Cancer de la prostate: quoi savoir avant un dépistage
Le médecin Chris Watt explique pourquoi le dépistage du cancer de la prostate ne donne pas de résultats concluants.
Mon patient, un pêcheur commercial de 51 ans, avait l’air un peu confus. Je venais tout juste de finir son examen physique annuel et je cochais les divers tests de dépistage sur sa requête de laboratoire. Quand je suis arrivé au dépistage du cancer de la prostate, j’ai hésité, comme je le fais toujours. La publication de deux études marquantes dans la dernière année dans le New England Journal of Medicine démontre des limites importantes pour le dépistage standard du cancer de la prostate.
Le problème avec le dépistage du cancer de la prostate
Le cancer de la prostate est le deuxième cancer le plus diagnostiqué chez les hommes (après le cancer de la peau sans mélanome), et la troisième cause la plus fréquente de décès par cancer (après le cancer du poumon et le cancer colorectal). Cette année, 26 500 Canadiens recevront un diagnostic de cancer de la prostate et 4000 en mourront.
Le test d’ASP (antigène spécifique prostatique), qui est le meilleur dépistage actuel et qui requiert une prise de sang, possède trois lacunes importantes:
1. Les faux positifs: la majorité des hommes ayant un ASP anormal, soit environ 80%, n’ont pas la maladie. Cela signifie beaucoup d’anxiété inutile.
2. Surdiagnostic: un ASP anormal nécessite généralement d’autres tests, soit une biopsie ou une échographie. Les deux sont inconfortables, dispendieux pour le système de soins de santé et peuvent causer des problèmes comme les infections.
3. Surtraitement: Étonnamment, 75% des cas de cancer de la prostate ne sont pas mortels même sans traitement alors que 25% sont des tueurs agressifs. Mais on ne peut encore établir une distinction fiable entre eux puisque nous ne comprenons pas assez la génétique des cellules cancéreuses de la prostate pour prédire avec précision leur progression. La chirurgie, la radiothérapie et l’hormonothérapie entraînent des effets secondaires importants tels que l’incontinence, les infections et l’impuissance permanente. En connaissant les risques et le fait que la majorité de ces cancers ne se propagent pas ou ne tuent pas, de nombreux médecins et patients optent pour une stratégie nommée «l’attente vigilante». Le niveau élevé d’ASP est suivi tous les trois à six mois et le traitement n’est recommandé que s’il y a une augmentation rapide ou de grande taille (ce qui suggère que le cancer peut être agressif). L’idée de savoir que vous avez un cancer, sans le traiter, rend de nombreuses personnes et médecins, très mal à l’aise.
Pour ajouter à la confusion, les principaux groupes au Canada et aux États-Unis recommandent des choses différentes; les associations urologiques respectives sont en faveur d’un test de routine après 50 ans. Mais le Groupe d’étude canadien sur les soins de santé préventifs et le U.S. Preventive Services Task Force ne recommandent pas le dépistage, basé sur les dernières données.
Alors, que faire?
D’abord, rappelez-vous que même les partisans de dépistage régulier au Canada et aux États-Unis recommandent un test de routine seulement si vous avez au moins 45 à 50 ans. Jusqu’à ce qu’il y ait un meilleur test, voici mes suggestions:
Connaissez vos facteurs de risque: Il existe deux types de risques: évitables et inévitables. Pour ce qui est des évitables, vous l’avez déjà tout entendu: mangez moins de gras saturés et plus de fibres. Faites plus d’exercice (au moins 30 minutes par jour) et maintenez un poids corporel sain. Les facteurs de risques inévitables sont l’âge (la majorité des cancers de la prostate sont diagnostiqués chez les plus de 65 ans), l’ethnicité (la maladie est plus fréquente et plus fatale chez les Noirs, moins fréquente chez les Blancs et encore moins chez les Asiatiques), et la génétique ‘ le risque est plus élevé si un ou deux personnes de la famille ont déjà reçu ce diagnostic, et particulièrement élevé si un père ou un frère a été diagnostiqué avant l’âge de 65 ans.
Demandez le toucher rectal: Ce test médical est recommandé chaque année à partir de 50 ans, mais il peut être fait plus tôt si vous avez des facteurs de risque.
Équilibrez les risques de certitude et d’incertitude: Parlez à votre médecin des implications des faux positifs, du surdiagnostic et du surtraitement. Si vous vous faites tester, réduisez le risque d’un faux positif: certaines choses augmentent les niveaux d’ASP, y compris l’éjaculation ou un faible traumatisme à la prostate (comme un examen récent du rectum ou même une longue promenade à vélo!). Évitez-les au moins 48 heures avant le test.
Décidez de la prochaine étape avant le test: Pour éviter de paniquer, demandez à votre médecin quoi faire si le test revient anormal. Le chemin le plus facile sera peut-être de refaire le test, mais attendez au moins six semaines. Et aussi difficile que cela puisse paraître, essayez de rester calme.
Le Dr Chris Watt est un médecin généraliste et un médecin du sport qui travaille à Victoria et à Vancouver.