Fini, les douleurs articulaires?
Soulager la douleur articulaire semble (enfin) possible!
La première fois, ce sera peut-être pendant le cours de yoga: depuis quand la posture du chien est-elle si difficile pour les poignets? Ou durant la partie de tennis ou de squash hebdomadaire, qui verra vos genoux hurler de douleur dès que vous pivotez. Est-ce des douleurs articulaires? Ou encore de l’arthrite? Sans doute, car non, ce n’est pas seulement un problème de «vieux». Elle se manifeste le plus souvent entre 40 et 60 ans.
La forme de loin la plus courante en est l’arthrose, ou ostéoarthrite, conséquence de décennies d’activités physiques qui usent le cartilage des articulations. Le cartilage est ce tissu caoutchouteux situé entre les os qui agit comme un amortisseur pour permettre un mouvement sans frottement. Après des années d’usure ou une blessure – une fracture ou une dislocation – ce «coussin» est susceptible de durcir et de se fissurer comme un élastique sec, causant une inflammation et une douleur à l’articulation (« arthrite » vient du grec arthro, «articulation», et itis, «inflammation»).
Deux tiers des personnes qui souffrent de douleurs articulaires recevront un diagnostic d’arthrose. Suivant une enquête nationale menée en 2022 par l’université du Michigan, c’était le cas de 30% des Américains âgés de 50 à 80 ans (8% des patients interrogés souffraient de polyarthrite rhumatoïde, une maladie auto-immune). Les femmes sont plus nombreuses à être touchées, pour des raisons qui restent obscures. L’Organisation mondiale de la santé estime que 528 millions de personnes dans le monde avaient de l’arthrose. Avec le vieillissement de la population, ce chiffre devrait augmenter au cours de la prochaine décennie.
L’arthrose frappe surtout les genoux, les doigts, la base du pouce, le bas du dos et les hanches. On peut observer un gonflement ou une sensation de grincement dans l’articulation et certains sujets éprouveront une douleur suffisamment vive pour être réveillés la nuit. Et puis il y a la raideur, surtout le matin, assez fréquente, et encore la difficulté à ouvrir un bocal ou à se pencher.
Heureusement, de nouvelles solutions pourraient bien s’annoncer.
Comment soulager la douleur ?
Il est recommandé de maintenir un poids normal qui n’exerce pas une charge excessive sur les articulations. Perdre les kilos en trop réduit le risque d’arthrose. En traitement de première intention, on suggère le plus souvent de faire de l’exercice. Si vous n’êtes pas déjà actif, pratiquer un sport sans trop d’impact, comme la marche, le vélo ou la nage, est un excellent moyen de s’y mettre. L’exercice contribue à endiguer les raideurs et maintient une souplesse musculaire autour des articulations.
Le yoga soulage également, selon la Fondation Arthritis. Les spécialistes recommandent de consulter un physiothérapeute, qui vous apprendra certains mouvements pour améliorer la mobilité et augmenter la force musculaire pour soutenir les articulations touchées. Mais pour la majorité des patients, ces stratégies n’éliminent pas la douleur, qui est toutefois soulagée quand les symptômes sont légers à modérés.
Les analgésiques en vente libre comme l’ibuprofène ou le naxoprène soulagent la douleur et la raideur. Mais comme ils peuvent irriter l’estomac, ils ne constituent pas une solution durable. Un corticostéroïde par voie orale comme la prednisone a, hélas, des effets secondaires – prise de poids, sautes d’humeur et élévation de la pression sanguine – et ne peut lui non plus être utilisé que sur une courte période.
Les injections de cortisone offrent parfois un soulagement passager, mais deux études récentes (de l’université de Californie à San Francisco et de la Rosalind Franklin University of Medicine and Science à Chicago) ont révélé qu’elles pouvaient en réalité faire progresser l’arthrose.
Pour «lubrifier» une articulation, les médecins recommandent parfois l’injection d’acide hyaluronique comme agent de visco-supplémentation pour le cartilage atteint. Mais cela ne guérit pas de l’arthrose. Si l’injection soulage provisoirement la douleur et ralentit la progression de la maladie, comme l’a montré une étude décisive publiée l’an dernier dans le British Medical Journal, cette pratique présente peu d’avantages à long terme pour la majorité des patients, sinon aucun.
