Chirurgie cérébrale assistée par robot; micropuce expérimentale pour vaincre la cécité; conception de souris à partir de cellules souches… Chaque jour, des percées scientifiques stupéfiantes bouleversent le monde de la médecine. On en oublierait presque les méthodes diagnostiques toutes simples dont chacun de nous dispose. Sans vous coûter un sou, ces sept auto-examens pourraient ajouter plusieurs années à votre vie…
1. Respiration sifflante
Au Canada, l’asthme non traité entraîne 150 décès et près de 100000 visites aux urgences chaque année.
L’asthme rend l’exercice physique et certaines activités quotidiennes particulièrement pénibles. Il est pourtant sous-diagnostiqué, surtout chez l’adulte. Une étude portant sur plus de 4000 hommes et femmes afro-américains révélait récemment que 10 pour 100 d’entre eux présentaient des signes d’asthme sans avoir jamais fait l’objet d’un diagnostic. La proportion serait similaire chez les plus de 65 ans. «On impute souvent le manque de souffle à l’âge alors que l’asthme peut être en cause, explique le Dr Paul Enright, chercheur à l’université de l’Arizona. Ne le laissez pas vous empoisonner l’existence, et rappelez-vous qu’il est parfois mortel.»
Autoexamen. Ces deux questions ont été posées aux 27000 sujets de deux études sur la santé respiratoire. Quoique très simples, elles dépistent 90 pour 100 des asthmatiques.
1. Votre respiration est-elle parfois sifflante?
2. Vous arrive-t-il de manquer de souffle quand vous pratiquez un sport ou une autre activité physique modérée?
Solution. Si vous avez répondu par l’affirmative à l’une au moins de ces questions, parlez-en à votre médecin, recommande le Dr Enright. Il pourra vous prescrire un médicament inhalable contre l’asthme, puis suivre l’évolution de vos symptômes. Un test de spirométrie s’impose dans certains cas; s’il révèle que vous êtes asthmatique, un test de provocation bronchique aidera le médecin à mesurer plus précisément votre fonction pulmonaire.
2 . Anémie et… chiromancie
Le fer est une «centrale énergétique»: à chaque inspiration, il mobilise l’oxygène pour l’acheminer vers les cellules de tout le corps. Sa carence entraîne une fatigue extrême, des difficultés de concentration, voire l’essoufflement et l’irrégularité du rythme cardiaque. Elle est malheureusement assez courante: 20 pour 100 des femmes (50 pour 100 pendant la grossesse) et 3 pour 100 des hommes en souffriraient. «L’anémie s’installe lentement, insidieusement, rappelle le Dr Lloyd Van Winkle, médecin généraliste et professeur au Centre des sciences de la santé de l’université du Texas à San Antonio. Elle peut donc passer très longtemps inaperçue.»
Autoexamen. Ouvrez grand votre main: ses lignes sont-elles blafardes? «Quelle que soit la couleur de votre peau, toute pâleur inhabituelle des plis de la paume, des gencives ou de l’intérieur des paupières signale une insuffisance circulatoire dans les petits vaisseaux sanguins superficiels attribuable à une carence en fer», explique le Dr Van Winkle.
Solution. Demandez à votre médecin de vous prescrire un test sanguin d’hémoglobine ou d’hématocrite. L’hémoglobine contenant normalement d’importantes quantités de fer, son taux constitue un bon indicateur de l’anémie. L’analyse des globules rouges s’avère également très utile: s’ils sont petits et pâles, la carence est à craindre. Enfin, le dosage de la ferritine sérique mesure le taux d’une protéine qui participe au stockage du fer; il permet ainsi de détecter un début d’anémie.
3. Tapez du pied… en «cœur»
La fibrillation auriculaire multiplie par cinq le risque d’AVC.
Palpitations, emballements, battements cardiaques désordonnés… Au Canada, la fibrillation auriculaire (FA) entraîne de 6000 à 7500 AVC (et environ 43000 hospitalisations chaque année). La plupart d’entre eux pourraient être évités, à condition d’agir: sur 2,2 millions de personnes souffrant de FA dans ce pays, le tiers ignorent leur état.
«Tout le monde peut avoir le cœur qui s’affole de temps à autre, précise le Dr Eric Prystowsky, directeur du laboratoire d’électrophysiologie clinique de l’hôpital St. Vincent d’Indianapolis. La FA se définit par une irrégularité extrême du rythme cardiaque. Les cavités supérieures du cœur (les oreillettes) tremblotent, ce qui provoque une brève accumulation de sang dans l’organe cardiaque et peut entraîner la formation d’un caillot. Dès qu’un battement l’éjecte, il risque de se diriger droit vers le cerveau.»
