La vérité sur les étiquettes alimentaires
De plus en plus, l’étiquetage des produits alimentaires porte la mention «Produit santé». Voici tout ce que vous devriez savoir sur ce concept et voici les raisons de demeurer sceptique sur une tendance qui vise à tromper le consommateur.
À titre de consommateur averti, vous avez probablement entendu parler d’«écoblanchiment», un concept que Greenpeace définit par «l’acte de tromper délibérément le consommateur concernant les pratiques environnementales d’une entreprise ou les qualités écologiques d’un produit ou d’un service.» Mais connaissez-vous la nouvelle tendance du «nutriblanchiment»?
Le «nutriblanchiment» (healthwashing) désigne une stratégie qui consiste à promouvoir un produit, habituellement un aliment, comme bon pour la santé alors qu’il ne possède pas cette qualité. La publicité et l’étiquetage font ressortir les ingrédients bons pour la santé comme les vitamines, les antioxydants et les probiotiques.
Joe Schwarcz, directeur de l’Organisation pour la science et la société de l’Université McGill, démystifie la science auprès du public et il qualifie cette tendance de «nutraceutical», une contraction des termes anglais nutrition et pharmaceutique. «Elle procède, dit-il, de l’idée qu’on peut presque considérer un aliment comme une drogue, capable de solutionner les questions de santé.»
Des entreprises prétendent qu’un aliment peut renforcer le système immunitaire ou réduire le risque de maladie, et qu’il aide à obtenir un régime de vie sain; certaines d’entre elles ont été poursuivies pour de telles publicités.
En 2009, Coca-Cola a été traduite en cour pour les termes utilisés afin de promouvoir sa gamme de produits VitaminWater. La publicité comprenait des mots comme endurance, récupération, énergie. La boisson contenait 33 g de sucre et des vitamines synthétiques.
En 2010, Danone a été accusée de publicité frauduleuse pour ses annonces sur les yogourts DanActive et Activia, des produits dont le fabricant prétendait qu’il pouvait régulariser la digestion et renforcer le système immunitaire, allégations fondées sur des recherches cliniques et scientifiques. Le juge a ordonné à l’entreprise de rembourser les consommateurs puisqu’elle avait fait des allégations non fondées.
Pom Wonderful et General Mills, le fabricants de Cheerios ont reçu toutes les deux une lettre d’avertissement de la part du Département américain de l’Agriculture, les enjoignant de modifier l’étiquetage des produits où l’on indiquait que le produit pouvait faire baisser la pression et diminuer le taux de cholestérol.
Comment se présente cette publicité trompeuse
Les aliments renforcés en vitamines semblent se multiplier sur les tablettes d’épicerie: l’additif le plus récent est le phytostérol que l’on ajoute aux produits laitiers; les probiotiques ont migré du yogourt au pain et le jus d’orange est maintenant renforcé en calcium.
L’impact de ces publicités conduit des masses de consommateurs à acheter ces produits. Qu’est-ce qui les rend si attrayants? «Nous lisons les étiquettes et nous y croyons parce que nous voulons manger sainement et de façon équilibrée. Mais n’oublions pas qu’il n’y a pas d’étiquette sur les produits non transformés comme les oranges ou le brocoli, affirme Meghan Telpner, une nutritionniste de Toronto et consultante en style de vie holistique. Il est toujours préférable de consommer un produit non transformé plutôt qu’un aliment qui contient une version synthétique d’un nutriment naturel, poursuit-elle.»
Comment se règlent les poursuites?
Aux États-Unis, Danone a reçu un avertissement relativement à ses pratiques publicitaires. Au Canada, l’entreprise utilise un langage différent sur ses emballages. Le site Internet DanActive mentionne que le produit «contient des probiotiques qui contribuent à la santé de la flore intestinale», une mention approuvée par le gouvernement.
Conformément aux directives de Santé Canada, les entreprises peuvent utiliser trois types d’allégations sur un produit alimentaire. Le premier type est de nature fonctionnelle comme «favorise le transit intestinal». Le second contient des recommandations d’ordre général comme «inclure une portion par jour dans un régime équilibré». Le troisième type porte sur la réduction du risque de maladie, comme «diminue le taux de cholestérol».
