Alerte rouge pour les colorants alimentaires
Des États américains vont exiger des étiquettes de mise en garde pour certains colorants alimentaires. Le Canada devrait-il les imiter?
Les colorants alimentaires artificiels, on le sait, ne sont pas toujours inoffensifs. Certains, présents dans presque tout – des bonbons aux soupes – provoquent chez certains enfants une hyperactivité qui nuit à l’apprentissage. Mais les autorités réglementaires du monde ne s’entendent pas. Lesquels sont nocifs et pourquoi?
Cela pourrait bientôt changer grâce aux pressions des consommateurs et à un rapport très complet publié en 2021. Ce document de l’OEHHA – le bureau d’évaluation des risques sanitaires environnementaux de la Californie – conclut que les colorants alimentaires synthétiques «causent ou aggravent des troubles neurocomportementaux chez certains enfants» et que les niveaux jugés sûrs par le gouvernement fédéral sont trop élevés.
Sensible au rapport et à une pétition ultérieure signée par des défenseurs des enfants et des consommateurs ainsi que par des spécialistes de la santé et de l’environnement, la Californie envisage d’exiger des fabricants qu’ils placent des étiquettes d’avertissement sur les produits et suppléments contenant 7 des colorants artificiels les plus largement employés, notamment le rouge Allura AC, la tartrazine et le jaune orangé Sunset, qui forment plus de 90% des colorants autorisés dans les aliments aux États-Unis. Les restaurants californiens seraient tenus de signaler les plats de leurs menus qui contiennent ces additifs.
La fidélité au rapport de l’OEHHA mettrait l’autorité réglementaire sur la même longueur d’onde que les chercheurs et les militants. Cela tient pour l’essentiel à sa qualité, estime Lisa Lefferts, experte-conseil en écosalubrité qui fait partie des 10 premiers signataires de la pétition. «C’est tout simplement la meilleure, la plus complète, la plus rigoureuse évaluation des effets neurocomportementaux des colorants alimentaires artificiels sur les enfants qui ait jamais été réalisée.»
En exigeant un avertissement, la Californie suivrait l’exemple de l’Union européenne qui, depuis 2010, demande aux fabricants d’aliments et boissons contenant certains colorants synthétiques de les accompagner d’une mise en garde contre leurs effets nocifs sur l’activité et l’attention des enfants.
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Qu’en est-il au Canada?
Rien de tel n’est prévu au pays. Marie-Pier Burelle, agente des relations avec les médias à Santé Canada, a déclaré à Sélection que, «considérant les données scientifiques disponibles, le ministère est d’avis que les colorants alimentaires artificiels ne présentent pas de risque pour la santé de la population en général quand ils sont employés de la façon prescrite dans la liste des additifs alimentaires autorisés». Depuis 2016, Santé Canada exige que tous les colorants alimentaires artificiels figurent sur l’étiquette pour que le consommateur souhaitant éviter certains additifs puisse en être informé.
Il faut savoir que les colorants artificiels servent uniquement à rendre le produit plus appétissant, ce qui signifie, pour Bill Jeffery, directeur administratif du Centre for Health and Science Law à Ottawa, «maquiller la nourriture». Les couleurs vives et les formes amusantes des friandises et céréales sont certes attrayantes, surtout pour les enfants, mais on trouve aussi des colorants dans des compotes de pomme, des guimauves, des préparations pour gâteaux, des vinaigrettes, et bien d’autres choses.
À mesure que la recherche avance, les pressions exercées par les consommateurs forcent les fabricants à modifier la composition de produits vendus aussi bien au Canada qu’aux États-Unis, à commencer par l’emblématique Kraft Dinner. En 2016, son fabricant a remplacé la tartrazine et le jaune orangé Sunset par un mélange de curcuma, de roucou et de paprika. À la même époque, la chaîne Chipotle, Nestlé USA et d’autres restaurants et fabricants ont annoncé qu’ils travaillaient à réduire ou à éliminer les colorants artificiels.
En Europe, la loi sur l’étiquetage de 2010 a poussé les entreprises à modifier leurs recettes. «Elles veulent éviter l’étiquette de mise en garde», explique Lisa Lefferts, préférant souvent changer simplement quelques ingrédients.
Voilà pourquoi les en-cas aux fruits Starburst vendus en Europe contiennent des colorants naturels plutôt que ceux, artificiels, qui rendent leurs équivalents nord-américains potentiellement nocifs. Le rouge Allura, par exemple, a exacerbé la colite chez des souris dans le cadre d’une expérience menée en 2022 à l’université McMaster d’Hamilton, au Canada.
Il faut poursuivre ces recherches, mais comme les colorants alimentaires artificiels sont superflus, les spécialistes s’entendent pour qu’on essaie de s’en passer.
Tout compte fait, note Joe Schwarcz, professeur de chimie et directeur de l’Organisation pour la science et la société de l’université McGill, à Montréal, nous ne colorons pas les fruits et légumes frais, mais plutôt les bonbons, les beignets et les vermicelles en sucre. «Les aliments qui contiennent des colorants sont pauvres, dit-il. Moins vous en consommez, mieux vous mangez.»
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