Mon médecin est-il à jour ?

Sans mettre en doute sa compétence, il peut être vital de vous poser la question.

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La « médecine factuelle » consiste à prescrire à chaque patient les médicaments, les interventions chirurgicales et les thérapies ayant fait leur preuve dans des cas similaires. Pourtant nombreux sont les médecins qui ne pratiquent toujours pas cette approche du bon sens.

Trop souvent, ils s’en tiennent aux traitements qu’ils connaissent depuis toujours, même si les recherches les plus rigoureuses montrent qu’ils ne fonctionnent pas. « Au début de leur carrière, les médecins acquièrent des certitudes qui finissent par se scléroser, explique le Dr Eddy Lang, urgentologue et chercheur à l’université de Calgary. Les faits scientifiques évoluent rapidement. Hélas, tous les médecins n’actualisent pas leur pratique au même rythme. »

Le résultat ? Des traitements mal ciblés, mais aussi un gaspillage financier considérable. « Toute intervention diagnostique ou thérapeutique inefficace coûte forcément trop cher », résume le Dr Gordon Guyatt.

Les connaissances de votre médecin sont-elles périmées ? Soyez vigilant, particulièrement dans les domaines suivants :

Hypertension artérielle
Vaccinations
Asthme
Douleurs lombaires
Crise cardiaque
Diabète

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Hypertension artérielle

Hypertension artérielle

L’erreur. Se contenter de modifier les habitudes de vie alors que les médicaments s’imposent.

Manger moins gras et moins salé, faire du sport ? Parfait pour l’hypertension modérée ! Mais pour les cas plus sévères et les groupes à risque, le traitement pharmacologique est de rigueur. N’oublions pas que l’hypertension accroît considérablement le risque de crise cardiaque et d’accident vasculaire cérébral mortel.
Les directives du Programme éducatif canadien sur l’hypertension (PECH) ont été établies en 1999 par une cinquantaine de spécialistes et sont actualisées chaque année. Selon Statistique Canada, le tiers des adultes canadiens hypertendus ne bénéficient pas d’un traitement efficace. Près de la moitié d’entre eux prennent des médicaments qui ne fonctionnent pas ; les autres ne sont pas suivis – ou ignorent carrément qu’ils sont malades !

Le Dr Sheldon Tobe, du Centre des sciences de la santé Sunnybrook de Toronto, préside le Groupe de travail sur les résultats de recherche du PECH. « Le Canada est le pays qui gère le mieux l’hypertension artérielle, précise-t-il, mais nous pourrions quand même nous améliorer. L’élaboration des lignes directrices représente un travail considérable, mais insuffisant. Si elles ne sont pas mises en œuvre, toutes ces pages de jargon scientifique publiées dans des revues spécialisées ne servent pas à grand-chose. »

Le bon geste. Hypertension Canada estime qu’en règle générale les médicaments s’imposent dès que la pression artérielle moyenne, après une série de trois mesures, dépasse 160/100 (140/90 en cas de diabète, maladie cardiaque ou autre facteur de risque). Si un médicament ne suffit pas pour ramener la pression à la normale, le médecin ne devrait pas hésiter à en prescrire plusieurs.

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Vaccinations

Vaccinations

L’erreur. Oublier le vaccin antigrippal annuel.

Au Canada, les directives relatives aux vaccinations sont établies par le Comité consultatif national de l’immunisation. Bénéficiant de l’appui d’instances spécialisées, telles que le Collège des médecins de famille du Canada et l’Association médicale canadienne, ce groupe d’experts recommande le vaccin antigrippal annuel à tout le monde, en particulier aux gens qui s’occupent de bébés, qui ont plus de 65 ans, résident dans un centre de soins de longue durée ou travaillent ou vivent avec un malade chronique (affection cardiaque, cancer, etc.). La vaccination peut mettre 90 pour 100 de la population à l’abri de la grippe et réduire de 40 pour 100 le nombre d’hospitalisations chez les personnes à haut risque (par exemple, les diabétiques).

L’immunisation antigrippale n’est toutefois pas aussi systématique qu’elle devrait l’être dans certains groupes. Ainsi, 80 pour 100 des malades et 75 pour 100 des travailleurs de la santé ne seraient pas vaccinés annuellement. « Or, souligne le Dr Eddy Lang, il suffit d’un grippé dans l’équipe pour infecter plus de 20 patients. »

Le bon geste. Dans la plupart des cas, même les bien portants auraient avantage à se faire vacciner annuellement. Si vous faites partie d’un groupe à risque élevé, aucun doute : vous, votre famille et vos prestataires de soins devez être immunisés chaque année.

