La patiente: Nida Shahzeb, spécialiste des réseaux sociaux
Les symptômes: taches grises dans l’œil gauche et dégradation alarmante de la vision
Le médecin: DrNetan Choudhry, ophtalmologue à Toronto
Aux premiers temps de la pandémie en 2020, Nida Shahzeb, 38 ans, était plus occupée que jamais – elle travaillait de chez elle, à Mississauga, en Ontario, tout en s’occupant de ses trois enfants âgés de 11, 8 et 5 ans. Le printemps arrivé, ils ont passé beaucoup de temps dans leur jardin, où Nida plantait un potager.
Un soir de juin, elle ferme brièvement l’œil droit alors qu’elle utilise son iPad. Elle remarque alors quelque chose d’étrange dans la vision de son œil gauche. «L’écran semblait brumeux et sombre», se souvient-elle. Elle suppose que son œil est fatigué, mais le lendemain matin le problème est toujours là: des taches grisâtres dans son champ de vision central. Son œil n’est ni rouge ni douloureux, mais au bout de quelques jours elle écoute son instinct – et son médecin de famille – et se rend aux urgences.
Pour votre santé oculaire, mieux vaut connaître ces maladies des yeux.
Déconcertant
Le médecin urgentiste qui l’examine est déconcerté. Il l’oriente en urgence vers un ophtalmologue. Vous serez surpris d’apprendre que les ophtalmologistes sont les premiers à identifier ces maladies. Après avoir dilaté la pupille de Nida, le spécialiste découvre une inflammation de la rétine et pense que sa patiente souffre du syndrome des taches blanches, une catégorie de maladies oculaires caractérisées par des lésions profondes de la rétine, dont il ne peut cependant pas déterminer la cause. Elle doit le plus rapidement possible consulter un spécialiste des maladies de la rétine.
Nida lit frénétiquement tout ce qu’elle peut trouver en ligne sur les maladies oculaires. «Toute la journée, je me suis inquiétée à ce sujet», raconte-t-elle.
Le lendemain, elle va voir le Dr Netan Choudhry, directeur médical de Vitreous Retina Macula Specialists de Toronto. Le médecin lui explique l’urgence: «Lorsque vous éprouvez une baisse de la vue sans en connaître la cause, il faut agir. Sinon il y a un risque de progression rapide.»
Le syndrome des taches blanches a plusieurs causes probables, parmi lesquelles des virus, une maladie auto-immune et même un lymphome. Et si certains cas s’améliorent seuls, d’autres, non traités, peuvent entraîner une perte de vision permanente.
Une tomographie par cohérence optique, qui utilise la lumière à la manière des ultrasons pour capturer des images haute résolution de la rétine, révèle à l’équipe médicale que la macula, la zone centrale essentielle de la rétine, est enflammée. Comme Nida est jeune et en bonne santé, l’un des déclencheurs probables est un virus, auquel cas elle aura simplement besoin d’un traitement aux stéroïdes pour apaiser l’inflammation. Le Dr Choudhry lui prescrit ces médicaments et annonce à sa patiente qu’il la réexaminera quelques jours plus tard.
Sa vue se détériore
Entre-temps, Nida a du mal à fixer l’écran de l’ordinateur. Elle cesse de porter ses lunettes, qui ne font qu’empirer le problème. Il lui semble que sa vue continue de se détériorer, mais elle admet que son angoisse en est peut-être la cause. «Peut-être mon cerveau me jouait-il des tours!» explique-t-elle.
Quelques jours plus tard, elle retourne au cabinet du Dr Choudhry. Cette fois, les tests sont encore plus complets. L’une des causes possibles des symptômes de Nida est un minuscule parasite mais, si c’est le cas, il se cache bien. L’équipe utilise l’imagerie multispectrale, qui emploie différentes longueurs d’onde de lumière pour permettre aux médecins d’observer les couches profondes de la rétine.
Lorsque le Dr Choudhry examine les images, il comprend tout de suite qu’ils ont trouvé ce qu’ils cherchent. Là, sur la macula, se trouve un gribouillis pâle de moins de 2,5 mm de long. C’est un ver rond. Et puisqu’il change de position d’une image à l’autre, il est manifestement vivant.
Pendant des semaines, ce parasite a creusé des tunnels dans la macula de Nida, sans être détecté. «C’est comme un bulldozer qui avancerait dans une forêt. Il détruit tout sur son passage», illustre le Dr Choudhry.
Plusieurs espèces de minuscules vers sont connues pour envahir l’œil humain, bien que cela reste rare et, dans plus de trois quarts des cas, le coupable n’est pas visible sur les examens d’imagerie. Mais l’une des espèces les plus communes, un ver rond appelé Baylisascaris procyonis, est également l’une des plus grandes et des plus dévastatrices.
Le Dr Choudhry demande à sa patiente si elle est entrée en contact avec des ratons laveurs et des chats – ces deux animaux peuvent parfois transmettre Baylisascaris aux humains.
Elle répond d’abord non, puis se rappelle avoir jeté des excréments de raton laveur trouvés dans son potager, environ un mois avant l’apparition de ses symptômes. Elle a utilisé des gants pour cette tâche, mais le médecin affirme que cela n’aurait pas empêché un œuf de Baylisascaris de pénétrer dans le corps de la jeune femme par son système respiratoire.
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Le retirer avec un laser
Nida se contient jusqu’à ce qu’elle arrive dans sa voiture, où elle éclate en sanglots, tandis que son mari la presse de lui dire ce qui ne va pas.
Tant que le ver reste près de la surface de la rétine, on peut probablement l’extraire. Le Dr Choudhry arrange un rendez-vous entre sa patiente et le Dr Efrem Mandelcorn à l’hôpital Toronto Western le lendemain. Mais les nouvelles images montrent que le parasite s’est enfoui plus profondément en seulement 12 heures. Impossible de le retirer sans abîmer l’œil.
La seule solution qui reste au Dr Mandelcorn est de tuer le ver en surchauffant la zone au moyen d’un instrument à laser thermique et de le laisser dans l’œil. Son corps finira par se désintégrer, mais on ne saura jamais de quelle espèce était précisément le ver. Trois jours plus tard, lors d’un rendez-vous de suivi avec le Dr Choudhry, Nida est soulagée d’apprendre que le ver a cessé de bouger.
Si vous avez besoin de choisir des lunettes, il est certain que votre optométriste ne vous dira pas ces choses.
Sauver sa vision
Elle voit toujours des taches dans son champ de vision central, mais à mesure que son cerveau s’adapte, il apprend à combler une partie de ces trous, et elle ne les remarque plus autant. Il est aussi possible que certaines cellules se régénèrent avec le temps.
«J’aime à penser que mes collègues et moi avons résolu le mystère à temps afin de pouvoir sauver en partie sa vision, affirme le Dr Choudhry. Si cela avait duré des mois ou plus longtemps, Nida aurait pu en arriver à un stade où elle n’aurait plus vu la moindre lumière.»
Cette idée donne des frissons à Nida Shahzeb. «Je suis tellement soulagée qu’ils aient découvert ce parasite et de ne pas avoir perdu la vue à ce point», déclare-t-elle. Mais il y a toutefois une activité qu’elle ne reprendra pas. «Ma mère m’a dit de ne même pas songer à retourner à mon potager!»
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