Le rôle crucial des sports d’équipe
La «Marche pour la relance des sports», organisée par un jeune footballeur de Québec, le 7 mars, illustre bien à quel point les jeunes souffrent du confinement. Leur demande, compréhensible, a d’ailleurs mené le gouvernement du Québec à autoriser les sports de groupe à compter du 26 mars, même si des restrictions importantes demeurent et que les compétitions sont toujours interdites.
Depuis le début de la pandémie, la santé mentale des jeunes s’est dégradée de manière alarmante. Plusieurs experts s’entendent pour dire que les adolescents et les jeunes adultes, ont été laissés pour compte dans les mesures de santé publique. Ces mesures sont très centrées sur une vision biologique de la crise, sans trop d’égards à la santé mentale et aux besoins de liens sociaux. Entre anxiété et mal-être, la pandémie est dure pour la santé mentale.
C’est dans ce contexte d’un déficit de lien social qui ne peut être réduit au simple virtuel que nous avons voulu – en tant que chercheurs travaillant dans le champ de la santé mentale des jeunes, du sport et du plein air – mettre en exergue l’importance des pratiques sportives de groupe.
En effet, l’activité physique ne se résume pas à une dépense énergétique et métabolique. La reprise des sports d’équipe aidera non seulement la santé physique, mais aussi le bien-être psychologique des jeunes, et notamment le besoin de socialiser. Mais alors, comment faire de l’exercice en temps de pandémie?
Bouger et partager
Les activités physiques de groupe offrent des expériences partagées et ludiques qui favorisent les liens sociaux tout en améliorant le sentiment de compétence et l’adoption de saines habitudes de vie, qui sont essentiels à une bonne santé mentale.
Des chercheurs en sociologie, psychologie et anthropologie ont montré que la pratique sportive pouvait, sous certaines conditions, créer des liens sociaux significatifs entre les jeunes. Pour ce faire, le sport ne peut se limiter à une pratique solitaire ou à une bulle familiale, comme c’est le cas depuis un an.
Si les jeunes réclament une reprise des sports d’équipe, c’est précisément parce qu’il leur manque le lien social et que les entraînements solitaires ne sont pas suffisants. L’échange, le plaisir et les apprentissages sont liés aux activités pratiquées en collectivité. Dans ce contexte, il n’est pas étonnant d’avoir vu émerger, au cours des dernières semaines, des initiatives de quartier pour enseigner ou jouer ou dehors, des activités de groupe formelles et informelles à l’extérieur. Le sport, c’est aussi partager une expérience commune.
Dans un contexte où les services de soutien en santé mentale sont difficilement accessibles, les ressources à l’échelle communautaire et scolaire peuvent d’ailleurs être mises à profit pour promouvoir le bien-être des jeunes par le sport et soutenir leur adaptation à une crise sans précédent.
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Un déficit de lien social
Le déficit de lien social explique en grande partie la détresse croissante des jeunes depuis le début de la pandémie. Les liens sociaux aident à faire face aux moments difficiles, tout en jouant un rôle crucial dans le développement des jeunes.
Non seulement ces liens nous permettent de partager des ressources devant l’adversité, ils nous aident à trouver des pistes de solution et à donner du sens aux épreuves. Cela nous permet de retrouver un sentiment de sécurité, parfois ébranlé durant les crises, favorisant la résilience.
À l’adolescence et au début de l’âge adulte, le lien social est essentiel au processus de construction identitaire et à l’adaptation aux multiples changements de cette période (physiques, scolaires, familiaux, sociaux, professionnels).
C’est notamment en raison du rôle majeur des pairs durant cette étape de la vie que la détresse des jeunes se trouve exacerbée par la perte de soutien social et par l’interruption des activités scolaires ou parascolaires en présentiel en raison de la Covid-19.
Pour une vaste majorité de collégiens (68%), l’isolement serait la première cause de détresse. Pour les jeunes sondés par une enquête de l’Université Sherbrooke, la réduction des activités sociales, sportives et culturelles, l’augmentation du temps d’écran et le passage des cours au virtuel expliqueraient ce mal-être psychologique. Quelle est la solution pour s’épanouir dans l’isolement?
Comme solutions, ils identifient la participation à des activités sportives parascolaires, le maintien des cours en présentiel et la création de liens significatifs avec le personnel scolaire.
La détresse invisible des jeunes
Selon une étude canadienne, entre 2015 et 2020, le nombre de jeunes de 18 à 24 ans présentant des signes de dépression modérée a bondi de 11 % à 42 % – une hausse reflétée dans la population générale (8 à 23 %). Au Québec, une étude de l’Université Sherbrooke note des taux plus dramatiques de détresse selon le cycle d’études et la réduction du temps en présence en classe.
Ainsi, 35% des élèves du premier cycle du secondaire présentent des signes de dépression ou d’anxiété. Cette proportion est de 50% au deuxième cycle du secondaire et de 58 % au Cégep et à l’université. Par ailleurs, les mesures d’isolement, d’éloignement physique et de quarantaine pourraient avoir, sur les jeunes, des effets psychologiques néfastes qui perdurent des mois, voire des années.
De plus, les jeunes et familles ne sont pas égaux devant la crise. En effet, si nous traversons tous la même tempête, ce n’est pas dans la même embarcation.
La pandémie a touché plus durement les familles qui cumulent plusieurs facteurs de stress (pauvreté, expériences de discrimination, enjeux linguistiques et migratoires), tels que documenté dans notre récent rapport sur la Covid-19 et les communautés culturelles.
Ainsi, si la pandémie fait de multiples victimes collatérales peu visibles, incluant chez des jeunes vulnérables, nous pouvons favoriser leur bien-être en misant sur le lien social et les sports d’équipe. Nous devons tirer des leçons de cette dernière année pour mieux les soutenir. Assurez-vous de reconnaître les signes de dépression infantile.
Annie Jaimes, Chercheure postdoctorale à l’Université York, psychologue et chercheure-praticienne à l’Institut Universitaire Sherpa, McGill University; Brice Favier-Ambrosini, Postdoctoral research fellow, Université du Québec à Montréal (UQAM); Nicolas Moreau, Professeur titulaire, L’Université d’Ottawa/University of Ottawa et Tegwen Gadais, Professor, Département des sciences de l’activité physique, Université du Québec à Montréal (UQAM)
La version originale de cet article a été publiée sur La Conversation.