1. Quels sont les risques associés à l’hypertension?
Tout comme le tuyau d’arrosage soumis à une pression excessive risque de gonfler, de crever ou d’envoyer un jet trop puissant sur des plantes délicates, le sang qui circule dans les artères peut fragiliser les parois des vaisseaux, provoquer des renflements et des ruptures ou créer des lésions dans des organes vulnérables. On associe donc l’hypertension aux AVC, aux crises cardiaques, aux anévrismes, aux lésions oculaires et rénales et à d’autres pathologies. Elle contraint également le cœur à travailler davantage, contribuant ainsi aux défaillances cardiaques.
2. Quelle l’origine de l’hypertension?
Dans 95 % des cas, l’hypertension est dite « essentielle » car sa cause est méconnue. Toutefois de nombreux facteurs de risque ont été identifiés, comme l’obésité, la sédentarité, l’alcoolisme, la consommation excessive de sel, le stress, ainsi que l’âge ou des antécédents familiaux. De plus, nos vaisseaux sanguins se contractent avec le temps, augmentant ainsi la tension.
Dans 5 % des cas, elle est d’origine médicamenteuse ou provoquée par une autre affection. On parle alors d’hypertension secondaire. Une maladie de la thyroïde, une polykystose rénale, des problèmes de glande surrénale ou d’autres maladies rares peuvent en être la cause. Certains médicaments et compléments alimentaires sont susceptibles de la faire augmenter, notamment les contraceptifs oraux, les remèdes contre le rhume ou la migraine, les analgésiques de la famille des anti-inflammatoires non-stéroïdiens et des compléments alimentaires à base de plantes comme le millepertuis.
Beaucoup l’ignorent, mais la glycyrrhizine, un composé de la racine de réglisse qui entre dans la composition des bonbons, thés et produits à base de réglisse peut modifier la pression sanguine : 125 ml de thé à la réglisse par jour suffisent pour augmenter la tension.
Idéalement, le médecin tente avant tout d’exclure toutes les causes possibles d’hypertension secondaire avant d’établir un diagnostic d’hypertension essentielle.
3. Comment mesurer l’hypertension?
Avec un appareil appelé sphygmomanomètre ou, plus simplement, tensiomètre. Le bras doit être soutenu et le patient immobile. Avec la méthode manuelle, le médecin gonfle un brassard placé autour du bras au niveau du cœur, jusqu’à couper la circulation sanguine. Il relâche ensuite lentement la pression tout en surveillant la colonne de chiffres, jusqu’à ce qu’il perçoive, au moyen de son stéthoscope, les premiers « bruits de Korotkoff » – c’est la mesure supérieure, ou pression systolique. La pression est alors complètement relâchée jusqu’à la disparition du bruit – c’est la mesure inférieure, ou pression diastolique.
On peut également mesurer automatiquement la tension à l’aide d’une machine. On trouve ce type d’appareil, généralement de bonne qualité, dans la plupart des pharmacies. Toutefois, ce n’est pas garanti qu’il prenne correctement votre tension. Pour obtenir des résultats précis, met en garde le Dr Frans Leenen, directeur du service d’hypertension et de la recherche sur l’hypertension à l’Institut de cardiologie de l’Université d’Ottawa, « il faut un bras détendu, un contexte non stressant, un appareil bien réglé et une manchette adaptée à la taille du bras. Aujourd’hui, une grande partie de la population est en surpoids, la manchette standard ne va donc pas à tout le monde. »
4. Que disent les chiffres sur la tension artérielle ?
La pression systolique est la force exercée sur la paroi des artères quand le cœur bat et expulse le sang dans le système cardiovasculaire. La pression diastolique est la force exercée sur les vaisseaux quand le cœur se repose entre deux battements. La tension artérielle optimale se situe à 120/80 mmHg (millimètres de mercure) ou une valeur inférieure. Un résultat supérieur à 140/90 mmHg est signe d’hypertension.