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Asthme

Asthme

L’erreur.  Traiter les problèmes respiratoires au lieu de les prévenir.

Touchant plus de trois millions d’adultes et d’enfants, l’asthme compte parmi les affections chroniques les plus courantes au Canada. Il peut être relativement facile à vivre : les inhalations quotidiennes de corticostéroïdes apaisent l’inflammation des voies respiratoires et font baisser la fréquence des crises ainsi que leur gravité.

Pneumologue et chercheur à l’Université Laval de Québec, le Dr Louis-Philippe Boulet a mis sur pied un programme provincial d’information sur l’asthme. Sa recommandation : éviter les déclencheurs environnementaux tels que le tabagisme, les acariens et les animaux domestiques afin de mieux dormir, manquer moins de journées de travail ou d’école, maintenir une activité physique normale… et fréquenter moins assidûment les urgences.

La Société canadienne de l’asthme estime néanmoins que 60 pour 100 des Canadiens et Canadiennes asthmatiques subissent régulièrement des épisodes extrêmement pénibles. « Les symptômes devraient être réduits au minimum, voire éliminés, déclare le Dr Boulet. On privilégiait autrefois les interventions symptomatiques de court terme. Si vos crises sont encore relativement fréquentes, c’est que cette approche n’enraie pas l’inflammation chronique. Il faut alors penser à long terme. »

Le bon geste.  Selon le Dr Boulet, le médecin devrait prescrire des corticostéroïdes en inhalation aux patients qui présentent des symptômes asthmatiques une ou deux fois par semaine.

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Douleurs lombaires

Douleurs lombaires

L’erreur. Photographier inutilement votre colonne vertébrale.

L’imagerie par résonance magnétique (IRM) est en plein essor. En Ontario, les médecins ont prescrit 4,5 fois plus de clichés IRM de la colonne vertébrale en 2001 qu’en 1992; le nombre des tomodensitogrammes (TD) spinaux a augmenté de 51 pour 100. Rien ne prouve pourtant que toutes ces « à photos » présentent de quelconques bienfaits thérapeutiques!

Le programme albertain Toward Optimized Practice (Pour une pratique médicale optimale) diffuse les directives provinciales de pratique clinique. Se fondant sur un volume important d’observations scientifiques, ses experts déconseillent le recours systématique à l’imagerie pour déterminer l’origine des douleurs dorsales : les TD et autres rayons X présenteraient généralement un risque de radiation trop élevé par rapport à leurs avantages potentiels.

Ces techniques d’imagerie peuvent par ailleurs révéler des zones d’arthrite ou de dégénérescence discale qui ne constituent pas la cause des douleurs. « Une colonne vertébrale parfaite, cela n’existe pas », souligne le Dr Gordon Guyatt. Or les traitements mis en œuvre pour corriger ces anomalies ne permettent pas forcément d’apaiser la souffrance. « L’imagerie médicale séduit les médecins autant que les patients, constate notre expert. Mais son efficacité réelle est parfois très discutable. »

Certains médecins en abusent aussi pour d’autres problèmes de santé, ajoute le Dr Eddy Lang. Les hôpitaux canadiens ont consacré 2,3 milliards de dollars à l’imagerie diagnostique en 2003-2004, contre à peine 1,6 milliard quatre ans plus tôt. « Les urgentologues craignent toujours d’oublier certains éléments dans leur diagnostic, indique le Dr Lang. Ils veulent aussi éviter les poursuites judiciaires et les sanctions disciplinaires. »   Le bon geste. Si les clichés d’imagerie médicale ne peuvent rien changer au traitement ou si vous souffrez d’un problème qui se règle généralement de lui-même, votre médecin devrait vous épargner cette procédure. Pour les douleurs dorsales, essayez d’abord ces remèdes éprouvés : application de chaleur ou de froid ; exercice physique ; acétaminophène ou anti-

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Crise cardiaque

Crise cardiaque

L’erreur. Administrer les traitements d’urgence trop tard; omettre des soins de suivi ou autres interventions vitales.

