Faites confiance à votre instinct pour éviter les regrets
Debout sur la galerie, Farrah (pseudonyme) était sans voix. Allongé dans l’herbe au milieu de leurs plus proches amis, son mari dévorait du regard une collègue qu’ils avaient intégrée à leur cercle intime. Farrah, la quarantaine, savait depuis au moins un an que quelque chose n’allait pas avec l’homme qu’elle avait épousé sept ans plus tôt. Il n’arrêtait pas de parler de cette collègue mais, pour Farrah, ce n’était qu’un béguin passager. «J’étais persuadée qu’il ne se passerait rien.»
Huit ans plus tard, il lui apparaît évident qu’il la trompait. Elle ne pouvait pas l’admettre à l’époque, encore moins lui en parler. Le mariage a tenu encore un an, ponctué pour Farrah d’épisodes de fatigue et de douleurs chroniques – son corps savait avant sa tête ce qui l’attendait. Elle avait essayé d’éviter ces signes qui prouvent que votre moitié est infidèle.
La fin est fatalement arrivée. Ce n’était pas beau. Presque aussitôt, elle s’en est voulu. «Je regrettais de ne pas m’être fait suffisamment confiance pour poser les bonnes questions et d’avoir perdu tant de temps.» Dans les pires moments, il lui est arrivé de regretter de l’avoir rencontré, 10 ans plus tôt. Pourquoi avait-elle laissé fleurir cette relation alors qu’ils avaient si peu en commun? Qu’aurait été sa vie s’ils ne s’étaient jamais croisés?
Il est tout à fait normal d’éprouver des regrets, mais se morfondre à coups de «Ah! si seulement…» conduit à l’anxiété et à la dépression – et empêche d’avancer. Voici quelques conseils pour apprendre à votre cerveau à passer à autre chose.
Un peu d’indulgence envers votre passé
En psychologie, le regret est considéré comme une «pensée contrefactuelle négative» – on se réinvente un passé où les décisions prises donnent de meilleurs résultats.
«Quand on regrette, on ne se dit pas: “Si j’étais sortie avec ce type, je serais peut-être tombée sur un tueur en série”, explique le Dr Simon Sherry, qui dirige une équipe de recherche sur la personnalité à l’université Dalhousie, à Halifax. Mais plutôt: “Il aurait pu être l’amour de ma vie.”»
Oui, c’est possible. Mais le contraire l’est tout autant. Apprenez à détecter les signes que vous côtoyez un psychopathe! Vous aviez sans doute de bonnes raisons à l’époque de faire ce que vous avez fait. Peut-être étiez-vous trop jeune pour accepter cette proposition de mariage. Malheureusement, quand on broie du noir on a tendance à oublier pourquoi on a choisi une chose plutôt que l’autre. «Le regret utilise ce que l’on sait aujourd’hui pour condamner des décisions que l’on a prises par le passé», explique la Dre Natasha Williams, psychologue clinicienne à Toronto.
Bien que ce soit difficile, il est important de se montrer bienveillant envers la personne qu’on était et de se «débarrasser de ce poids de responsabilité», selon les termes de la Dre Williams.
N’hésitez pas à suivre ces conseils de psychiatre pour ne pas nourrir la rancune.
Concentrez-vous sur le présent
Il y a quelques générations, nous vivions encore dans un monde où les choix étaient peu nombreux. Nous devenions adultes et faisions à peu près comme nos parents.
«Aujourd’hui, nous pensons que tout est possible, et c’est un problème, car la multiplication des occasions engendre des regrets», explique le Dr Sherry. Fallait-il étudier le génie plutôt que l’histoire? Aurait-il été préférable de voyager plutôt que de s’installer et de fonder une famille? Voir les images de leur réussite que vos amis postent sur les réseaux sociaux n’aide pas et encourage la «comparaison sociale ascendante», qui traduit la peur de manquer quelque chose. Mais revenir sans cesse sur le passé est contreproductif. Comme les sujets pleins de regrets sont souvent trop occupés à s’abandonner au mépris de soi rétrospectif pour s’arracher du canapé, cela mène tout droit à l’inaction. Bouger est un antidote instantané: filez à la salle de sport, grattez la guitare, attaquez-vous à une recette compliquée. Il s’agit de se faire chauffer la cervelle pour échapper à ses obsessions – après tout, difficile de broyer du noir quand on est occupé à se taper un cinq kilomètres de course, dit le Dr Sherry.
La pratique de la pleine conscience – une forme de méditation qui vous encourage à faire venir et à chasser les regrets pour éviter qu’ils ne hantent votre esprit – est une autre façon d’éliminer l’angoisse du passé. «La pleine conscience est pour ainsi dire l’antithèse du regret, car vous faites un effort délibéré pour diriger votre attention sur le moment présent», explique le Dr Sherry.
Vous serez surpris d’apprendre comment la méditation agit sur votre cerveau.
Apprenez de vos erreurs
Tout en étant très douloureux, les regrets peuvent pourtant tout aussi bien pousser à l’amélioration. «L’intensité du regret finit par diminuer parce que ce sentiment vous incite à réagir», dit le Dr Mike Morrison, professeur au King’s University College à London, en Ontario.
Il n’est souvent pas trop tard pour satisfaire une vieille obsession: pourquoi ne pas reprendre vos études, vous remettre à ce roman ou vous réconcilier avec un vieil ami, même après toutes ces années? Les regrets les plus résistants sont ceux qui se réparent le moins facilement – disons avoir travaillé 70 heures par semaine plutôt que de voir grandir ses enfants. Dans ce cas, le Dr Morrison recommande la «reformulation positive», comme faire le vœu de passer plus de temps avec vos petits-enfants. «Tous les regrets contiennent un ressort pour l’avenir», dit-il.
C’est là que le mot «mais» entre en jeu. «Il faut arriver à pouvoir se dire: “Je regrette ce que j’ai fait, mais voici ce que je compte en faire pour passer à autre chose”, explique la Dre Williams. Quand je serai prête à m’engager dans une autre relation, ces regrets me serviront à reconnaître les signaux d’alarme et à inverser le scénario.»
C’est ce qu’a fait Farrah. Pendant deux ans, avec l’aide d’un thérapeute, elle a essayé de comprendre ce qui lui avait échappé et elle s’est équipée d’outils pour ne pas faire les mêmes erreurs la prochaine fois. Une partie du travail a consisté à établir la liste des valeurs les plus importantes qu’elle souhaite retrouver chez un homme. Avant tout, la capacité de nourrir une communication franche et ouverte sur des sujets difficiles – ce qu’elle et son mari n’avaient pas su pratiquer.
Quand elle a rencontré son actuel partenaire, elle a vite compris que c’était le bon. Il n’est pas parfait, bien sûr – qui l’est? –, mais il accepte de parler de ses sentiments et de ne pas cacher ses vulnérabilités. Ils vivent ensemble depuis cinq ans. «Je ne dis pas que ce n’est pas difficile, il y a encore des choses sur lesquelles nous ne sommes pas d’accord. Mais nous en parlons, et ça change tout.»
La communication est en effet primordiale, c’est d’ailleurs l’un des signes qui prouvent que votre couple est fait pour durer!