Une odeur de pain chaud met aussitôt vos papilles en émoi.
Un parfum de tabac vous rappelle votre grand-père.
Nous pressentons tous que les odeurs affectent la mémoire, les humeurs et les habitudes.
Mais les recherches qui établissent l’influence de l’odorat sur le comportement, les fonctions cognitives et la santé sont plutôt récentes.
Ces études nous ont notamment appris que les sens aident à créer des liens avec les nouveau-nés, telle cette étude qui a démontré que les odeurs corporelles de bébés de deux jours activaient le système de récompense du cerveau des femmes, mères ou non. Une autre, menée à l’Université de Newcastle, Royaume-Uni, a confirmé qu’une faiblesse de l’odorat pouvait annoncer des troubles neurologiques, la maladie de Parkinson par exemple.
Selon Johannes Frasnelli, chercheur à l’Hôpital du Sacré-Cœur de Montréal et coauteur de l’étude sur les odeurs maternelles, la « perte de l’odorat précède de plusieurs années d’autres signes cliniques de troubles neurologiques, et cela pourrait servir pour des tests de dépistage précoce ».
L’intérêt actuel pour l’odorat rompt avec le rôle secondaire que celui-ci a joué jusqu’ici dans la tradition médicale. Si, dans la médecine chinoise, il a depuis longtemps été considéré comme un révélateur de la santé du cœur et des poumons, pour les cultures occidentales, il a toujours été en effet un sens mineur. Platon le comparait défavorablement à la vue et à l’ouïe, sens nobles qui nous rapprochent de la perfection.
À l’époque des Lumières et à l’ère victorienne, on reléguait les odeurs au monde irrationnel des émotions et de la sexualité.
Ce n’est qu’au milieu du 20e siècle qu’on a commencé à corriger cette perception péjorative de l’odorat.
Dans les années 1950, les entreprises cosmétiques et agroalimentaires ont financé d’importantes recherches en cette matière.
La production de masse de parfums synthétiques a permis le développement industriel de la parfumerie et des eaux de Cologne qui, exploitant les affinités entre émotions et odeurs, ont donné des produits comme Youth-Dew d’Estée Lauder et Miss Dior de Dior.
Les récepteurs de l’odorat se trouvent dans l’épithélium olfactif, une zone peuplée de millions de neurones, dans la partie supérieure de la fosse nasale. On pense que les molécules odorantes de l’environnement se fixent sur ces récepteurs suivant un processus chimique appelé « modèle de la clé et de la serrure ».
Les neurones envoient alors un signal électrique au bulbe olfactif qui, dans le cerveau, le traduit en telle ou telle odeur. L’être humain peut détecter jusqu’à mille milliards d’odeurs, mais les hormones œstrogènes rendraient l’odorat des femmes meilleur que celui des hommes. Le vieillissement affecte aussi l’odorat, qui baisse d’un pour cent par année après la naissance.
Alan Hirsch, neurologue en chef à la fondation Smell and Taste Treatment and Research de Chicago, précise qu’il reste encore beaucoup à faire pour que l’odorat soit testé ou traité comme l’ouïe ou la vue. Cela dit, il espère que les recherches actuelles renforceront encore sa pertinence. En 2012, le neurologue a mené une étude montrant que l’odeur du jasmin améliorait les performances à la batte de joueurs de baseball des White Sox de Chicago, en termes de trajectoire, vol de la balle et vitesse d’exécution. Ces résultats ouvrent la porte à l’utilisation des odeurs en physiothérapie et réadaptation.
La prise en compte de la perte d’odorat dans le diagnostic précoce et à un stade traitable des cancers du sein hormono-dépendants est aussi étudiée à la fondation. « Nous pouvons maintenant commencer à utiliser l’odorat dans le diagnostic et la gestion de la maladie, explique Alan Hirsch. C’est passionnant. »