Êtes-vous spirituelle plutôt que religieuse?

Le quart des Canadiens se détournent des religions traditionnelles pour trouver en eux-mêmes un soutien spirituel. Nous vous présentons quatre personnes qui nourrissent leur âme en favorisant leur vie spirituelle autrement que par la religion.

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 Suis-je spirituelle ou religieuse?

Suis-je spirituelle ou religieuse?

En quoi la spiritualité diffère-t-elle de la religion et en quoi consiste-t-elle au juste : un sentiment, un phare ou une forme de rituel que vous intégrez à votre vie?

Dans le dictionnaire anglais Merriam-Webster, on définit le mot esprit comme étant « la force qui est supposée donner la vie, l’énergie et la puissance au corps » et comme « la nature intrinsèque qui définit une personne. »

Kimberly Carroll, une coach de Toronto qui prône l’harmonie du corps, de l’âme et de l’esprit, considère la spiritualité comme la manière dont « nous cultivons la conscience et la vitalité en nous-mêmes et dans le monde qui nous entoure. » Elle précise qu’un parcours spirituel implique généralement une réflexion introspective sur la nature de ce qu’on est et de ce qu’est la vie, ainsi que des actions concrètes pour élever sa qualité de vie, alors que les religions traditionnelles présentent plutôt ces éléments dans le cadre d’une structure plus rigide. 

« Tout ce qui approfondit notre conscience ou notre niveau de connexion peut être une pratique spirituelle, nous dit-elle. Même une simple marche peut être considérée comme une pratique spirituelle si, par exemple, vous vous êtes fixé comme objectif d’être en communion avec l’environnement qui vous entoure, ou de prendre conscience de la vie qui vous habite lorsque vous bougez. »

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Mettre de côté sa religion

Mettre de côté sa religion

Quand la scénariste et auteure à succès de 53 ans, Lori Lansens, était petite fille à Chatham (Ontario), elle rêvait de devenir religieuse. Inspirée par Jennifer Jones, qui incarnait une paysanne appelée à la sainteté en prenant le voile dans Le chant de Bernadette, Lansens voulait recevoir un chapelet comme cadeau de Noël, lisait la Bible le soir et se levait de bonne heure pour aller à la messe avant l’école. Jésus a été son premier coup de foudre parce qu’il respectait les déshérités, pardonnait aux pécheurs et rappelait aux gens de traiter les autres comme ils auraient voulu être traités. 

Tout a changé lorsqu’elle a eu 12 ans. Un prêtre qu’elle admirait l’a invitée au réfectoire avec sa meilleure amie pour plier des bulletins. Il sentait le whisky et leur jetait des regards peu rassurants. Il s’est livré sur elles à des attouchements inappropriés. Elle n’en a parlé à personne, mais a cessé d’assister à la messe. Elle a également remis en question sa vision de Dieu. « Je me sentais trahie par le dieu que je connaissais, mais je continuais à chercher un lien avec une force spirituelle bienveillante », raconte Lansens qui vit maintenant en Californie.

Elle a peut-être perdu sa religion, mais certainement pas sa spiritualité. Elle témoigne de cette dimension dans ses romans, des best-sellers internationaux comme La ballade des adieux, Les filles, Un si joli visage et The Mountain Story, paru au printemps. « Quand j’écris, je suis à la recherche de la beauté et de la vérité chez les gens, dans les relations humaines et dans le monde, dit-elle. J’écris pour trouver la rédemption. Je cherche à donner un sens à mon existence dans mes romans, mais j’essaie également de comprendre ce que les gens appellent Dieu. »

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Une spiritualité non religieuse: de plus en plus commun

Une spiritualité non religieuse: de plus en plus commun

Lansens fait partie des millions de Nord-Américains qui se définissent comme étant « sans affiliation religieuse », environ 22 % de la population adulte. Bien qu’ils soient désillusionnés par les religions officielles et ne veulent rien savoir des bancs d’église et des sermons, ils recherchent toujours le moyen de nourrir leur âme.

Au lieu de lever les yeux au ciel pour trouver la voie, ils cherchent en eux-mêmes ou auprès d’autres personnes qui ont la même aspiration; ils s’adonnent à des pratiques spirituelles – cercle de tambours, méditation, pèlerinage, chant choral, yoga, randonnées, reiki, groupes de rencontre, pleine conscience, bénévolat, retraites, groupes d’entraide.

Si la fréquentation des églises est en perte de vitesse, les pratiques spirituelles alternatives gagnent de plus en plus d’adeptes, en particulier auprès des femmes qui n’ont pas eu traditionnellement le droit d’être des guides spirituels dans le monde extérieur alors qu’elles le sont très souvent à la maison. 

