Les vertus santé des plantes
Ce n’est pas un hasard si les plantes sont présentes dans la recherche pharmacologique contemporaine. Elles sont riches en « métabolites secondaires », des molécules que la plante produit pour contrôler son environnement, survivre et se reproduire. Il s’agit, par exemple, des molécules capables d’éloigner les prédateurs, telles les substances aromatiques des pélargoniums, qui repoussent les herbivores. Ou des molécules qui attirent les insectes pollinisateurs, comme les phéromones sexuelles synthétisées par certaines orchidées. Ou encore de composants qui découragent la compétition d’autres espèces : ainsi, le noyer produit de la juglone, qui inhibe la croissance des autres plantes dans un large rayon autour du tronc. Ces métabolites secondaires propres au monde végétal sont extrêmement nombreux : on en a recensé plus de 200 000 ! Et, du fait de leurs structures chimiques à la fois très complexes et très diversifiées, ils sont à la base de multiples médicaments issus des plantes.
La lutte contre le paludisme
La quinine, le principe actif de l’écorce du quinquina isolé en 1820 par deux pharmaciens français, J. Pelletier et C. Caventou, continue à jouer un rôle essentiel dans le traitement des accès sévères de paludisme. La plupart des souches de Plasmodium, les parasites responsables de cette maladie, sont devenues résistantes aux antipaludéens de synthèse développés, sur le modèle de la quinine, entre 1930 et 1970. La recherche de nouvelles molécules est donc aujourd’hui une priorité de santé publique : le paludisme touche chaque année environ 300 millions de personnes dans le monde, et entraîne 2 millions de décès. Une armoise issue de la pharmacopée chinoise, qing-hao ou Artemisia annua, utilisée depuis toujours comme fébrifuge, a récemment donné naissance à une nouvelle classe de médicaments antipaludéens qui sont employés sur tous les continents, notamment en Afrique et dans le Sud-Est asiatique.
Face au cancer
La pervenche de Madagascar (Catharanthus roseus) avait, dans son pays d’origine, la réputation d’être antidiabétique. Les travaux menés à la fin des années 1950 donnèrent des résultats négatifs dans ce domaine.
En revanche, les chercheurs, qui avaient noté une chute des globules blancs dans le sang des animaux traités, envisagèrent d’utiliser la plante pour traiter les leucémies. Deux alcaloïdes ayant une puissante activité devaient être isolés de ses feuilles : la vinblastine et la vincristine. Des dérivés très actifs furent ensuite synthétisés par l’équipe du Dr Potier, au CNRS, à partir d’autres constituants plus abondants dans la plante. Les médicaments obtenus transformèrent l’espérance de vie des patients atteints de la maladie de Hodgkin ou de leucémie aiguë. L’activité antitumorale d’un extrait d’écorce de l’if du Pacifique (Taxus brevifolia) a été détectée tout à fait fortuitement vers 1965, dans le cadre d’un programme de recherche systématique de plantes soutenu par le National Cancer Institute américain. La substance active, le taxol, fut isolée quelques années plus tard. Mais il fallut rapidement interrompre les essais cliniques : le traitement pour un seul malade nécessitait l’abattage de 6 arbres âgés de 100 ans ! Une solution fut heureusement trouvée par une autre équipe française du CNRS, qui isola dans les aiguilles de l’if d’Europe (Taxus baccata) un composé qu’on pouvait convertir chimiquement en produits proches du taxol et encore plus efficaces que ce dernier. On les utilise aujourd’hui pour traiter avec succès certains cancers du sein et de l’ovaire.
Le rhizome de la podophylle (Podophyllum peltatum), une petite plante herbacée qui pousse dans les forêts de l’Est canadien, fournit des molécules au pouvoir antimitotique proche de celui des alcaloïdes de la pervenche de Madagascar. Une substance extraite de Camptotheca acuminata, un arbre du sud de la Chine, a donné naissance à des médicaments de synthèse : l’irinotécan, développé au Japon, et le topotécan, mis au point aux États-Unis. Tous deux sont utilisés dans le traitement de certains cancers.
On étudie également les quassinoïdes, extraits du quassia (Quassia amara), un arbre originaire de la Jamaïque.
Une spécialité anticancéreuse à base d’acronycine, obtenue à partir d’un arbuste australien, Sarcomelicope simplicifolia, fera bientôt l’objet d’essais cliniques en France.
D’autres plantes pour guérir
Quel que soit le domaine thérapeutique, les végétaux ont permis, dans un passé très récent, de fantastiques avancées médicales. Ainsi, un champignon trouvé dans le sol norvégien a donné naissance à la ciclosporine, un médicament immunosuppresseur qui autorise les transplantations d’organes en évitant les phénomènes de rejet. À partir de l’igname sauvage, ou yam, on obtient la cortisone. On a découvert que le soja et l’agave avaient des effets œstrogéniques.
Les recherches concernant la lutte contre le sida et la stimulation de l’immunité ne ralentissent pas : de très nombreuses plantes ont été étudiées, et on poursuit les études sur l’écorce de platane, le pin blanc du Japon et la châtaigne australienne. Dans le traitement du diabète, on attend beaucoup de travaux en cours portant sur un champignon du Congo qui renfermerait un composé chimique agissant comme l’insuline.
La saga des médicaments issus des plantes se poursuit : une aventure qui exige du temps, de la persévérance et des moyens financiers, mais fait naître d’immenses espoirs.