Comment se plaindre poliment (pour obtenir ce que l’on veut)
Transformez vos jérémiades à votre avantage! Avec ces conseils d’experts dans les plaintes, vous gagnerez sans froisser personne.
«Mon steak est trop cuit. J’ai demandé saignant.»
«Mon patron a le don de planifier des réunions à 16h30 le vendredi!»
«Pourquoi laisses-tu les portes d’armoires de cuisine ouvertes? C’est toujours moi qui dois les fermer.»
Que ce soit dans le cadre du travail, de vos relations ou de l’achat de biens et services, il vous est sûrement arrivé d’avoir à vous plaindre. Et malgré la connotation négative qui accompagne souvent l’idée de revendication, car personne n’aime les geignards, savoir comment porter plainte dans les règles pourrait vous servir à redresser vos torts.
«Se plaindre est un comportement universel. On s’y livre tous à divers degrés», explique Robin Kowalski, professeure de psychologie à l’Université de Clemson, et titulaire de vingt années de recherche sur les plaintes et autres comportements aversifs. «Il est entendu qu’on n’aurait pas ce comportement s’il n’apportait pas de compensations. Exprimer son dépit est souvent très réconfortant. Cela apporte quelquefois le changement désiré.» Mais comment savoir s’il s’agit d’un grief justifié ou d’un simple ennui?
Il y a des moments où l’on doit se plaindre (poliment!) pour obtenir ce que l’on veut, ou ce qu’il nous manque. Il s’agit parfois d’un droit légal, comme celui à l’accessibilité, établi par la loi canadienne, qui interdit toute discrimination et prescrit les accommodements au travail. Mais vous pouvez tout aussi bien résoudre vos petits problèmes et tracas en exprimant vos doléances, sans pour autant vous transformer en plaignard universel.
Nous avons consulté des experts pour savoir comment se plaindre de façon à ne pas irriter les gens, et augmenter les chances d’atteindre nos objectifs.
Apprenez-en plus sur les désavantages de se plaindre.
Choisir la meilleure façon de vous plaindre
Les gens ont diverses raisons de se plaindre, et certaines plus bénéfiques que d’autres, précise Mme Kowalski. «En général, il existe deux types de plaintes: la plainte expressive et la plainte instrumentale. La plainte expressive permet d’évacuer notre mécontentement et de se plaindre dans le seul but de se libérer l’esprit.»
Les gens tendent à faire ce type de plainte à leurs amis, à leurs collègues, et même sur les réseaux sociaux. On peut aussi le faire pour des raisons de comparaison sociale. Des étudiants peuvent se plaindre de la difficulté d’un test pour savoir comment les autres ont réagi à l’exercice. Ou pour se mettre en valeur, comme une plainte sur la nourriture d’un restaurant, qui permet de démontrer son savoir culinaire.
Mais bien que la reconnaissance de nos émotions négatives soit un signe de bonne santé mentale, la rumination permanente de griefs est improductive, et peut affecter l’équilibre mental.
Pour obtenir exactement ce que vous voulez, il faut utiliser la deuxième forme de plainte. «La plainte instrumentale est conçue pour obtenir un résultat très précis, comme appeler le ministère des Transports pour se plaindre des innombrables nids de poule. Ou encore, prenons le cas d’incompatibilité avec un certain collègue: en vous plaignant de son impact négatif sur votre productivité au travail, vous poussez votre patron à réaffecter l’un de vous deux à une autre équipe, ce qui profite à tout le monde», ajoute-t-elle.
La plainte instrumentale est également utile dans les relations. Se plaindre pour inciter les autres à expliquer leur comportement peut parfois réconforter et rétablir l’harmonie dans la relation.
Connaissez-vous ces 31 comportements toxiques (que l’on croit bons)?
Oui, vous pouvez vous plaindre
Si, pour vous, une plainte sert plutôt à exprimer votre point de vue, ou affirmer vos besoins dans un but précis, elle pourrait être un outil utile pour faire vos propres choix, renforcer vos relations et améliorer un lieu de travail toxique.
«Beaucoup de gens tolèrent la situation pour ne pas paraître trop exigeants, en particulier dans le cadre professionnel», précise Amy Fish, autrice de I Wanted Fries with That: How to Ask for What You Want and Get What You Need. «En réalité, vous ne protestez pas que pour vous, mais aussi pour tous vos collègues qui doivent composer avec les mêmes injustices des congés de maladie, ou l’incohérence du code vestimentaire. Vous ouvrez la porte au changement, qui se produira grâce à vous.»