Autre traitement possible: le plasma riche en plaquettes. On y recourt depuis les années 1980 pour soigner des déchirures de tendons et des blessures articulaires. Le sang prélevé du sujet doit être traitée est enrichi de plaquettes, puis réinjecté. Ce traitement a été utilisé par certains athlètes – notamment Tiger Woods – pour soigner des blessures sportives. Son succès reste mitigé, selon l’American Journal of Sports Medicine, et il faudrait poursuivre les recherches pour en améliorer l’efficacité.
Jusqu’à présent, la mise en place d’une prothèse semble le seul traitement véritablement efficace contre l’arthrose, qu’il s’agisse du remplacement de la jointure d’un doigt, d’un genou ou d’une hanche. Tous les ans, des millions de personnes subissent cette intervention chirurgicale dans le monde. Seul inconvénient, la prothèse a une durée de vie de 15 à 20 ans. De nombreux médecins ne la recommandent pas à ceux qui ont moins de 60 ans.
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Gérer le problème: traitements et mode de vie
Dans le cas de Ben Bebenroth, fermier et chef cuisinier à Cleveland, en Ohio, aux États-Unis, les douleurs ont cessé quand on lui a remplacé le genou. Il souffrait d’arthrose depuis l’âge de 15 ans, à la suite d’un accident de snowboard qui lui avait abîmé le genou gauche. Pendant des années, il a compté sur l’alcool et les analgésiques en vente libre pour soulager ses douleurs, maintenir son mode de vie et rester actif. «J’ai géré la douleur comme ça pendant 25 ans», reconnaît l’ancien marine aujourd’hui âgé de 45 ans.
Hormis l’exercice et le maîtrise du poids, Ben a eu droit aux injections d’acide hyaluronique et de stéroïdes et a même subi trois arthroscopies (une opération parfois recommandée quand l’arthrose est la conséquence d’une blessure). Rien n’y faisait. Il a finalement accepté le remplacement total de son genou à 40 ans, un âge exceptionnellement précoce. «Quand les os commencent à être en contact, serrer les dents et supporter la douleur n’est plus possible», explique-t-il.
Ben n’ignore pas que son genou droit finira tôt ou tard par souffrir d’arthrite. C’est inévitable quand une articulation s’use au profit de celle, blessée, qui est épargnée. Mais le remplacement du genou gauche lui a permis de reprendre son travail avec enthousiasme et de retrouver le plaisir de la randonnée et du snowboard qu’il aime tant.
Il évite par ailleurs le sucre et l’alcool et a adopté un régime alimentaire riche en nutriments et en anti-inflammatoires comme le curcuma et le gingembre qu’il cultive dans sa ferme biologique où poussent les ingrédients qui entrent dans la composition des plats servis dans son restaurant. Il est démontré que les articulations profitent d’une alimentation qui fait la part belle au régime méditerranéen – poisson, fruits à coque, légumineuses, viande maigre et quantité de légumes à feuilles – aux vertus anti-inflammatoires.
«Le régime alimentaire est déterminant, dit Ben Bebenroth. Plus je restreins les aliments inflammatoires, mieux je me porte.» Les étirements, la méditation et les mouvements l’ont également aidé. «Ce mode de vie contribue à m’éloigner d’une forme de réactivité, celle où l’on se met en colère contre sa douleur et qui pousse à se soulager avec une friandise.»
Nouvel espoir
L’arthrose est un problème de santé si largement répandu qu’elle retient l’attention de nombreux chercheurs. À l’université de Duke, à Durham en Caroline du Nord, certains ont prévu de lancer des essais cliniques cette année sur un hydrogel fait de polymères pour remplacer le cartilage du genou.
Pour soigner l’arthrite, le recours aux cellules souches allogéniques (à partir des cellules du patient) semble prometteur. En 2018, des chercheurs de l’école de médecine de l’université Stanford, en Californie, ont réussi à isoler des cellules souches osseuses chez des adultes, une avancée importante en matière de régénération de cartilage.
