des médicaments les plus vendus au monde. Des patients confient régulièrement à leur pharmacien leur réticence à en prendre à cause de leur mauvaise réputation.
Par exemple, à l’émission Du cœur au ventre, diffusée à la télé de Radio-Canada en janvier 2009, le Dr Michel de Lorgeril (auteur très controversé du livre-choc: Dites à votre médecin que le cholestérol est innocent, il vous soignera sans médicaments) dénonçait la prescription systématique de statines pour réduire le taux de cholestérol et avançait que leur effet positif sur les maladies cardiovasculaires était exagéré.
Karine Ethier est d’avis que cette position mérite d’être nuancée. «Si certains patients nourrissent des craintes à l’égard de ce médicament, dit-elle, qu’ils demandent à leur médecin de leur prescrire une prise de sang pour déterminer s’il a sur eux des effets dommageables ou non.»
Grâce à Internet, les patients ont de plus en plus de facilité à s’informer sur les effets secondaires des médicaments. A la lumière de ces données plus ou moins fiables, ils décident ensuite d’interrompre leurs traitements. Une attitude que Karine Ethier trouve désolante.
«J’ai vu des sinusites s’étirer ou des traitements se compliquer, raconte-t-elle, parce que des malades n’avaient pas pris leurs antibiotiques du début à la fin après avoir vu, lu ou entendu quelque part que cela affaiblirait leur système immunitaire.»
A retenir
Karine Ethier nous rappelle d’être vigilants. «Chaque cas est différent, conclut-elle. Avant de cesser de prendre un médicament, prenez le temps de discuter le pour et le contre avec votre pharmacien.»
* Pseudonyme.