La flore mondiale comprend plusieurs centaines de milliers d’espèces différentes, dont environ 250 000 ont été décrites et répertoriées
Mais à peine 2 000 à 3 000 d’entre elles ont fait l’objet d’études scientifiques, chimiques ou pharmacologiques. De plus, certaines de ces études, relativement anciennes, mériteraient d’être reprises à la lumière des connaissances actuelles. Car, désormais, on ne se contente plus d’isoler les principes actifs des plantes ou de déterminer leurs indications.
Par la chimie de synthèse, on peut reproduire les molécules, les modifier de façon plus ou moins importante, et obtenir ainsi des substances dérivées aux propriétés spécifiques. Une méthode finalement moins hasardeuse que celle qui consisterait à créer ex nihilo une molécule artificielle capable d’agir dans l’organisme humain.
Un énorme travail de collecte reste à réaliser si l’on veut pouvoir bénéficier de toute la biodiversité végétale et du potentiel thérapeutique des plantes. Beaucoup d’espèces, en effet, nous sont encore inconnues, en particulier celles qui poussent dans les forêts d’Afrique équatoriale, d’Asie du Sud-Est, d’Amérique du Sud, ou dans les îles du Pacifique. Il faut aussi recueillir, auprès des populations autochtones, toutes les informations possibles sur leurs usages traditionnels, afin d’inventorier les « plantes qui guérissent » et de pouvoir les identifier.
La recherche de plantes nouvelles est confiée à des équipes d’ethnobotanistes et d’ethnopharmacologues. La prospection commence sur le terrain, et elle peut utiliser différentes procédures. La collecte, large et systématique, pratiquée au hasard, permet de ramener un maximum d’échantillons, qui passeront ensuite par les robots d’analyse. Dans certains laboratoires de grandes sociétés pharmaceutiques, il existe des machines capables de tester jusqu’à 100 000 échantillons par jour ! Malgré tout, cette méthode reste laborieuse et ses résultats sont très aléatoires.
On peut aussi rechercher systématiquement des espèces d’une famille connue pour renfermer des substances actives spécifiques. Ainsi, par exemple, beaucoup de Rutacées ou de Rubiacées sont des sources d’alcaloïdes : c’est donc des plantes de ces familles que l’on va d’abord essayer de collecter pour trouver ces substances. Mais le plus souvent, l’ethnobotaniste commence sa prospection en interrogeant les populations autochtones, en particulier les guérisseurs et les personnes qui sont réputées connaître les pouvoirs des végétaux. Il sélectionne alors les plantes qui semblent intéressantes, note le nom qu’on leur donne dans le dialecte local, les parties utilisées, leur usage habituel et les vertus qu’on leur attribue.
Une fois les échantillons bien identifiés et rassemblés en quantité suffisante, c’est aux chimistes de jouer
Ils réalisent des extraits de la matière brute afin d’isoler des constituants chimiques de la plante, purs ou mélangés. Ces extraits sont testés – in vitro et in vivo – pour déterminer tout d’abord une éventuelle toxicité, puis pour définir leur activité biologique. La sélection est sévère : on considère qu’à ce stade une seule molécule est retenue pour 10 000 composés analysés !
Des études cliniques, généralement très longues, sont ensuite effectuées : d’abord sur l’animal, puis sur des volontaires humains. Si les résultats sont positifs, le travail galénique proprement dit peut commencer : il s’agit de donner à la substance active la forme médicamenteuse (gélules, comprimés, solutions liquides…) sous laquelle elle sera utilisée et commercialisée. La dernière étape, cruciale pour le laboratoire pharmaceutique, est la demande d’autorisation de mise sur le marché (ou AMM), faite auprès des instances gouvernementales. Au total, il s’écoule le plus souvent 12 à 15 ans, voire davantage, entre la collecte en forêt et la commercialisation du médicament.
Des projets de prospection des ressources végétales se développent dans le monde entier. Mais des menaces importantes pèsent sur la biodiversité, et donc sur le capital de nouvelles molécules médicinales. Si la déforestation se poursuit au rythme actuel, le quart de la forêt tropicale existant aujourd’hui aura disparu en 2025 et, avec elle, sans doute près de 10 % des espèces végétales présentes sur le globe.
D’où l’urgence de réaliser un inventaire aussi exhaustif que possible, et la nécessité de veiller à la préservation des flores locales. C’est ce qui est concrétisé par les accords signés entre certains gouvernements et des entreprises pharmaceutiques : en échange de l’accès aux ressources génétiques de la flore indigène, le laboratoire verse une fraction des bénéfices à des organismes nationaux de recherche et de conservation de la flore. Enfin et surtout, la bioprospection doit se faire dans le respect des droits des populations autochtones sur leurs plantes médicinales.
Certaines plantes médicinales peuvent être cultivées chez vous. Attention cependant à ne pas mélanger ces remèdes naturels à des médicaments sur ordonnance.