«L’existence de cellules souches osseuses était connue depuis un moment, sans que nous en soyons vraiment sûrs, dit Charles Chan, professeur adjoint de chirurgie à Stanford. Pour les identifier, nous avons utilisé la technique du FACS, qui est comme une trieuse à bonbons. Cela nous a permis de distinguer le type de cellule en fonction de la protéine trouvée à sa surface. On en a trouvé une centaine.»
On a ensuite implanté les cellules dans des souris pour voir comment elles se différenciaient. Certaines se sont transformées en os.
Puis le professeur et ses collègues ont découvert qu’avec de nouvelles instructions, les cellules pourraient produire du cartilage neuf. Durant ces expériences, ils ont induit une microfracture en perçant un petit trou dans le tissu osseux. «Des cellules souches osseuses ont aussitôt formé un caillot de sang, explique Charles Chan. Livré à lui-même, il se transforme en tissu cicatriciel, que nous appelons fibrocartilage. Il agit comme une sorte de pansement, en maintenant tout en place. Mais ce tissu cicatriciel n’est pas aussi souple ou glissant que du cartilage régénéré.»
L’équipe de chercheurs voulait savoir ce qui se passerait s’ils modifiaient les signaux chimiques qui envoient des instructions aux cellules. «On voulait interrompre le processus de transformation des cellules en cartilage avant qu’elles ne se développent en os – les exhorter à finir leur boulot au stade de cartilage», explique M. Chan. Les composés chimiques auxquels l’équipe a eu recours pour cette expérience avaient obtenu les autorisations réglementaires pour d’autres applications, notamment le bévacizumab utilisé dans la prise en charge de différents cancers.
Et ça a marché. Durant cette expérience sur des souris de laboratoire, puis sur du tissu conjonctif humain perfusé à des souris, on est arrivé à un «beau morceau de cartilage», s’enthousiasme le professeur. «Il est résistant. Et pour les sujets, cela se traduit par une amélioration spectaculaire au niveau de la douleur et du mouvement.»
L’équipe collecte des fonds pour lancer des essais cliniques sur des humains et prévoit commencer avec des patients souffrant d’arthrose du pouce et des doigts. Si tout va bien, de nouveaux traitements injectables seront bientôt disponibles non seulement pour soulager les symptômes, mais pour soigner la maladie.
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Du nouveau dans le soulagement de la douleur
En Australie, le Melbourne Stem Cell Research Centre a mené plusieurs essais avec des cellules souches dérivées de tissu adipeux (la graisse) pour le traitement de l’arthrose. Des expériences similaires sont en cours en Italie et en Irlande. On mise sur les cellules souches mésenchymateuses (CSM) importantes dans la fabrication et la réparation du cartilage et des os. Elles semblent avoir de nombreux effets positifs, y compris pour calmer l’inflammation déclenchée par la réponse immunitaire de l’organisme et réduire la douleur névralgique.
«Les patients subissent une toute petite liposuccion», explique le chercheur principal Julien Freitag, spécialiste du système musculo-squelettique. Le tissu adipeux est ensuite transféré dans un laboratoire agréé où les CSM sont multipliées et injectées dans l’articulation du patient; une deuxième injection est administrée six mois plus tard.
«Si on ne sait pas encore très bien comment agit la magie curative des CSM, dit Julien Freitag, la recherche clinique que nous menons depuis neuf ans est extrêmement prometteuse.» Celle-ci, qui comprend un essai clinique aléatoire et les données recueillies auprès de patients, fait état d’une réduction de la douleur et d’une amélioration des fonctions articulaires. «Il y a un bénéfice notable pour les patients souffrant d’arthrose légère, modérée ou sévère.»
Comme d’autres centres de recherche s’intéressent de près à ces questions, on peut s’attendre à un traitement révolutionnaire d’ici 10 à 15 ans. S’il est sûr et efficace, comme c’est le cas jusqu’à présent dans les essais, des millions d’athlètes mis à l’écart du jeu pourront revenir sur le terrain ou tout simplement profiter un peu plus de la vie.
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