On naît drôle ou on le devient?
On peut assurément s’améliorer. Il suffit d’appliquer l’un des principes fondamentaux de l’humour: surprendre – le public attend quelque chose, mais vous dites exactement le contraire. Par exemple, vous faites comme si vous alliez raconter une blague vraiment salace, mais la chute est parfaitement innocente. Vos auditeurs riront non seulement de la blague, mais aussi d’eux-mêmes.
La cible d’une plaisanterie a-t-elle de l’importance? Et la personne qui la raconte?
Une grande importance. Il n’y a rien de drôle à voir une vieille dame s’étaler de tout son long en courant pour prendre le métro, mais si cela arrive à un type prétentieux en complet-veston, ça devient hilarant.
L’idiot qui se prend au sérieux est comique, tout comme la personne sérieuse qui fait l’imbécile. J’apprends à des cadres d’entreprise à utiliser l’humour pour détendre l’ambiance au bureau. Je leur dis que s’ils veulent devenir de meilleurs gestionnaires, ils doivent accepter d’avoir l’air ridicule de temps en temps.
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Et on a souvent peur du ridicule…
C’est certainement un frein, et la seule façon de s’y faire, c’est de s’y exposer. Si on est perfectionniste, c’est difficile. Dans ce cas, il faut apprendre à se moquer de sa manie. Je me souviens d’une PDG très collet monté qui participait à un de mes ateliers. Quand j’ai demandé aux membres du groupe de faire quelque chose d’inhabituel, qui les sortait de leur zone de confort, elle a plissé juste un tout petit peu ses chaussettes. Tout le monde a éclaté de rire.
Méfiez-vous des signes qui montrent que votre perfectionnisme vous gâche la vie!
Est-ce plus dur d’être drôle en cette époque de moralisme politique?
On se plaint parfois en effet que «de nos jours, on ne peut plus rien dire.» Mais ce n’est pas forcément le cas. Sur des sujets comme le genre, la race ou l’âge, on peut très bien faire de l’humour à condition de cibler l’oppresseur et non le groupe opprimé ou défavorisé. Dans le milieu de l’humour, on dit qu’il faut frapper au-dessus de la ceinture, et non en bas.
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Vous venez d’évoquer l’âge. L’humour est-il une bonne façon d’affronter le vieillissement?
Oh oui, bien sûr! Avant la pandémie de COVID-19, je suis allée dans des maisons pour personnes âgées et leur ai lu des textes sur lesquels je travaillais. Nous avons tous ri comme des fous. On dit aux vieilles personnes qu’elles doivent rester optimistes, mais les deuils s’accumulent. On perd son conjoint, sa maison, on ne peut plus conduire. Ceux qui conservent leur sens de l’humour à travers tout ça semblent mieux s’en tirer que les autres. Le corps sécrète de la sérotonine quand on rit, et il est scientifiquement démontré que ça aide.
Mais il peut être difficile aujourd’hui de trouver matière à rire, non?
Il faut être prêt à trouver de l’humour là où il ne semble pas y en avoir. L’autre jour, par exemple, j’ai préparé une soupe pour des personnes qui n’avaient pas le droit de faire des courses. Je n’y ai goûté qu’en rentrant chez moi. Elle était immangeable. J’aurais pu être consternée, mais j’ai plutôt ri et fait rire les autres en disant que je devais être la pire bénévole de tous les temps.