En vous plaignant au sujet de biens et services reçus, vos commentaires pourraient inspirer certaines entreprises. «Si un bien ou un service ne répond pas aux normes de qualité, en faire part à la direction est parfaitement recevable», précise l’experte en étiquette Diane Gottsman, auteure de Modern Etiquette for a Better Life, et propriétaire de The Protocol School of Texas. «Une plainte présentée comme une rétroaction constructive permet au détaillant ou au propriétaire de l’entreprise de corriger la situation, ou de s’amender auprès du client. Une plainte qui est traitée diligemment est souvent reçue comme un commentaire positif.»
La bonne et la mauvaise façon d’agir
La façon la plus percutante de déposer votre plainte repose sur votre manière de la présenter, surtout si votre interlocuteur est en désaccord avec vous. En évaluant bien la teneur de vos plaintes (et leur fréquence), vous arriverez à trouver le moment le plus stratégique pour intensifier leur impact, précise la professeure Kowalski.
«Lorsque j’ai amorcé ma recherche dans ce domaine, j’ai entendu des plaintes qui provenaient de toutes parts, en plus des miennes. Quand on se rend compte de quelque chose, on est plus au fait de son propre comportement, et l’on affine davantage l’aspect stratégique de sa plainte. On choisit soigneusement son auditoire, et on pondère ses récriminations.»
Alors, quelle stratégie adopter? Concentrez-vous sur deux éléments clés: votre objectif et votre comportement.
Connaître votre objectif
Avant tout, identifiez le but à atteindre.
«Si vous savez ce que vous attendez de votre plainte, vos chances de succès seront meilleures. Par exemple, si vous dites à votre conjoint: «J’aimerais que tu vides le lave-vaisselle ce soir», vous devriez avoir plus de succès qu’avec: «Tu ne vides jamais le lave-vaisselle; tu ne fais jamais rien», qui peut dégénérer en conflit, prévient Amy Fish.
Être avenant
Comme le dit le proverbe, on n’attrape pas les mouches avec du vinaigre. «Une expression et un ton avenants font beaucoup lorsque vient le moment de demander réparation, ou de déposer une plainte», précise Diane Gottsman. Si vous êtes insatisfait d’un service, «la meilleure façon de vous plaindre est de parler au directeur, ou au service des ventes pour signaler, par exemple, l’écart du prix sur le registre et le prix de vente d’un certain produit, et que vous apprécieriez qu’ils fassent un suivi.»
Susciter la sympathie des autres vous attirera plus facilement leur soutien.
Éviter les bévues courantes
En vous présentant en mode attaque, vous risquez de mettre votre interlocuteur sur la défensive, et de réduire sa disposition à écouter votre requête. «La mauvaise façon consiste à chahuter, faire un esclandre ou créer des remous, pour ce qu’une brève conversation aurait pu régler», explique Mme Gottsman.
Bien entendu, «il est clair qu’en restant muet, rien ne va bouger», précise Amy Fish. «Selon moi, la seule mauvaise plainte est celle qui n’est pas exprimée, aussi longtemps que vous demeurez calme et respectueux.»
Les revers d’une plainte
Savoir comment vous plaindre dans les règles vous permettra d’améliorer vos résultats. Mais si vous abusez du système, ou si vous vous plaignez sans raison, vous pourriez vous sentir impuissant ou victimisé, ou encore constamment irritable, colérique et râleur.
«Trop se plaindre peut nuire à notre santé mentale (complaisance dans le négatif) et à nos relations avec les autres. Le fait de me plaindre sans arrêt à mon voisin des arnaques d’une certaine entreprise peut me réconforter sur le coup, mais ne résoudra pas le problème. Cela peut cependant inciter mon voisin à mettre fin à nos promenades communes», affirme la professeure Kowalski.
Il faut éviter de se plaindre auprès des mêmes personnes, qui risquent de vous percevoir comme un geignard compulsif.