Lorsqu’une allégation santé classe l’aliment dans la catégorie des drogues établie par Santé Canada, par exemple lorsqu’une entreprise prétend que son produit peut traiter ou prévenir une maladie, l’entreprise doit soumettre à Santé Canada des preuves sous forme d’essais cliniques réalisés sur des humaine et démontrant un effet positif confirmé par les statistiques. Un emballage ne peut comporter une allégation santé sans autorisation du gouvernement.
Pour Santé Canada, une allégation santé qui ne fait pas d’un aliment une drogue, comme celle de l’emballage DanActive, n’a pas à être approuvée au préalable. Le but visé est que ces allégations soient véridiques et non frauduleuses, et que les entreprises aient sous la main des preuves évidentes pour se justifier si le gouvernement fait enquête.
Pourquoi cette tendance?
Lorsqu’on achète un produit dont l’emballage porte une allégation santé, il peut en coûter beaucoup plus cher que d’acheter un produit concurrent. Par exemple, le yogourt Activia est 21% plus cher que celui des autres marques.
Le nutriblanchiment peut aussi être nocif pour votre santé. Affirme Meghan Telpner. Ces allégations font croire aux consommateurs qu’une céréale riche en fibres a les mêmes avantages pour la santé qu’un bol de grains d’avoine : on allègue un surplus de fibres ou la régulation du sucre sanguin. Mais cette allégation est fausse. Une barre de céréales contient en effet des fibres, mais aussi un supplément de sucre, du sel et des additifs qui peuvent nuire à la santé. «Les gens croient qu’ils font un choix sain pour la santé en consommant ces aliments transformés, mais ils se trompent et il serait préférable de consommer des aliments non transformée, poursuit-elle. »
Joe Schwarcz croit que la tendance au nutriblanchiment trompe le consommateur en les encourageant à adopter des aliments miracles et à croire que l’alimentation en général est la solution pour demeurer en santé. «Il est tentant de croire que l’on peut améliorer sa santé en se concentrant uniquement sur certains aliments. La nourriture est une des composantes importantes de notre santé, mais nous ne devons pas oublier les autres facteurs comme la génétique, le style de vie, l’environnement, le sommeil et le stress, poursuit-il.» Aucun aliment ne remplace à lui seul les bienfaits d’un style de vie sain et d’un régime équilibré.
À la défense des allégations santé
Anne-Julie Maltais, chef des communications externes pour le Canada chez Danone, affirme que ces allégations sont une bonne chose. «Nous croyons qu’elles aident le consommateur à faire de bons choix et nous avons l’intention de continuer à collaborer avec les chercheurs et les organismes de réglementation pour faire mieux connaître les aliments qui peuvent contribuer à la santé et au bien-être personnel.» Lorsqu’on oppose aliments transformés et aliments naturels, elle prétend que dans certains cas, il faudrait consommer des quantités astronomiques de nourriture pour en retirer un avantage un tant soit peu tangible. Les aliments contenant des additifs vous permettent d’atteindre facilement les quantités quotidiennes recommandées de vitamines et de minéraux, poursuit-elle.
Soyez un consommateur avisé
Vous êtes perdus face à cette myriade d’allégations alimentaires? La solution pourrait bien être d’acheter moins de produits emballés. Meghan Telpner affirme qu’il est beaucoup plus facile de ne pas avoir à décider lequel des emballages dit vrai.
Mais si vous voulez tout de même acheter ces produits, Joe Schwarcz recommande d‘ignorer certaines allégations qui ne veulent tout simplement rien dire. Parmi celles-ci : «fait avec», «contient moins de» ou «naturel». Pour plus de renseignements sur les autres allégations, consultez le Guide d’étiquetage et de publicité sur les aliments sur le site de l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Vous y apprendrez ce que les entreprises doivent démontrer avent de pouvoir affirmer : «réduit le cholestérol», «diminue le risque de cancer», ou «renforce le système immunitaire».
Santé Canada recommande de toujours consulter le tableau de valeur nutritive d’un aliment pour décider s’il est sain ou non. Rappelez-vous qu’il n’existe pas de produit miracle en termes d’aliment ou de boisson. Le plus important demeure votre régime alimentaire, conclut Joe Schwarcz.