Si vos résultats se situent dans la partie haute de la fourchette « normale » (130-139/81-89 mmHg), vous présentez un risque plus élevé d’AVC et d’autres complications, précise le Dr Norm Campbell, président de la Chaire en prévention et contrôle de l’hypertension de la Fondation des maladies du cœur du Canada. « On croit souvent que les résultats dans la moyenne haute sont parfaitement acceptables, mais c’est faux, soutient-il. La moyenne haute et l’hypertension sont toutes deux des sujets d’inquiétude. La différence entre les deux est que l’hypertension est le stade à partir duquel il devient médicalement pertinent de prescrire des médicaments – malgré les risques qu’ils entraînent – au lieu de tenter de la maîtriser par des changements d’habitudes de vie. »
5. Quand faut-il mesurer son hypertension?
Cette question est objet de débats, sans réponse unanime. Toutefois, si vous êtes jeune, en bonne santé, ne présentez aucun facteur de risque, et que vos derniers résultats se trouvaient dans la fourchette optimale, vous pouvez attendre quelques années avant de mesurer à nouveau votre tension. Sinon, une mesure tous les six mois environ devrait suffire.
Le Dr Campbell affirme que le Canada est le meilleur pays au monde en matière de diagnostic et de maîtrise de l’hypertension. Les mesures de routine lors des rendez-vous chez le médecin jouent un grand rôle dans ce succès, et les examens en milieu de travail permettent de dépister la majorité de la population.
Néanmoins, d’autres pays font mieux en matière de prévention. Certains ont fait passer des lois pour limiter la quantité de sel dans les aliments, relate le Dr Campbell. La Belgique et le Portugal, par exemple, restreignent le sel dans le pain. Notre pays ne dispose que d’un système inefficace de réduction volontaire du sel, recommandé par Santé Canada, explique Norm Campbell. Le Dr Leenen estime, quant à lui, qu’il faudrait que les aliments nuisibles pour le cœur soient soumis à des taxes supplémentaires, créant ainsi une source de revenus destinés à subventionner la production d’une nourriture plus saine. Au bout du compte, dit-il, nos choix seront déterminés par notre responsabilité personnelle, mais si nous sommes poussés dans la bonne direction, cela peut faire une différence.
Les coûts entraînés par l’hypertension s’élèvent à des millions de dollars en soins de santé, conclut le Dr Campbell. « Et comme la prévention serait ici d’une grande efficacité, la situation actuelle n’est pas acceptable. »
Combien de fois faut-il mesurer l’hypertension?
Il est recommandé aux médecins de faire asseoir leur patient dans le calme pour la première mesure, puis d’en prendre plusieurs autres, à une ou deux minutes d’intervalle, et de faire la moyenne des résultats. Si l’hypertension est de légère à modérée, il faut convenir d’un rendez-vous de suivi pour mesurer de nouveau la tension. « Il y a beaucoup de surdiagnostic et donc de surtraitement de l’hypertension, affirme le Dr Leenen. Si les résultats sont juste sur la limite, je fais revenir le patient deux ou trois mois plus tard pour surveiller son évolution. » Si les résultats sont supérieurs à 140/90 à plusieurs reprises dans le cabinet médical et à 135/85 à la maison, on considère que le patient souffre d’hypertension.
Environ 20 % des malades présentent des résultats anormalement élevés quand la tension est prise par le médecin, mais qui reviennent à la normale lors des mesures à la maison. C’est l’« effet blouse blanche », une légère anxiété à l’égard des institutions médicales. À l’inverse, environ 8 % des patients ont des résultats normaux dans le cabinet du médecin, mais sont hypertendus à la maison. On parle alors d’« hypertension masquée », qui peut rester longtemps inconnue.
7. Comment agir lorsque l’on fait de l’hypertension ?
Si les mesures indiquent une hypertension, il faudra procéder à l’étude minutieuse des antécédents médicaux et familiaux, et à des analyses de sang et d’urine pour déterminer si d’autres facteurs de risque (maladie cardiovasculaire, diabète, lésions rénales, goutte ou arthrite) sont en cause. Plus les facteurs de risque de maladies cardiovasculaires sont élevés, plus il est essentiel de ramener la tension à des valeurs normales.