Choisir vos batailles et lâcher un peu prise peut vous prémunir des effets négatifs d’une revendication constante. «Parfois, il vaut mieux laisser tomber une plainte qui semble plutôt anodine dans l’ensemble: c’est un jour férié, et le restaurant est bondé. Vous aimez votre steak saignant, et on vous l’apporte trop cuit. Vous avez demandé du ketchup qui n’arrive jamais. Il vaut mieux parfois renoncer à se plaindre, mais plutôt signaler le problème à votre départ, pour avertir le responsable de son erreur sans le blâmer», explique Mme Gottsman. Si vous vous comportez courtoisement et évitez les gestes détestés par les employés, votre repas sera beaucoup plus agréable, en dépit des quelques ratés dans le service.
Quand éviter de vous plaindre
Il y a d’autres situations dans lesquelles il vaut mieux retenir les récriminations, ou du moins, faire preuve de plus de tact. Si vous déversez votre colère sur la mauvaise personne, vous ne ferez que l’inciter à vous ignorer, et cela compliquera encore plus l’atteinte de vos objectifs.
«N’oubliez pas que la situation en cause n’est pas toujours la faute de celui qui vous fournit le service. Ne vous en prenez donc pas à l’individu, mais cherchez celui qui peut régler le problème», précise Diane Gottman. En contactant le service à la clientèle, n’agressez pas celui qui répond au téléphone, et qui n’y est pour rien! Une requête courtoise, au contraire, pourrait vous gagner sa faveur.
Par ailleurs, en cas de plainte contre un collègue au travail, il vaudrait mieux essayer de régler le problème avec lui de façon directe et amiable, avant d’en faire part au patron. «Par exemple, si quelqu’un parle trop fort au téléphone et vous dérange, plutôt que d’en parler à son supérieur, il faut essayer de lui dire sur un ton décontracté: Jean, pourrais-tu baisser le ton? Je n’arrive plus à me concentrer. S’il s’agit d’un cas plus grave ou si les choses ne se règlent pas, il est conseillé alors de consulter un superviseur», précise-t-elle.
Et si c’est votre supérieur qui est en cause? Selon certaines recherches, sympathiser entre collègues peut resserrer les liens; mais des études scientifiques démontrent que la présence d’un trop grand sentiment d’injustice peut engendrer de la colère, et détériorer l’ambiance de travail.
«Si votre plainte touche votre milieu de travail, soyez discret», ajoute-t-elle. Il vaut mieux éviter de parler dans le dos de votre supérieur, même si les plaintes courantes semblent le sujet de conversation favori de vos collègues. Ou vous jouez franc jeu avec votre supérieur, ou, s’il s’agit d’une violation à la loi, vous vous adressez aux ressources humaines.
Comment vous plaindre poliment
Il n’est pas toujours facile de savoir comment se plaindre de façon directe, déférente et efficace. Pour avoir les meilleurs résultats, il faut suivre les trois étapes suivantes: expliquer le problème, exprimer ses sentiments et réclamer des mesures.
Entraînez-vous à présenter votre plainte
Pour obtenir le ton de voix juste et la façon la plus élégante de formuler votre plainte, il serait bon de vous préparer. «Vous pourriez pratiquer à voix haute dans la voiture, ou établir les points saillants de la plainte avant la rencontre», précise Amy Fish.
De surcroît, assurez-vous d’avoir défini une solution potentielle à votre problème, ou un but à atteindre. «Selon mon expérience, prendre un moment pour bien saisir le tout permet de hiérarchiser les points forts de la plainte, et aide à se concentrer sur les résultats qui sont jugés prioritaires», souligne-t-elle. C’est une bonne stratégie pour demander une augmentation de salaire, ou de l’aide avec le service à la clientèle.
Demeurez sélectif dans vos plaintes
Si vous vous plaignez de tout sans arrêt, vous serez vite perçu comme quelqu’un qui crie au loup, et que personne ne prend au sérieux. «Soyez rigoureux dans vos plaintes, et plaignez-vous avec discernement», conseille Mme Kowalski.
Se plaindre de manière stratégique implique de choisir entre les causes qui méritent votre attention, et celles sans intérêt. La professeure Kowalski conseille de tenir un journal pour que tout soit plus clair. «Ce qui peut sembler bouleversant et incontrôlable dans notre tête peut devenir beaucoup plus tangible et gérable par écrit.»
Commencez modestement
Avant d’affronter des causes ardues, testez votre façon de porter plainte sur de plus petits conflits. «La tactique de la plainte se perfectionne avec le temps», explique Mme Fish. «Je conseille de se pratiquer sur de plus petits cas, et de progresser tranquillement vers des dossiers plus complexes ou laborieux.»
