L’art du défoulement en 3 conseils pratiques
LE MOT CATHARSIS nous vient de la Grèce antique. N’est-ce pas la preuve que les êtres humains tentent de maîtriser leurs frustrations depuis la nuit des temps? Aristote a forgé le terme dans la Poétique pour décrire la libération des émotions, ou « purgation des passions », éprouvée par le public qui assiste à une représentation dramatique. Mais les Canadiens d’aujourd’hui n’ont rien à envier aux Grecs de jadis.
Près d’un quart de notre population active affirme ressentir énormément de stress au travail – sans parler des embouteillages, des commentaires en ligne et de toutes ces contrariétés que la vie moderne impose au quotidien. Rien d’étonnant à ce qu’on ait parfois besoin de relâcher un peu la pression.
Certes, on peut se sentir mieux en se confiant à ses amis, mais selon plusieurs études, cette stratégie n’est pas efficace à long terme. Heureusement, il existe plusieurs autres façons créatives de s’affranchir de ses frustrations sans sortir de ses gonds.
Préférez le stylo au clavier pour vous défouler
Internet offre l’anonymat et un nombre illimité de mots, deux qualités qui, une fois réunies, encouragent la diatribe. Mais une méta-étude, menée par l’Université de l’Arkansas en 2007, souligne que si ces exutoires semblent constituer un moyen sain de gérer sa colère, « la recherche en psychologie n’a, quant à elle, découvert aucun effet positif à l’exercice ».
De fait, en dépit d’une satisfaction immédiate, se défouler en ligne pourrait bien aggraver notre état. Après l’analyse de décennies de données, les auteurs de l’étude ont conclu qu’exprimer sa colère par des coups d’éclat « enseigne aux gens à se comporter de manière plus agressive ». Une étude, publiée en 2013 dans Cyberpsychology, Behavior and Social Networking, révèle que les utilisateurs de « sites coups de gueule » sont plus enclins à avoir du mal à maîtriser leur colère et vont l’exprimer de manière déplacée (par altercation physique, par exemple).
En revanche, une approche hors ligne plus modérée peut calmer. Une étude publiée en 2008 dans le Journal of Behavioral Medicine a démontré que les relations épistolaires entraîneraient un meilleur contrôle de la douleur et une diminution des symptômes de la dépression chez les personnes souffrant de douleurs chroniques. Pour les chercheurs, mettre ses émotions sur papier permet de leur « donner un sens », ou d’apporter un point de vue raisonné sur les conditions qui ont provoqué la colère. Même si l’on ne souffre pas, prendre la plume et le papier lorsqu’on se sent contrarié est une solution de rechange au cycle de défoulement-frustration- défoulement-frustration en ligne.
Fuyez vos problèmes – au sens propre
Les médecins sont unanimes : l’exercice aide à lutter contre la dépression. Mais est-ce aussi efficace pour tempérer un sentiment de frustration ? Oui. En 2010, des chercheurs de l’Université de Géorgie, aux États-Unis, ont observé 15 étudiants masculins ayant la réputation de s’emporter facilement. À l’occasion de deux séances, tenues en deux jours, les sujets se sont vus soumettre une série d’images susceptibles de les mettre en colère (comme des scènes de guerre). Dans l’une des séances, ils devaient ensuite enfourcher un vélo d’appartement et pédaler environ 30 minutes. Dans l’autre, on leur a demandé de rester assis en silence. L’activité cérébrale dans les centres de la colère des étudiants ayant fait de l’exercice était inférieure à celle des autres. Nathaniel Thom, spécialiste en physiologie du stress et chercheur de cette étude, remarque que les effets apaisants de l’exercice cardiovasculaire ne concernent pas exclusivement les jeunes hommes en colère – ni ceux qui présentent des problèmes psychologiques ou de comportement.
« L’activité physique a aussi un effet positif sur l’humeur des « personnes normales » », affirme-t-il. M. Thom recommande les exercices d’aérobie d’intensité modérée à vigoureuse (pensez à la course à pied), mais note que les expressions physiques de la colère ne se valent pas toutes. « Fracasser des objets n’est pas vraiment un exercice », précise-t-il, dans une allusion au désir parfois impérieux de tout casser sous le coup de la colère. « Enfoncer la porte d’entrée d’un coup de poing n’a rien de vraiment constructif. »
Trouvez votre refuge
Dernier conseil qui contribue à adopter l’art du défoulement :
Pas toujours facile de se retenir d’éclater lorsqu’on éprouve de grandes frustrations, mais l’auto-distanciation, une technique en psychologie, peut aider à retrouver son calme. Lors d’une étude menée en 2012 à l’Université du Michigan, on a demandé à 94 étudiants de résoudre des anagrammes difficiles, tout en écoutant de la musique classique. Au cours de l’exercice, les chercheurs mettaient ouvertement en doute les capacités des étudiants à suivre les instructions. Ceux à qui on avait demandé d’adopter une approche d’auto-distanciation – ce que le directeur de l’étude, Dominik Mischkowski, décrit comme la perspective de la « mouche sur le mur » – se sont montrés moins agressifs envers les critiques que ceux à qui l’on avait recommandé de « s’auto-immerger », ou de réfléchir à leurs sentiments.
« Dans de nombreuses situations, lorsque quelqu’un vous ennuie, il suffit de débrancher, déclare M. Mischkowski. L’auto-distanciation est un moyen de prendre du recul sans perdre de vue la situation. Ce n’est pas une distance physique, mais une distance morale. »
Toutefois, si vous avez réellement besoin d’espace physique, partez faire une promenade d’un bon pas. Après tout, la science approuve.