Le bavardage: un art qui se perd?
Scénario connu : dans un ascenseur, une salle d’attente, à la banque ou en avion, nous sommes entourés de gens qui, comme nous, ont les yeux rivés sur leur téléphone, ou pis, ne savent comment rompre un silence embarrassant.
À qui la faute ? Il se peut que nous ayons perdu un peu de notre aptitude à converser. Nous n’engageons pas la conversation, parce que l’exercice nous semble intimidant ou difficile, ou encore que nous n’y trouvons pas de plaisir ou d’utilité.
Or, la prochaine fois que vous vous trouverez au milieu d’inconnus, rappelez-vous que le bavardage n’est pas une perte de temps.
Ce peut être le début d’une relation
Dire que le bavardage est futile, c’est oublier que les relations profondes n’auraient jamais vu le jour sans une conversation légère. Il facilite les interactions sociales, soutient Bernardo Carducci, directeur de l’Institut de recherche sur la timidité de l’Université Southeast, en Indiana.
«Toutes les grandes histoires d’amour et toutes les importantes transactions d’affaires ont commencé ainsi, explique-t-il. La clé du bavardage réussi est d’apprendre à interagir avec autrui plutôt qu’à simplement communiquer.»
Selon M. Carducci, la recherche de points communs au moyen d’échanges – même autour de sujets aussi négligeables que la météo ou la longueur d’une file d’attente – permet de créer des liens.
Le bavardage, c’est la santé
Les « grandes » conversations pleines de sens, qui ont une influence sur notre vie, sont essentielles à notre bonheur. Cependant, on aurait tort de sous-estimer les mérites du bavardage.
Lors d’une étude menée en 2004, Elizabeth Dunn, professeure en psychologie à l’Université de la Colombie-Britannique, a sollicité la participation de personnes qui s’apprêtaient à entrer dans un café. Les sujets d’un premier groupe furent invités à provoquer une interaction avec le barista, et ceux du second groupe, à se limiter à l’essentiel.
Les résultats ont révélé que ceux qui avaient échangé brièvement avec le garçon avaient éprouvé nettement plus d’émotions positives, sans compter que leur visite fut beaucoup plus agréable. « Discuter avec le barista n’est pas mieux qu’une discussion avec votre conjoint, affirme Mme Dunn. Mais le fait d’interagir avec un plus grand nombre de membres secondaires d’un réseau social contribue aussi à notre bien-être. »
Les observations d’Elizabeth Dunn ajoutent du poids aux recherches menées en 2013 par Andrew Steptoe du University College de Londres. Ses travaux ont démontré que les personnes âgées qui souffraient d’isolement présentaient un taux de mortalité plus élevé que celles qui fréquentaient régulièrement l’église, des clubs sociaux ou des parents et amis.
Le bavardage pour un sentiment d’appartenance
Selon Elizabeth Dunn, les individus qui entrent en contact avec des inconnus éprouvent un sentiment d’appartenance beaucoup plus grand. Bernardo Carducci estime aussi que c’est un bon point de départ pour nourrir un sens de la communauté. « Le bavardage est la pierre angulaire de la courtoisie, affirme-t-il. Lorsque vous entrez en contact par la conversation, vous êtes moins susceptibles de froisser ou de souffrir d’un manque d’égards. »
Une bénédiction pour les affaires
Échanger des banalités est tout aussi essentiel au travail. « S’exprimer avec aisance est l’un des plus importants facteurs de réussite professionnelle », affirme Roberto Carducci. Le bavardage est un exercice d’échauffement qui fournit à notre interlocuteur des renseignements clés à notre sujet, comme la bonne volonté, la fiabilité et la coopération.
Cela contribue à sceller des ententes, ajoute Debra Fine, conférencière et auteure du Grand art de la petite conversation (Leduc éditions), une lecture indispensable pour les gens d’affaires.
«Vous pouvez négocier un contrat, faire une présentation, vendre des applications mobiles ou promouvoir vos services, mais à moins d’avoir intégré le bavardage à vos démarches, vous ne développerez jamais d’amitiés professionnelles, prévient-elle. Et, toutes choses égales d’ailleurs, les gens font affaire avec leurs amis.»
L’art de converser au masculin et au féminin
En affaires, les hommes qui font la conversation obtiennent de meilleurs résultats que leurs collègues féminines, selon un compte rendu présenté en août 2014 à la réunion annuelle de l’Academy of Management de New York.
L’étude révèle que les comportements de sociabilité seraient plus profitables aux hommes qu’aux femmes, car comparativement à ces dernières, les hommes sont généralement considérés comme moins portés à communiquer, moins sociables et moins attentifs aux autres.