Comment arrêter de procrastiner
D’où vient cette envie de remettre toujours quelque chose à plus tard (en sachant qu’il y aura des conséquences) et comment arrêter de procrastiner?
Qu’est-ce que la procrastination?
La brassée de lavage attend dans un coin de votre chambre, ou encore vous «avez toujours l’intention de lire» le courriel d’un collègue? Vous êtes loin d’être le seul à procrastiner.
Nous sommes nombreux à céder à l’envie de procrastiner même lorsque les conséquences sont plus graves. Un sondage réalisé par l’entreprise financière IPX 1031 a révélé qu’en 2020, au moins 33% des Américains avaient attendu jusqu’à la dernière minute pour produire leurs déclarations de revenus. Et c’était après que le gouvernement américain lui-même a repoussé d’avril à mai la date limite de production des déclarations.
Cette tendance va pourtant bien au-delà d’une mauvaise gestion du temps ou de la paresse. Selon une recherche publiée dans Frontiers in Psychology, voici deux principales caractéristiques de la procrastination:
- Nous remettons quelque chose à plus tard intentionnellement et inutilement.
- Nous savons que nous perdrons au change en remettant quelque chose à plus tard.
Cette conscience des conséquences négatives auxquelles nous devons faire face est la raison pour laquelle les scientifiques associent la procrastination avec nos émotions – et à quel point nous laissons ces émotions contrôler notre comportement.
Une recherche publiée dans la revue Social and Personality Psychology Compas a pour sa part révélé que quand nous procrastinons, nous cédons à notre désir de gratification immédiate. En remettant à plus tard quelque chose qui nous fait sentir mal, nous «priorisons notre humeur du moment plutôt que les conséquences de notre inaction sur notre avenir».
Qu’est-ce que la procrastination chronique?
C’est une chose de procrastiner de temps en temps en raison d’agents de stress extérieurs comme un horaire chargé, dit Lauren Cook, psychologue clinicienne et fondatrice de Heartship Psychological Services en Californie.
«Mais quand ça devient une véritable habitude peu importe la chose à faire, c’est un signe que la procrastination est peut-être devenue chronique.»
Nous avons tous déjà subi les conséquences d’avoir remis une tâche à plus tard, que ce soit en ratant une échéance ou en laissant une carie dentaire se détériorer un peu trop.
Joyce Marter, psychothérapeute et auteure de The Financial Mindset Fix: A Mental Fitness Program for an Abundant Life, note pourtant certains comportements révélateurs des procrastinateurs chroniques:
- Ils se sentent toujours comme s’ils étaient à la remorque des autres et les décevaient souvent.
- Les gens autour d’eux sont frustrés par rapport à eux, ce qui peut mener à des pertes d’emploi ou à des échecs amoureux à répétition.
- Ils deviennent sur la défensive quand il s’agit de l’évitement des tâches, par exemple en blâmant les autres ou en se servant d’excuses.
- Ils luttent contre des sentiments d’incompétence.
- Ils se sentent dépassés par les échéances et les responsabilités.
- Ils consacrent leur temps à de petites tâches moins importantes.
Les procrastinateurs chroniques sont peut-être aussi entourés de gens qui leur permettent d’avoir ce comportement, notamment en finissant les tâches à leur place, en leur faisant constamment des rappels ou en essayant de les aider à mieux gérer leur temps. Et pour le procrastineur, cette aide n’est pas toujours bienvenue.«Il se peut que vous considériez ces gens comme contrôlants et que vous ne les appréciez pas», explique Joyce Marter.
Qu’est-ce qui cause la procrastination chronique?
Autre caractéristique dominante de la procrastination chronique? Une fois que vous êtes pris dans l’engrenage, il est difficile de s’en libérer.
Une étude publiée dans le Journal of Rational-Emotive & Cognitive-Behavior Therapy a révélé que les sentiments négatifs comme le stress, l’anxiété, la faible estime de soi et le syndrome de l’imposteur mènent à la procrastination, faisant de l’évitement des tâches un mécanisme de défense pour gérer ces émotions difficiles.
Ainsi, lorsque nous remettons quelque chose à plus tard, nous ressentons un soulagement temporaire. Cette réaction active le centre de gratification de notre cerveau, qui renforce l’habitude de procrastiner. Mais la procrastination s’enracine également dans la réponse de notre corps au stress.
Donc, la prochaine fois où nous ferons face à une tâche qui nous rend anxieux, nous insécurise ou nous frustre, notre corps la verra comme une menace. La procrastination agit alors comme notre mécanisme de défense contre ces émotions menaçantes. Le processus ressemble à ceci:
- Nous avons une tâche à accomplir.
- Nous considérons comment cette tâche nous fera sentir.
- Nous arrivons à la conclusion que la tâche nous fera sentir stressés, nous insécurisera ou nous fera vivre d’autres émotions négatives.
- Comme notre corps veut éviter ces mauvaises sensations, nous évitons la tâche.
- Nous nous sentons plus stressés de remettre une tâche à plus tard et le cycle de la procrastination continue.