8. Comment changer son de mode de vie pour réduire l’hypertension ?
Cinq habitudes peuvent significativement améliorer votre tension : faire de l’exercice quatre ou cinq fois par semaine, réduire la consommation d’alcool à moins de deux verres par jour pour les hommes et un pour les femmes, diminuer la consommation de sel (notamment dans les aliments transformés), maintenir un poids normal et augmenter la consommation de fruits et légumes. Il est aussi très bénéfique de cesser de fumer et de mieux gérer son stress. Des travaux scientifiques suggèrent que réduire le sucre, même sans perte de poids, a un effet positif.
Ces bonnes habitudes de vie ont le double avantage d’être « également celles qui aident à prévenir l’obésité, le diabète, les cancers et toutes les grandes menaces de notre vie, précise le Dr Campbell. Tout le monde devrait les adopter, peu importe sa tension. »
9. Peut-il être trop tard pour changer et réduire l’hypertension?
Adopter de saines habitudes pour le cœur peut être difficile. Pourtant, de nombreux Canadiens y sont parvenus. Ryan de Gans, originaire d’Edmonton, a appris qu’il souffrait d’hypertension à l’âge de 21 ans. Il a vu ce diagnostic comme un signe l’invitant à « apprendre à mieux se connaître ». Ryan était très stressé, et son anxiété provoquait de nombreuses crises de panique. Il avait aussi pris la mauvaise habitude de boire beaucoup d’alcool avec ses amis. Lorsque son médecin lui a déclaré que sa tension artérielle était élevée même lorsqu’il était calme, il a cessé de fumer et de boire, s’est mis à pratiquer une activité physique régulièrement et a trouvé un emploi épanouissant de consultant en développement d’entreprise.
« Ma nouvelle façon de vivre a entraîné beaucoup de changements physiques, mais le véritable changement a eu lieu dans mon esprit, affirme-t-il. J’ai trouvé un projet d’avenir, un sens à ma vie et une raison de vouloir prendre soin de mon corps et d’être en bonne santé. »
Échouer à changer radicalement son mode de vie peut mener au traitement médicamenteux pour une durée indéfinie. Cette contrainte peut aussi être difficile à vivre, selon Rhian Touyz, spécialiste écossaise de l’hypertension. « Les patients se lassent de prendre un médicament tout au long de leur vie, explique-t-elle. D’où l’importance de consulter régulièrement son médecin, et d’être motivé par les professionnels de la santé. »
L’hypertension non maîtrisée peut avoir des conséquences dramatiques. Selon la Fondation des maladies du cœur, il s’agit d’un facteur de risque important de maladie cardiaque et d’AVC, deux des trois causes de décès les plus importantes au Canada, responsables respectivement de plus de 69 500 et 14 000 morts chaque année.
10. Quels sont les effets secondaires des médicaments contre l’hypertension ?
L’offre est aujourd’hui tellement variée que tous les patients devraient trouver le médicament ou la combinaison de médicaments leur permettant de maîtriser leur tension artérielle avec le minimum d’effets secondaires, voire aucun.
Certaines prescriptions contre l’hypertension provoquent des diarrhées et autres problèmes gastro-intestinaux. L’olmesartan (un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine II, ou sartan, commercialisé sous les noms Benicar, Azor ou Tribenzor), serait responsable de modifications de l’intestin qui ressemblent à la maladie cœliaque. Parlez des effets secondaires à votre médecin qui pourra alors adapter son ordonnance.
Il faut parfois faire preuve de patience. Ray Taylor, un Montréalais de 56 ans, a commencé par une faible dose de sartan, mais sa tension artérielle était toujours élevée un mois plus tard. Son médecin a doublé la dose, puis a dû ajouter un diurétique au traitement avant que les résultats de Ray ne redescendent à un niveau acceptable. « En tout, il a fallu environ trois mois pour que ça commence à fonctionner, raconte M. Taylor. Et je n’aime pas être contraint de prendre des médicaments. Mais les conséquences d’une crise cardiaque sont bien plus graves. Mon conseil à toute personne dans la même situation est donc : ne vous découragez pas. »