L’an dernier, j’ai souffert plusieurs mois de symptômes disparates : palpitations cardiaques, insomnie, hyperexcitation suivie de fatigue intense. Pourtant établie dans une petite banlieue de Floride, ma gynécologue m’a prescrit… de l’ashwagandha et, à ma grande surprise, ce « ginseng indien » a fonctionné.
Même si, dans bon nombre de pays, elles suscitent encore un certain scepticisme dans la profession médicale, les méthodes parallèles prennent du galon dans les cabinets de consultation, notamment aux états-Unis. Selon une étude récente de l’université Harvard, au cours de l’année précédente, les médecins ont conseillé à plus de 6 millions d’Américains une pratique visant à la fois le corps et l’esprit. L’Association des hôpitaux des États-Unis (American Hospital Association) confirme que plus de 30 % des établissements hospitaliers de ce pays offrent maintenant des programmes de médecine intégrative (associant la médecine douce aux interventions tradi-tionnelles).
Pourquoi ? Des médecins de renom expliquent les bienfaits des approches douces qu’ils préconisent.
1. L’acupuncture pour apaiser la douleur
Dr Lonnie Zeltzer
Directrice du programme sur la douleur chez l’enfant de l’hôpital pédiatrique Mattel de Los Angeles et professeur à la faculté de médecine David-Geffen de l’UCLA.
Usages et mode d’emploi « La douleur chronique provoque souvent un effet boule de neige : plus elle dure, plus elle devient difficile à traiter… J’utilise régulièrement l’acupuncture. Même si nous ne savons pas exactement comment elle fonctionne, les recherches montrent qu’elle accroît les taux de certaines molécules du bien-être dans le cerveau, notamment la sérotonine et les endorphines. Elle pourrait par ailleurs désactiver les zones cérébrales chargées de la perception de la douleur. Nos propres observations sur de jeunes patients souffrant de douleurs résistantes aux traitements habituels concluent à une amélioration du sommeil et du confort après seulement six séances hebdomadaires. Je recommande l’acupuncture sans réserve – sauf évidemment en cas d’hypersensibilité aux piqûres d’aiguille. »
Validation scientifique: Les résultats des recherches restent ambigus. En juin, l’Institut américain de médecine citait des études révélant que l’insertion d’aiguilles en dehors des méridiens d’acupuncture fonctionnait tout aussi bien qu’en respectant la technique traditionnelle… La douleur semblait s’atténuer dans les deux cas !
Autres applications: Les symptômes du stress posttraumatique (SPT) ; l’acupuncture pourrait aussi augmenter les chances de grossesse après une fécondation in vitro.
2. La visualisation pour accélérer la convalescence post-chirurgicale
Dr Gulshan K. Sethi
Chirurgien cardiothoracique au centre en science de la santé de l’Arizona et professeur à la faculté de médecine de l’université de l’Arizona.
Usages et mode d’emploi: « J’ai souvent croisé Andrew Weil (grand spécialiste de la médecine intégrative) dans les couloirs de mon hôpital. Je ne l’avais jamais pris au sérieux… jusqu’au jour où mon épouse a développé une maladie cutanée auto-immune grave : son corps semblait brûlé au deuxième degré. »
La médecine ne pouvait rien pour elle, et c’est finalement le Dr Weil qui l’a guérie avec des plantes, la rétroaction biologique (ou « biofeedback », procédé qui permet à un individu d’apprendre à modifier son activité physiologique dans le but d’améliorer sa santé et ses performances) et l’hypnose.
J’ai alors commencé à m’intéresser aux techniques corps-esprit, notamment la visualisation dirigée. À l’aide d’un scénario ou de consignes préenregistrées, le patient imagine une scène bénéfique pour lui, par exemple ses cellules immunitaires attaquant une tumeur. Plusieurs études établissent les avantages de cette méthode avant une opération du cœur. Le fait de s’imaginer sur pied induit des effets physiques bien concrets tels que l’abaissement du rythme cardiaque et l’accélération du processus de guérison. La plupart de mes patients acceptent d’essayer. Ma blouse blanche contribue certainement à les convaincre. »
Validation scientifique:Les résultats des quelques recherches sur la question se révèlent prometteurs : les patients opérés qui pratiquent la visualisation dirigée quittent l’hôpital plus rapidement et prennent moins d’analgésiques.
Autres applications Les pathologies aggravées par le stress, par exemple l’asthme ou la migraine.
3. Le yoga contre la dépression et l’anxiété
Dr Patricia Gerbarg
Psychanalyste et professeurclinicienne adjointe au New York Medical College.