« Le courant « spirituel, mais non religieux » (SBNR) réclame le droit de reprendre des éléments provenant d’autres religions s’ils sont en accord avec nos croyances », précise Siobhan Chandler, professeure adjointe à l’Université de Victoria, qui a rédigé sa thèse sur ce mouvement en 2011. « Les gens veulent pouvoir développer leur spiritualité sans se faire dire ce à quoi ils doivent croire. Les femmes, en particulier, sont attirées par ce courant parce qu’il est « progressif et inclusif » et leur permet de « reconquérir leur voix, leur pouvoir et leur droit de choisir des croyances et des pratiques qui les nourrissent et les soutiennent en dehors des structures patriarcales. »

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Développer sa spiritualité par le contact avec la nature

Développer sa spiritualité par le contact avec la nature

Cathie Green a grandi dans une famille catholique pratiquante du West Island de Montréal. « Je connaissais tous les saints et mon catéchisme par cœur », nous dit cette agente d’assurances de 60 ans de Greensville (Ontario). Après avoir quitté la maison familiale à 19 ans pour se marier, elle fréquentait de temps à autre l’église jusqu’à ce qu’elle se retrouve dans la jeune trentaine, divorcée et mère de trois enfants. « Je me suis renseignée au sujet d’une soirée dansante pour célibataires qui se tenait dans une église catholique des environs pour me faire dire qu’elle était réservée aux gens qui n’avaient jamais été mariés, se rappelle-t-elle. Je donnais une seconde chance à l’Église qui ne m’a jamais rendu la pareille. » Pour Cathie Green, c’était le rappel final que ses choix de vie ne cadraient pas avec ceux de l’Église et qu’il valait mieux qu’elle cherche son épanouissement spirituel ailleurs.

Elle a trouvé du réconfort dans des activités comme le yoga et la méditation, et a découvert un sentiment de satisfaction et d’appartenance à une communauté en devenant membre du sentier de Bruce (Bruce Trail). « Nature et nourriture spirituelle sont intimement liées, dit Cathie Green. Faire de la randonnée est un moyen de se confronter à quelque chose de plus grand que soi. Quand on entreprend une longue marche et qu’on n’a qu’à mettre un pied devant l’autre, ça nous laisse tout le temps nécessaire pour réfléchir. » C’est aussi un bon moyen pour communiquer avec les autres. Au fait, c’est au cours d’une randonnée que Cathie Green a rencontré Art qui est devenu son conjoint.

Mais elle aime aussi marcher seule, car cela lui permet d’approfondir sa connaissance d’elle-même. « On oublie parfois de se concentrer sur ce qui compte le plus et qui est divin et novateur dans notre vie. Marcher en solitaire nous donne l’occasion de le faire. « Je n’ai jamais trouvé meilleur compagnon que la solitude » a écrit Henry David Thoreau. »

Elle considère que marcher dans la nature est une véritable pratique spirituelle qui la réconforte et lui fait se sentir moins seule sur terre. « Je crois qu’on doit mettre sa spiritualité en pratique chaque jour », conclut Cathie Green.

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La transformation par la méditation
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La transformation par la méditation

Christina Rudzinski avait 17 ans quand elle s’est mariée. Trois ans plus tard, mère de deux enfants, elle a du faire face à l’échec de son mariage et s’est attirée les foudres de membres de son église conservatrice baptiste à Hamilton (Ontario). « On m’a dit que j’agissais contre la volonté divine en détruisant ma famille », rappelle cette décoratrice d’intérieur de 32 ans. Les membres de sa famille ont surtout critiqué sa décision de quitter l’église pour se consacrer à la pratique quotidienne de la méditation, après son passage dans un centre bouddhiste local.

« Certains d’entre eux craignaient que je ne me sois enrôlée dans une secte, dit-elle. Ils n’ont pas la moindre idée de ce qu’est la méditation. » Elle décrit cette pratique comme étant transformatrice : « J’ai appris à me calmer les esprits et à réaliser l’importance de vivre à cœur ouvert. Méditer est la meilleure forme de psychothérapie cognitivo-comportementale que l’on puisse imaginer », ajoute Christina Rudzinski, qui pratique la méditation plusieurs fois par semaine.