Ce cercle vicieux émotionnel explique pourquoi Joyce Marter dit que la procrastination résulte souvent de:
Les problèmes de santé comportementale
Les troubles de santé mentale comme l’anxiété, la dépression, l’abus de substances, une dépendance, un trouble du déficit de l’attention avec hyperactivité (TDAH) et un traumatisme peuvent contribuer à la procrastination.
«Chacun de ces problèmes altère nos fonctions cognitives et notre capacité à penser clairement, à nous concentrer, à nous organiser et à prendre des décisions», explique Joyce Marter.
Les problèmes de santé mentale mènent souvent aussi à une surcharge émotionnelle, c’est-à-dire quand l’intensité de vos sentiments (généralement négatifs) dépasse comment vous réussissez à les gérer. Cette surcharge peut nourrir un discours intérieur négatif et des distorsions cognitives tout en diminuant vos niveaux de motivation et d’énergie, et tout cela peut entraîner de la procrastination.
La peur
Que vous ayez peur du succès, de l’échec, du jugement ou d’admettre que vous ne savez pas comment faire quelque chose, n’importe quelle forme d’incertitude ou de doute peut paralyser votre capacité d’agir.
Ou encore vous pouvez vous inquiéter des conséquences liées à l’accomplissement d’une tâche, selon Joyce Marter. Par exemple, c’est plus facile pour vous de remettre une conversation difficile à plus tard si la réaction de l’autre personne vous préoccupe.
Le perfectionnisme
«J’ai vu bien des gens procrastiner quand venait le temps d’agir dans des situations pouvant faire avancer leur carrière ou améliorer leur situation financière parce qu’ils voulaient que leur curriculum vitae, leur plan d’affaires, leur site web ou leur proposition soient parfaits avant de les soumettre à quelqu’un», raconte Joyce Marter.
Mais quand nous visons la perfection, nous finissons toujours par modifier les objectifs, ce qui mène à des résultats qui se font attendre, à plus de frustration et, souvent, à davantage de procrastination.
Est-ce que la procrastination nuit à notre santé?
La satisfaction brève que nous ressentons en procrastinant a un prix.
«Les émotions négatives que vous associez à une tâche donnée ne disparaîtront pas en évitant cette tâche, explique Haley Perlus, docteure en psychologie du sport et de la performance. Elles se nourrissent d’elles-mêmes et se multiplient.»
Les effets néfastes de la procrastination sur la santé mentale
Il n’y a pas que le stress entourant une tâche qui augmente à l’approche des échéances. Une étude publiée dans la revue Journal of Rational-Emotive & Cognitive-Behavior Therapy décrit comment la procrastination chronique mène à une diminution de l’estime de soi et contribue à accroître le stress global et l’anxiété chez quelqu’un.
Ces découvertes dépendent de ce qu’on appelle les «cognitions procrastinatoires» ou les schémas de pensée négatifs qui accompagnent l’évitement d’une tâche, notamment la honte, la culpabilité, l’échec et le fait de douter de soi-même.
Les schémas de pensée négatifs sont aussi la raison pour laquelle la procrastination peut rapidement devenir un cercle vicieux.
«Plus nous procrastinons, plus nous doutons de notre capacité d’accomplir des tâches, selon la Dre Lauren Cook. Ça peut gruger notre confiance en nous.»
L’impact de la procrastination sur la santé physique
D’un point de vue pratique, remettre à plus tard une visite chez le médecin ou le dentiste retarde également les traitements médicaux nécessaires.
Pourtant, une étude réalisée par Personality and Individual Differences a découvert que les procrastinateurs chroniques sont aussi en général moins susceptibles d’adopter des comportements axés sur le bien-être tels que maintenir un bon niveau d’activité physique et avoir une bonne alimentation.
Joyce Marter explique que le stress et l’anxieté déclenchés par la procrastination peuvent également avoir des effets physiques dans tout le corps: insomnie, changements dans les habitudes alimentaires, problèmes gastro-intestinaux, maux de tête, pression artérielle plus élevée, etc.
Ces symptômes physiques de stress et d’anxiété peuvent également rendre une personne vulnérable à des problèmes plus graves. Une récente étude publiée dans le Journal of Behavioral Medicine a associé la procrastination chronique à un plus grand risque de souffrir d’une maladie cardiovasculaire et d’hypertension.
Comment puis-je arrêter de procrastiner?
«À long terme, la procrastination peut créer un cercle vicieux: le fait de remettre quelque chose à plus tard renforce votre désir de recommencer, même si cela crée plus de problèmes», de dire la Dre Haley Perlus.
Mais parce que la procrastination chronique vient de nos réactions émotionnelles, télécharger encore une autre application de gestion du temps ne suffira peut-être pas à mettre fin au cercle vicieux.
