Ah, la jalousie…
Quand j’ai appris que ma collègue avait adopté un chien dans un refuge, je m’en suis d’abord réjouie. J’avais fait pareil l’année d’avant et je vivais désormais avec un adorable teckel croisé, borgne et traumatisé, appelé Belle. J’espérais trouver une oreille attentive chez ma collègue, qui comprendrait la difficile tâche d’élever un chien malmené. Mais voilà qu’elle n’a fait que vanter la docilité de son chiot.
Belle avait mis des semaines à apprendre à s’asseoir et aboyait contre tous les enfants et les vieux qui croisaient notre chemin. Son chien s’était très vite adapté à son nouveau foyer et se montrait d’une grande docilité.
J’étais jalouse. Pourquoi les choses étaient-elles plus faciles pour elle? Mon esprit s’emballait: je n’avais pas les qualités pour m’occuper d’un être vivant? Et si j’avais des enfants, seraient-ils affectivement écrasés par mon manque de patience?
L’envie génère un sentiment de frustration et d’insatisfaction alors qu’il faudrait plutôt apprécier ce que nous avons en propre. Même si ce sentiment désagréable d’inaptitude et de convoitise semble impossible à surmonter, il existe des stratégies assez simples pour y parvenir.
Prendre conscience de son côté envieux
Le premier pas consiste à prendre acte de ses mouvements envieux, explique Charina Cruz, coach en développement personnel et professionnel. Ceux qui la consultent sont habités par une colère, une frustration et une tristesse dont ils n’arrivent pas à déterminer la cause. «Ils sont perturbés par ce qui leur arrive», résume-t-elle. Or, même si c’est là un sentiment que l’on répugne à reconnaître, jalouser l’autre pour ce qu’il possède se révèle souvent à l’origine de ces émotions pénibles.
Si vous soupçonnez que votre stress se nourrit d’envie, Charina Cruz suggère la «méthode des cinq pourquoi» pour en saisir le mécanisme. Demandez-vous pourquoi vous éprouvez ce sentiment, puis soumettez votre réponse à un autre «pourquoi» et ainsi de suite. Cinq pourquoi plus tard, vous serez au cœur du problème – pourquoi le succès professionnel d’un proche vous a rendu malheureux ou pourquoi vous en voulez à un ami qui vient d’acheter une maison, par exemple. Pour ma part, j’ai compris que, en enviant ma collègue pour le succès avec son chien, je renouais avec la peur de ne jamais être une mère à la hauteur, sentiment dont j’aurais voulu démontrer qu’il était infondé.
Pour la psychothérapeute torontoise Elaine Smookler, la prise de conscience est un premier pas décisif. «C’est une libération», ajoute-t-elle, car identifier un sentiment contribue à en réduire la virulence. À l’instar de Charina Cruz, elle suggère de sonder l’émotion. À défaut du soutien d’un professionnel, notez ce que vous ressentez dans un journal pour comprendre ce que vous cherchez vraiment.
«L’écriture permet d’analyser et de mieux appréhender cette envie, assure-t-elle. Il s’agit en réalité d’être attentif à ce que vous ressentez et de lâcher prise.»
Méfiez-vous de ces signes qui prouvent que votre ami(e) n’en est peut-être pas un(e)!
Essayer l’empathie
L’envie nourrit un sentiment d’incapacité, ce qui peut avoir des conséquences fâcheuses et miner des relations importantes. Pourtant, dans les faits, ce que l’autre possède ne menace en rien notre bien-être – nous n’avons fait que le fantasmer. Alors pour mieux gérer son envie, pourquoi ne pas intégrer une émotion complètement à l’opposé: l’empathie?
Éprouver de l’empathie, c’est changer de perspective: notre point de vue s’efface au profit de celui de l’autre. Ce déplacement en lui-même est déjà d’une grande portée, insiste Elaine Smookler. «Quand on se voit comme la star de son propre film, ce qui nous est enlevé peut nous faire exploser», explique-t-elle. Souhaiter tout le bien possible à l’autre a au contraire un effet apaisant sur soi, c’est une bouffée de confiance qui remet en avant l’idée que chacun possède ses qualités particulières.
Ce changement de perspective est essentiel pour surmonter les jalousies au travail. Selon une étude menée en 2018 pour l’association américaine de psychologie, l’envie serait la plus fréquente réaction au succès de collègues.
Certains employés deviennent indifférents au travail, mais prompts à médire des autres et à les ostraciser.
Pour prévenir ce genre de situation, on suggère aux responsables de créer des environnements qui stimulent l’empathie en privilégiant la collaboration et le travail d’équipe plutôt que le succès individuel.
Renseignez-vous sur les gestes de compassion et d’empathie à connaître.
Apprendre à se motiver
Même s’il s’agit d’un sentiment désagréable, l’envie peut aider à reconnaître son propre désir de progresser ou de changer de mode de vie. Le fait qu’un ami possède une maison à la campagne encouragera à faire des économies pour en acheter une soi-même; et le talent d’orateur de votre collègue stimulera votre détermination à surmonter la peur de vous exprimer en public.
Un article publié en 2011 par des chercheurs de l’université de Tilbourg aux Pays-Bas montrait qu’une petite envie constitue une force de motivation parfois plus efficace que l’admiration, et qu’un trait convoité stimule plutôt l’inspiration que l’autodestruction. De fait, les étudiants éprouvant ce sentiment pour leurs camarades qui réussissaient mieux avaient trois fois plus de chances d’augmenter leur temps d’étude que ceux qui les considéraient avec respect. L’envie, concluaient les auteurs de l’article, nous fait passer de la frustration à l’engagement lorsque nous nous lançons dans des changements significatifs.
Jamie Gruman, un des fondateurs de l’Association canadienne de psychologie positive, suggère d’être réaliste quand vous vous comparez à ceux à qui vous aimeriez ressembler. L’envie ne peut pas se transformer en motivation si vous vous fixez des objectifs irréalistes, dit-il. «Les médaillés d’argent peuvent se comparer aux médaillés d’or, illustre-t-il. Mais il est insensé pour quelqu’un qui n’est pas athlète de se rêver sur le podium.»
Belle, ma chienne, continue à grogner contre les passants et j’éprouve facilement un sentiment d’échec – j’en veux à ceux qui ont adopté un chien abandonné qui ne leur donne aucun mal. Mais je fais des efforts: j’essaie de me réjouir pour ma collègue et je me dis que les progrès de Belle sont uniques – elle demande juste un peu plus de travail.
Quand les sentiments envieux que je connais si bien refont surface, je me repasse les mots simples de Jamie Gruman – «Soyez heureux là où vous êtes» – et j’essaie d’être reconnaissante pour ce que j’ai plutôt que de me tourmenter pour ce que je n’ai pas.
Vous serez peut-être surpris d’apprendre que la compassion est plus importante que le succès!