Environ 70 000 Canadiens et Canadiennes feront une crise cardiaque cette année. Prises rapidement, des mesures bien connues pourraient leur sauver la vie : administration d’aspirine ou d’un fluidifiant du sang ; angioplastie… Différentes contraintes peuvent toutefois empêcher les médecins d’agir sur-le-champ – par exemple, l’engorgement des services d’urgence.

« Plusieurs types d’interventions pourraient sauver des patients… à condition de les mettre en œuvre », souligne le Dr Eddy Lang.

Au Canada, le tiers des décès est attribuable aux maladies cardiovasculaires. Les chances de survivre à une crise cardiaque sont moins élevées chez nous qu’aux Etats-Unis, en Italie, en France ou au Japon. Selon une étude de l’université York, à Toronto, seulement 43 pour 100 des patients cardiaques en consultation externe se font conseiller un programme de réadaptation par leur médecin traitant. Ces procédures de suivi accroissent pourtant notablement le taux de survie.

Le bon geste. En cas de crise cardiaque grave, vérifiez que l’hôpital le plus proche dispose d’un service de cardiologie ou d’un cardiologue dans son équipe. Ces établissements sont plus enclins à implanter les directives thérapeutiques dans les délais prescrits.

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Diabète

Diabète

L’erreur. Négliger de le contrôler.

Environ trois millions de Canadiens et Canadiennes seraient diabétiques, mais un demi-million d’entre eux ignorent leur état. Or le diabète peut avoir des conséquences graves s’il n’est pas correctement traité: amputation des jambes ; maladies rénales ; cécité. « Une bonne maîtrise de la glycémie permet d’abaisser considérablement le risque de complications », rappelle le Dr Ian Blumer, coauteur du livre Le diabète pour les nuls.

S’appuyant sur des faits scientifiques avérés, l’Association canadienne du diabète (ACD) recommande aux médecins de redoubler de vigilance en cas de facteur de risque, par exemple l’embonpoint. Toutefois, même les bien portants devraient passer un test de glycémie dès leurs 40 ans. « Même en dehors des groupes prédisposés, beaucoup de gens peuvent devenir diabétiques », explique le Dr Ian Blumer, qui a participé à l’élaboration des lignes directrices de l’ACD.

Le bon geste. Passez un test de diabète tous les trois ans à partir de la quarantaine – et même avant cela, et plus fréquemment, si vous présentez un quelconque facteur de risque : surcharge pondérale ; antécédents familiaux ; ascendances autochtones ; épisodes de diabète de grossesse…

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Les médecins n'ont pas toujours le choix

Les médecins n’ont pas toujours le choix

Plusieurs facteurs peuvent entraver la pratique de la médecine factuelle.

• Les délais d’attente. Au Canada, ils ont presque doublé depuis 15 ans pour certaines interventions, notamment en chirurgie.

• L’engorgement des services d’urgence. « Nous devons souvent faire attendre des patients atteints de maladies potentiellement mortelles, constate le Dr Eddy Lang. Il est impossible de pratiquer la médecine factuelle dans ces conditions. »

• L’éloignement géographique. Selon la Société canadienne de cardiologie, de nombreuses victimes d’une crise cardiaque vivent simplement trop loin d’un hôpital pour bénéficier des traitements

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Votre médecin peut avoir ses raisons

Votre médecin peut avoir ses raisons

Chaque fois qu’il vous recommande un traitement, votre médecin devrait fonder son protocole thérapeutique sur des études scientifiques récentes. Certaines exceptions sont toutefois possibles. « Le médecin peut avoir d’excellentes raisons de ne pas suivre les directives des instances spécialisées », souligne la Dre Ellen Tsai, bioéthicienne de l’université Queen’s de Kingston, en Ontario. Lesquelles ?

• Vous êtes unique ; votre traitement doit l’être aussi. « Si le patient prend déjà des médicaments ou qu’il a d’autres problèmes de santé, le traitement généralement recommandé peut ne pas lui convenir », explique le Dr Eddy Lang.

Supposons que les directives préconisent un médicament anticancéreux qui s’avère par ailleurs dangereux pour le cœur : il va de soi que le médecin ne doit pas le prescrire à ses patients cardiaques.

« Le médecin de famille ne peut pas appliquer aveuglément les recommandations officielles, résume le Dr Sheldon Tobe. Il doit choisir la solution la plus judicieuse pour son patient. »

•  Les directives évoluent. « Il arrive souvent que des recherches contredisent des consignes antérieures ou les modifient », explique la Dre Ellen Tsai.

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