Au lieu de cela, une étude publiée dans Learning and Individual Differences a révélé que se débarrasser de l’habitude de procrastiner consiste à réguler nos émotions; spécifiquement, on parle d’apprendre comment tolérer les émotions négatives et modifier nos réactions. Selon les experts, la régulation émotionnelle est un processus qui prend du temps, mais vous devriez commencer par des stratégies comme celles-ci:
Pratiquer l’autocompassion
«En apprenant à changer vos habitudes, vous devriez d’abord vous pardonner et faire preuve d’autocompassion, de dire la Dre Perlus. De cette façon, vous ne laisserez pas le blâme que vous dirigez contre vous prendre le dessus.»
Une étude publiée dans Self and Identity a révélé que les personnes qui procrastinent tendent à faire preuve de moins d’autocompassion. Mais lorsque les gens sont capables de se pardonner pour les retards, ils sont susceptibles de moins procrastiner face à la prochaine tâche stressante à accomplir, selon une autre étude de Personality and Individual Differences.
«Être dur envers vous-même ne fera que créer une spirale descendante de frustration et de sentiments d’incompétence», explique Joyce Marter. C’est pourquoi vous sentir mal à propos de votre procrastination ne fait qu’aggraver le cercle vicieux, rendant ainsi l’habitude encore plus difficile à changer.
Se récompenser
Lorsque nous avons une tâche à accomplir qui nous fait sentir anxieux, pas à la hauteur, ou qui nous ennuie tout simplement, c’est gratifiant de reporter ces sentiments négatifs. Le soulagement ressenti est ce qui nous pousse à procrastiner encore et encore, particulièrement lorsque le stress de remettre quelque chose à plus tard s’aggrave.
En modifiant ce cycle de récompense, par contre, nous pouvons remplacer le bénéfice perçu de la procrastination par des incitatifs plus productifs.
«Lorsque vous accomplissez vos tâches à temps, récompensez-vous en prenant du temps de qualité pour vous occuper de vous ou faire quelque chose que vous aimez vraiment, déclare Joyce Marter. Vous pourriez même demander à vos proches de vous aider à trouver des incitatifs, par exemple être capable de regarder une émission de télé ensemble une fois que vous aurez terminé votre tâche.»
Défier les faux schémas de pensée
«Vous pouvez aussi essayer de faire dérailler les distorsions cognitives ou les schémas de pensée irrationnels et inadéquats», ajoute la Dre Perlus.
Ces schémas de pensée négatifs contribuent aux maladies comme l’anxiété et la dépression, selon une recherche de la revue Europe’s Journal of Psychology.
Avec le temps, les distorsions cognitives peuvent même devenir des pensées automatiques qui forment ainsi nos principales convictions. De cette façon, même un événement neutre ou positif pourrait déclencher de l’anxiété, du stress et de la procrastination.
Voici comment les distorsions cognitives courantes peuvent avoir une influence sur la procrastination:
- Le perfectionnisme: vous évitez de commencer ou de terminer une tâche parce que vous avez peur de faire une erreur.
- La dramatisation: comme vous croyez que vous ne serez jamais qualifié pour un certain emploi, vous remettez donc à plus tard la préparation de votre CV et sa soumission.
- La surgénéralisation: comme vous avez reçu de mauvais commentaires pour un projet que vous aviez fait précédemment, vous assumez par conséquent que vous échouerez dans toutes vos tâches futures.
- La minimisation des aspects positifs: vous vous concentrez sur un petit commentaire négatif lors d’une évaluation de rendement autrement élogieuse.
«Essayez de trouver différentes explications qui vous aideront à recadrer les situations pouvant vous amener en terrain hostile», dit la Dre Haley Perlus.
Pratiquer des stratégies de pleine conscience
Joyce Marter dit que les pratiques de pleine conscience comme la méditation, la respiration profonde et le yoga nous aident à arrêter de ruminer à propos du passé ou de s’inquiéter pour l’avenir, facilitant ainsi la tranquillité et la clarté d’esprit ici et maintenant.
«C’est l’équivalent de redémarrer votre ordinateur», explique-t-elle. Cela peut vous aider à vous défaire de schémas de pensée négatifs et anxieux qui déclenchent la procrastination.
Accepter sa responsabilité (et une aide supplémentaire, au besoin)
«Évitez l’envie de blâmer votre patron, votre partenaire ou la météo, explique Joyce Marter. Admettez que vous souffrez de procrastination chronique et engagez-vous à y voir tout comme vous le feriez si vous aviez un problème de santé physique.»
Ça pourrait vouloir dire d’établir des systèmes de responsabilisation, par exemple en demandant à votre famille, à vos amis ou à vos collègues de faire le point avec vous sur vos progrès dans certaines tâches et responsabilités.
Mais quand un cercle vicieux de procrastination commence à affecter votre quotidien, vos relations, ou encore nuit à votre santé mentale, il serait peut-être temps d’aller chercher une aide supplémentaire.
«Envisagez de faire évaluer votre santé mentale pour voir si des troubles comme la dépression ou le TDA/TDAH pourraient contribuer à votre problème de procrastination», déclare Joyce Marter.
Grâce à des stratégies comme une thérapie cognitivo-comportementale, un professionnel peut aussi vous aider à identifier et à recadrer les schémas de pensée irrationnels à l’origine de votre procrastination.
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