La méditation est-elle pour vous?
Pouvez-vous vous sentir plus calme et plus légère en méditant? L’écrivaine Patricia Pearson se pose la question.
Sur la table, la lampe éclaire faiblement la maison silencieuse; le seul son ambiant est celui de l’eau qui circule dans les radiateurs. Mais je ne dois prêter attention à aucun bruit. Je suis en pleine séance d’une méditation appelée vipassana. Cette technique, appelée aussi «l’éveil», demande de se concentrer uniquement sur ce qui se passe entre les deux oreilles.
Cette classe de méditation comprend quatre autres étudiants et notre professeur, Jeff, dont le salon a été vidé de tous les meubles. Nous sommes assis sur des coussins, les genoux posés sur le plancher de bois franc.
Jeff a programmé à 10 minutes la minuterie de son iPod; au cours de cette période, nous devons en silence et les yeux fermés, écouter le gazouillis dans notre tête.
J’utilise le mot gazouillis, de préférence à images ou émotions. D’ailleurs, peu importe en quoi consiste ce gazouillis. Il n’a pas à ressembler à un Ôm, le genre de technique méditative qui fait immédiatement vagabonder mon esprit avec ennui dans tous les sens. Incidemment, c’est l’air de la chanson «Oh Suzanna» qui s’impose à mon esprit: « Oh Suzanna / Oh! Ne pleure pas pour moi / Car je viens d’Alabama / Mon banjo est avec moi.»
Le point significatif de cette technique est de porter son attention sur sa voix intérieure, peu importe ce qu’elle dit, et d’ignorer toute autre source de distraction. Si votre curiosité vous amène vers le bruit des radiateurs, recentrez-vous sur la voix; si vous visualisez un banjo, encore une fois, éloignez cette image.
La méditation vipassana est une technique d’auto-observation originaire de l’Inde et inspirée du bouddhisme (je raconte ici ma première expérience). Cette méthode vous entraîne à décomposer le processus de la pensée, de façon à vous détacher de la course sans fin des idées. Les pensées évoquent des sensations, des images, des souvenirs et des odeurs. On peut être dimanche et vous penserez à cette pile insurmontable de papiers qui encombre votre bureau, toutes des tâches que vous devez accomplir; cette pensée déclenche l’anxiété qui vous fait grincer des dents et vous entraîne dans un tourbillon d’émotions névrotiques.
«Le but de cette méthode, explique Jeff, n’est pas de faire taire cette voix intérieure ou de la supprimer. L’objectif est d’y voir plus clair, de laisser aller et venir sans tenter de contrôler ou combattre.»
Imaginez que votre crâne est une caverne à l’intérieur de laquelle vous faites une promenade. Imaginez que vous prononcez votre nom: «Liz!» ou «Carole!». Essayez de remarquer où vous entendez la voix dans votre tête. Ce sera un endroit différent de celui où vous «voyez» les choses. Ce que vous cherchez à faire est de séparer les différents courants de votre conscience.
«Votre expérience la plus intime, poursuit Jeff, est celle de l’espace. Un espace qui comprend des lieux et différentes expériences sensorielles.»
Après 10 minutes d’écoute, la minuterie se fait entendre et il nous demande comment ça s’est passé. Pour moi, c’était relativement facile de m’écouter parce qu’il n’y avait aucune source de distraction. Je n’avais pas faim ou je n’étais pas en furie à cause de quelque chose qui s’était passé au bureau. Mais pour Ian, un grand maigre dans la trentaine, l’expérience d’écoute s’est avérée presque impossible. Au moment où il a fermé les yeux, tout s’est transformé en images.
«J’ai essayé de me concentrer sur le son, explique Ian, mais toutes les images continuaient de surgir. C’était comme avoir un écran de cinéma à l’intérieur de la tête.» Pour l’aider, la technique suivante que propose Jeff s’appelle «regarder», une technique simple, bien que pour moi, elle n’était pas très évidente. J’ai essayé de noter les images mentales qui apparaissaient derrière mes paupières fermées, sans m’attarder délibérément à aucune d’entre elles. Mais apparemment, je n’ai aucun sens visuel. Tout ce que je voyais était du noir.
«Utilisez cette technique pour relaxer, mentionne Jeff. Reposez votre vision dans la noirceur.»
Plus facile à dire qu’à faire. «Visionner le repos» peut être une expérience assez ennuyeuse, ai-je noté. Je suis tout de suite partie au galop, en pensant aux épisodes de la série Trône de fer, et au menu de ma prochaine soirée. J’ai tenté de reporter mon attention sur mon imagerie intérieure, ou l’absence de celle-ci, mais finalement, j’attendais désespérément la sonnerie du iPod.
La troisième technique que nous avons expérimentée consistait à «ressentir». L’objectif était d’orienter notre attention vers notre corps et de noter les endroits où on pouvait ressentir de l’anxiété ou accumuler de la colère. Dans mon cas, aucun doute, l’anxiété se ressentait dans la raideur du tronc, une sorte pression au niveau de l’estomac, comme si je serrais une ceinture. J’ai accompagné cette sensation, la reconnaissant, jusqu’à ce qu’elle commence à se dissiper.
Durant six semaines à raison de deux heures par semaine chaque jeudi, Jeff nous a initiés à une douzaine de techniques. Chacune de ces techniques était une variante de la plongée à l’intérieur d’un substrat de notre esprit.
Après chaque séance, je me sentais définitivement plus calme et plus légère. J’ai découvert que la méditation ressemble à l’exercice physique. Elle peut être par moments aussi difficile ou ennuyante, mais ses effets sont tout à fait remarquables.
«Cette forme de pratique a des avantages psychologiques particuliers, explique Jeff, qui étudie avec Shinzen Young, un praticien du Vermont. À mesure que vous observez votre monologue intérieur avec plus de concentration, de clarté et de sérénité, vous découvrirez que vous prenez du recul. Ce monologue ne vous affectera plus de la même façon.»
En d’autres termes, vous ne penserez pas: «Bon sang! Toute ma vie s’en va chez le diable!» Mais vous penserez plutôt: «C’est la façon de faire de cette partie de mon cerveau, et c’est inquiétant!». Prenez une grande respiration et relaxez. Vous n’êtes pas ce que vous pensez.