Usages et mode d’emploi: « J’ai subi plusieurs épisodes graves de la maladie de Lyme, et la médecine ne pouvait me guérir. Professeur adjoint en psychiatrie à l’université Columbia et expert en phytothérapie, mon mari m’a prescrit des plantes médicinales qui ont soulagé mes douleurs articulaires et atténué mes problèmes de mémoire et de fatigue. J’ai découvert ensuite une technique respiratoire de yoga qui semble efficace contre la dépression modérée ou grave : il suffit d’alterner une inspiration et une expiration d’égale durée, environ cinq fois par minute. Par l’intermédiaire du nerf vague, cette modification du rythme de la respiration indiquerait au cerveau que le corps est détendu et que l’esprit peut s’apaiser à son tour. Elle calme la réaction de fuite ou de combat mais stimule des parties du système nerveux chargées du repos et de la digestion, deux fonctions que le stress tend à inhiber. Aucun comprimé ne permet d’obtenir de tels résultats !
Si des patients ont besoin de médicaments, je leur en prescris. Pour les autres, cette technique pratiquée vingt minutes deux fois par jour lutte contre la dépression, l’anxiété et même le SPT réfractaire à tous traitements. »
Validation scientifique: L’imagerie médicale le prouve : le yoga modifie l’activité cérébrale. Améliore-t-il l’humeur ? Les recherches sont encore rares. Une étude menée sur des survivants du tsunami du Sud-Est asiatique de 2004 vivant en camp de réfugiés révèle toutefois une baisse de 90 % du taux de dépression chez ceux qui ont adopté une technique respiratoire de yoga (contre aucune amélioration notable chez les autres).
Autres applications: Insomnie, hypertension, asthme, douleurs dorsales.
4. L’hypnose contre le syndrome du côlon irritable
Dr David Spiegel
Psychiatre et professeur à la faculté de médecine Stanford.
Usages et mode d’emploi: « J’ai suivi un cours d’hypnose à la faculté de médecine ; mon père, également psychiatre, a été l’un des pionniers de cette discipline… Pendant mes études, j’ai hypnotisé un adolescent asthmatique, qui a retrouvé une respiration presque normale en quelques minutes. Mais une vive controverse a agité l’hôpital : avais-je mis ce patient en danger ? Loin du brouhaha, je constatais que cela fonctionnait… J’ai hypnotisé à ce jour 9 000 personnes souffrant de différents maux. Dans un cas sur deux, une séance suffit pour obtenir une nette amélioration ou la guérison des phobies. Pour le syndrome du côlon irritable, l’hypnose atténue les douleurs et réduit diarrhées et ballonnements. Elle présente d’ailleurs beaucoup moins de risques que la plupart des médicaments. Entre 20 % et 30 % des gens sont réfractaires à l’hypnose ; pour les autres, elle mérite d’être envisagée. »
Validation scientifique: Comme le yoga, l’hypnose stimule des parties du cerveau et en désactive d’autres. Les études sur des maladies spécifiques restent cependant trop restreintes pour en tirer des conclusions tranchées.
Autres applications: Phobies, perte de poids, bouffées de chaleur.
5. Des suppléments contre le cancer
Dr Gary E. Deng
Spécialiste de médecine interne au centre contre le cancer Memorial Sloan-Kettering de New York.
Usages et mode d’emploi: « En Chine, où j’ai grandi, plantes et tisanes sont considérées comme des médicaments. Mais comme j’ai étudié la médecine à l’occidentale, la tradition ne me suffit pas : il me faut des preuves scientifiques ! Or les recherches sur les suppléments sont souvent peu concluantes ; certains produits sont même dangereux. D’autres se révèlent assez prometteurs pour être essayés, mais toujours sous supervision médicale. Par exemple, la chimiothérapie cause des lésions nerveuses et des douleurs, picotements et engourdissements tels qu’il faut parfois suspendre les traitements. Des études montrent qu’un supplément d’acide alpha-lipoïque (AAL) peut atténuer ces effets secondaires. Pour le cancer du tube digestif, l’extrait de Coriolus versicolor, un champignon, semble accroître l’efficacité de la chimiothérapie. Enfin, la vitamine D et l’extrait de thé vert diminueraient le risque de cancer. »
Validation scientifique: Les bienfaits sont mieux établis pour l’AAL et pour l’extrait de Coriolus versicolor que pour d’autres suppléments. Pour la vitamine D et le thé vert, des recherches indiquent qu’ils réduiraient la probabilité de différents cancers – mais elles ne le prouvent pas.
Autres applications: L’AAL apaise les douleurs causées par les lésions nerveuses chez les diabétiques ; les autorités sanitaires américaines ont approuvé une crème au thé vert contre les condylomes acuminés (végétations vénériennes) ; la vitamine D soulagerait la douleur chronique.