Autoexamen. Posez un doigt sur votre cou ou votre poignet pour détecter votre pouls et tapez du pied au rythme de votre battement cardiaque pendant une minute. Ce test tout simple permet aux médecins de diagnostiquer plus de 90 pour 100 des FA (résultats confirmés par moniteur cardiaque). «Si votre cœur est irrégulier au point que vous ne pouvez pas taper du pied en rythme, détendez-vous une heure, puis réessayez, conseille le Dr Prystowsky. S’il reste erratique, parlez-en à votre médecin.»
Solution. Après avoir écouté votre cœur, votre omnipraticien ou votre cardiologue pourrait demander un électrocardiogramme qui fournira un bilan précis de votre activité cardiaque. Dans certains cas de FA, les fluidifiants du sang suffisent pour prévenir l’AVC; sinon, d’autres médicaments ou interventions doivent être envisagés pour stabiliser le rythme et le débit cardiaques.
4. Le diabète en six questions
Non traité correctement, le diabète double le risque de maladie cardiaque et raccourcit l’espérance de vie de 10 à 15 ans.
Les médecins omettent encore trop souvent de faire passer un test de dépistage du diabète à leurs patients à risque. Au Québec, près d’un diabétique sur trois ignore son état (soit 200000 personnes sur les 600000 qui en souffrent) et, lorsqu’il est diagnostiqué, cela fait en moyenne sept ans qu’il est atteint. Auteure d’une étude sur les prédiabétiques pour le compte des Centres de prévention d’Atlanta, Heejung Bang, de la faculté de médecine Weill Cornell, recommande le petit questionnaire suivant, qui permet de détecter 90 pour 100 des risques glycémiques majeurs.
Autoexamen. Encerclez vos réponses, puis additionnez les points correspondants.
1. Quel âge avez-vous? (moins de 40 ans: 0 point; 40-49 ans: 1; 50-59 ans: 2; 60 ou plus: 3)
2. Etes-vous une femme (0) ou un homme (1)?
3. Y a-t-il un ou des diabétiques dans votre famille (parents, frères, sœurs)? (non: 0; oui: 1)
4. Faites-vous de l’hypertension artérielle (même si elle est traitée)? (non: 0; oui: 1)
5. Avez-vous des kilos en trop? (poids normal: 0; surpoids: 1; obésité: 2; obésité grave: 3)
6. Pratiquez-vous une activité physique? (non: 0; oui: -1)
Solution. «A partir de 4 points, le prédiabète est probable, explique Heejung Bang. Un score de 5 points ou plus désigne un risque diabétique élevé. Demandez un test de glycémie à votre médecin!»
5. Des orteils aux artères
Les vaisseaux sanguins qui manquent de souplesse obligent le cœur à travailler plus fort.
Comme des ballons de baudruche, les vaisseaux sanguins devraient être flexibles et s’élargir ou se rétrécir selon les besoins de l’organisme. Mais le vieillissement, les kilos en trop, l’accumulation de plaques sur les parois artérielles, le manque d’activité physique et le diabète durcissent les artères et font augmenter la pression – et donc, le risque d’une crise cardiaque ou d’un AVC mortel.
Seul un équipement sophistiqué permet de mesurer avec précision la souplesse des vaisseaux sanguins. Il est cependant très simple d’en obtenir une bonne approximation. Une étude récente portant sur 526 hommes et femmes a démontré que les sujets les plus souples ont aussi les artères les plus flexibles (résultats confirmés par les ondes de pression).
Comme les muscles des hanches et du dos, les parois artérielles sont composées de cellules de muscle lisse et de tissu conjonctif, explique Kenta Yamamoto, chercheur au Centre des sciences de la santé de l’université North Texas de Fort Worth. Si le corps est raide, les artères aussi!
Les exercices d’assouplissement des grands muscles (par exemple, les étirements) peuvent par ailleurs apaiser l’activité nerveuse, qui détermine en partie la flexibilité des artères. Enfin, une étude récente constate une amélioration notable de la souplesse de la carotide (l’artère qui achemine le sang au cerveau) chez les adultes qui entreprennent un programme régulier d’étirements.
Autoexamen. Asseyez-vous par terre, les jambes tendues devant vous, les pieds pliés vers le plafond. Penchez-vous vers l’avant et essayez d’attraper vos orteils.