Déterminez vers qui diriger votre plainte
«Choisissez bien devant qui présenter votre plainte», précise la professeure Kowalski. Vous éviterez de surcharger les mêmes de griefs fréquents et de devenir un fardeau.
De plus, vous pouvez présenter stratégiquement votre plainte à ceux qui ont la capacité de répondre à vos attentes.
« Déposez votre plainte devant la bonne personne. Pour un service dans le domaine médical, vous pouvez contacter le bureau de l’ombudsman des patients, ou porter plainte auprès d’un commissaire aux plaintes et à la qualité des services de votre centre intégré de santé et de services sociaux. Conservez tous les documents et tenez un registre des personnes consultées pour votre suivi. »
Choisissez le moment propice pour agir
Vous voudrez peut-être attendre que le moment parfait et le lieu propice se présentent, explique Amy Fish. «Le timing est essentiel. Vous ne voulez pas vous plaindre à vos enfants la veille de leur gros examen ni à votre voisin au sujet de ses haies, alors qu’il reçoit des amis dans son jardin. Je prendrais quelques minutes pour bien étudier l’ensemble de la situation avec de me lancer.»
Essayez la plainte sandwich
Quand le moment indiqué est choisi, il faut être à la hauteur. Une plainte en sandwich, le terme du psychologue Guy Winch dans son livre The Squeaky Wheel, devrait convenir.
Il suffit d’intégrer votre plainte entre deux éléments positifs, ou compliments. Par exemple, vous pourriez dire à votre conjoint: « J’adore que tu fasses le souper. Mais je me demandais si tu pouvais ranger un peu les choses au fur et à mesure. Un nettoyage rapide nous permettrait de passer plus de temps à regarder un bon film après! »
Plaignez-vous sans détour
Si vous êtes en conflit avec un ami au cours de rencontres sociales, il est très tentant de dire du mal de lui dans son dos, ce qu’il vaudrait mieux éviter si vous tenez à conserver vos amitiés.
«Au lieu de vous plaindre à quelqu’un de l’impolitesse d’un ami, gérez directement la situation. Contenez vos émotions et parlez-lui franchement, mais avec respect. Si quelqu’un vous boude, vous lui direz par exemple: «Est-ce que j’ai fait quelque chose qui t’a blessé? Je vois bien que tu es contrarié. Je pourrais corriger la situation si tu me disais de quoi il s’agit», suggère Diane Gottsman.
Voici comment reconnaitre ces 9 signes d’une amitié toxique.
Ne regrettez jamais d’avoir été honnête
Il n’y a rien de choquant à s’exprimer, et c’est une des choses pour lesquelles les gens polis ne s’excusent jamais. Diane Gottsman donne un exemple de ce qu’il faut dire pour calmer poliment un malaise: «Pardon, j’attends depuis 15 minutes et j’ai remarqué que vous étiez en grande conversation avec l’autre vendeur. J’apprécie la camaraderie, mais j’ai un horaire à respecter. Est-il possible d’essayer cette paire de chaussures?»
Restez ouvert à toute solution
Vous plaindre est inutile, si cela n’est que pour valider votre point de vue, ou si vous choisissez d’être en colère, plutôt que d’écouter les solutions qu’on vous propose. Si vous décidez de porter plainte, il faudrait toujours être ouvert aux opinions et perspectives des autres, ainsi qu’aux différentes façons de cerner le problème.
C’est une approche soutenue par la recherche. Selon une étude de 2018, publiée dans The Academy of Management Journal, les effets négatifs résultant de plaintes au travail s’annulaient lorsque des solutions étaient offertes au plaignant pour redresser ses torts.
Acceptez aussi les plaintes venant des autres
Les plaintes peuvent se faire dans les deux sens. Si vous voulez que vos collègues ou vos amis vous soutiennent dans vos démarches, il faudra faire preuve d’ouverture d’esprit aux leurs. «Prêtez l’oreille aux plaintes des autres, pour qu’ils vous rendent la pareille», dit Robin Kowalski. Si vous gardez l’esprit ouvert, évitez d’être sur la défensive et vous concentrez sur les solutions, les autres seront plus réceptifs à vos plaintes quand les rôles seront inversés.
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