Le bouddhisme lui a même permis de se libérer du ressentiment qu’elle éprouvait vis-à-vis de sa famille. « J’ai compris que si je ne leur pardonnais pas, j’allais m’infliger beaucoup de mal. » Bien que ses relations familiales soient revenues au beau fixe, Christina Rudzinski ne peut oublier ce que cela lui a coûté pour rester fidèle à elle-même. « C’est encore parfois difficile pour moi d’accepter qu’ils ne comprennent pas le bienfait que m’apporte cette pratique et qu’ils s’inquiètent sur la perte de mon âme. J’aimerais vraiment qu’ils se rendent compte à quel point ce n’est pas le cas. »

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Le journal intime de la gratitude

Le journal intime de la gratitude

La méditation fait également partie de la vie spirituelle de Kimberly Carroll, 43 ans. Et ce n’est qu’une des nombreuses pratiques que cette ancienne animatrice du réseau anglais de Radio-Canada emploie dans sa quête de paix intérieure. Elle commence ses journées avec une tasse d’eau chaude au citron et cinq minutes d’écriture automatique durant lesquelles elle note tout ce qui lui passe par la tête de bien, de mal ou même d’épeurant, pour s’en libérer l’esprit et construire sa journée plutôt que la subir.

Puis, Kimberly Carroll sort son journal intime de gratitude dans lequel elle inscrit 20 choses qui se sont produites dans les 24 dernières heures et pour lesquelles elle éprouve de la reconnaissance. « Dès qu’on s’engage dans une liste de gratitude, on développe un véritable radar de la reconnaissance qui nous permet de ressentir tout ce qu’il y a de merveilleux autour de soi. », dit-elle. Elle fait suivre cet exercice par quinze minutes de méditation assise.

Puis elle se fixe deux ou trois « actions positives » à faire durant la journée, comme d’être totalement attentive à la personne avec laquelle elle va souper ce soir-là. Et ce n’est pas tout! Kimberly Carroll suit deux cours de yoga par semaine et s’échappe trois ou quatre fois pendant la semaine pour faire sa course libératrice de 5 kilomètres au son de son iPod avec une musique correspondant à son humeur du moment. « J’essaie de combiner les exercices physiques et spirituels en choisissant une musique qui me transporte mentalement. Je passe directement dans mes émotions et laisse mon corps les capter. Après avoir couru, je me sens plus confiante et plus légère. »

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Virage d'une carriériste: de l'ambition sociale à la spiritualité

Virage d’une carriériste: de l’ambition sociale à la spiritualité

Kimberly Caroll fait une pratique intense de sa spiritualité. Cependant, pour ce coach de Toronto qui prône l’harmonie du corps, de l’âme et de l’esprit, il est important de mettre ce qu’elle prêche en pratique. Durant son enfance à Brandon (Manitoba), elle s’impliquait dans sa paroisse catholique locale et animait les prières chaque semaine. Elle dirigeait même à l’occasion la chorale des petits. Comme tant d’autres avant elle, elle a remis sa foi en question à l’adolescence. Elle s’est sentie déboussolée et souffrait de ne plus avoir les moyens d’exprimer sa spiritualité et de nourrir sa quête de vérité. Ceci s’est atténué lorsqu’elle est devenue animatrice de télé, dit-elle, car « l’ambition est devenue ma nouvelle religion. » Les promotions et l’accès à des auditoires de plus en plus importants à travers le pays lui paraissaient gratifiants, il lui manquait pourtant quelque chose d’essentiel à l’intérieur : « Je menais une vie à fond de train sans rien avoir pour me soutenir ou me sustenter spirituellement », dit-elle.

Son principal virage a été la pratique du bouddhisme, puis elle s’est peu à peu tournée vers l’UUisme (unitarisme-universalisme) pour combler son univers spirituel. Ce mouvement religieux libéral qui compte près de 50 congrégations au Canada accueille des athées et des agnostiques et puise son inspiration dans des sources qui vont des textes sacrés à la littérature universelle et la poésie.

« Je bâtis mon itinéraire spirituel tous les jours et il n’y a pas d’autres règles que celles que je me donne à moi-même, affirme Kimberly Carroll. La spiritualité n’est pas un objectif prêt à porter pour toutes les tailles. Votre chemin spirituel sera beaucoup plus vivant et profond si vous en définissez chaque étape à mesure que vous avancez, plutôt que de suivre un mode d’emploi. »

C’est une philosophie qu’elle partage avec les clients qui s’enrôlent dans son programme de relance existentielle de sept semaines (Life Reboot Program) tout comme avec ceux qu’elle suit de façon individuelle. « Les gens avec qui je travaille ont un profond besoin de donner plus de sens à leur vie, et les méthodes traditionnelles ne leur conviennent pas. Une des choses que j’enseigne à mes clients, c’est qu’ils n’ont pas à gravir le sommet d’une montagne ni à faire un pèlerinage pour trouver ce qu’ils cherchent. On peut cultiver sa vie spirituelle dans les petites choses du quotidien. Tout le monde peut commencer immédiatement là où il se trouve. »

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