Solution. Trop raide? Vos artères pourraient l’être également. Surveillez votre tension artérielle! «Tout le monde devrait la prendre au moins une fois tous les deux ans», précise Kenta Yamamoto. Rappelez-vous que les exercices d’étirement assouplissent autant vos artères que vos muscles! ajoute-t-il.
6. Dépression: attention!
Problèmes cardiaques, pertes de mémoire… La dépression est aussi mauvaise pour la santé physique que pour le moral.
Les antidépresseurs abondent dans les pharmacies. Plusieurs vedettes ont évoqué publiquement leur combat contre la dépression: l’actrice Ashley Judd, l’astronaute Buzz Aldrin… On estime que 70 pour 100 des personnes souffrant de dépression ne sont pas soignés. La responsabilité en incombe partiellement aux médecins. Psychiatre et maître de conférences à l’université de Leicester, au Royaume-Uni, le Dr Alex Mitchell a analysé 41 études portant sur 50000 sujets de différents pays: 50 pour 100 des dépressifs n’avaient pas reçu de diagnostic en ce sens à leur visite chez le médecin! Or la dépression accroît le risque de diabète, de crise cardiaque et d’autres problèmes de santé chroniques – mais aussi de suicide.
Autoexamen. Déprime passagère ou risque avéré de dépression? La limite n’est pas toujours facile à tracer. Des chercheurs de l’université d’Auckland constatent toutefois que deux questions très simples ont suffi à des médecins généralistes de la Nouvelle-Zélande pour diagnostiquer correctement 97 pour 100 des cas de dépression chez 421 hommes et femmes. Certes, ce petit questionnaire n’est pas parfait: comme plusieurs autres tests de dépistage de la dépression, il surestime le nombre de cas. Il pourra néanmoins vous aider à aborder le sujet avec votre médecin traitant.
1. Au cours du mois dernier, vous êtes-vous souvent senti triste, déprimé, désespéré?
2. Sur cette même période, vous est-il souvent arrivé de n’éprouver aucun intérêt ni plaisir envers vos activités habituelles?
Solution. «Si vous avez répondu par l’affirmative à l’une au moins de ces questions, parlez-en à votre médecin, conseille Marian Stuart, psychologue et professeure émérite à l’université de médecine et de dentisterie du New Jersey. Heureusement, nous disposons maintenant d’un arsenal efficace contre le mal de vivre: psychothérapie, exercice physique, journal des bonheurs quotidiens et, si nécessaire, antidépresseurs. Mais tout d’abord, consultez votre médecin de famille: en principe, il connaît bien votre parcours et les grands jalons de votre vie.»
7. Funestes poignées d’amour
Les bourrelets à la taille réduisent l’espérance de vie – même pour les minces.
Les bedons rebondis signalent une présence importante de graisse viscérale. Se logeant au fond de l’abdomen, cette matière épaisse et jaune injecte dans le flux sanguin des acides gras, des hormones stimulatrices de l’appétit et diverses molécules favorisant l’inflammation. Selon une recherche récente portant sur 360000 personnes de neuf pays européens, les poignées d’amour aggravent le risque de décès prématuré de 79 pour 100 chez les femmes et de 100 pour 100 chez les hommes – et les sveltes ne sont pas à l’abri. La graisse abdominale serait particulièrement néfaste pour le cœur: une étude de la faculté de santé publique de Harvard portant sur 44636 femmes établit qu’elle triple le risque de crise cardiaque mortelle.
Pourtant, les médecins ne mesurent pas tous le tour de taille de leurs patients, surtout s’ils n’ont pas de problème de poids. Ils risquent ainsi de faire l’impasse sur les dangers de la graisse abdominale.
Autoexamen. Debout devant un miroir, le torse nu, entourez votre taille d’un ruban à mesurer. Abaissez-le jusqu’à ce qu’il repose sur le haut de vos hanches, le point de mesure recommandé par les Instituts de la santé des Etats-Unis. Ne retenez pas votre souffle et ne serrez pas le ruban. Notez votre tour de taille.
Solution. Pour les hommes, la probabilité diabétique et cardiaque commence à augmenter à partir de 94 cm; à plus de 102 cm, vous êtes vraiment à risque. Pour les femmes, ces seuils s’élèvent à 81 cm et 89 cm, respectivement. Comment se débarrasser de la graisse abdominale? Bougez et mangez à la méditerranéenne: fruits et légumes, produits céréaliers, poisson et gras mono-insaturés provenant de l’huile d’olive ou des noix. La bonne nouvelle? Se métabolisant plus rapidement que celle des hanches et du reste du corps, la graisse viscérale s’éclipse relativement vite quand on mincit.