Liste des ingrédients de parfums qui pourraient bientôt être bannis pour des raisons de santé
L’arôme riche et terreux de la mousse de chêne en a fait l’un des ingrédients les plus prisés des parfumeurs : l’huile essentielle extraite de cette mousse a en effet longtemps été utilisée par certains fabricants de parfums comme note de fond et fixateur. Mais une interdiction préconisée par la Commission européenne compte bientôt bannir cet ingrédient des parfums.
La mousse de chêne est une forme de lichen que l’on trouve en Amérique du Nord et en Europe ; elle pousse sur le tronc et les branches des chênes, et est entrée dans la composition de fragrances aussi mythiques que No.5 de Chanel, Miss Dior et Mitsouko. Les coupables sont deux molécules présentes dans la mousse de chêne et la mousse des arbres – l’atranol et le chloroatranol – qui pourraient causer une réaction allergique de la peau appelée dermatite chez un à trois pour cent de la population européenne présentant des allergies aux parfums.
« Considérant le risque pour la santé, nous suivrons les recommandations des experts scientifiques indépendants », a déclaré David Hudson, porte-parole bruxellois de la politique des consommateurs à la Commission européenne. L’interdiction doit prendre effet au cours des premiers mois de 2015.
Neuf autres substances naturelles couramment utilisées dans les parfums de luxe sont également sous la loupe des autorités régulatrices de l’industrie, en raison de leur caractère potentiellement allergène. Parmi ces substances, l’isoeugénol (présent dans l’ylang-ylang) et l’eugénol (présent dans la cannelle). Le linalol, que l’on retrouve dans la lavande, ainsi que les dérivés d’agrumes comme la bergamote sont également sur la sellette.
« Les matières premières issues des agrumes qui contiennent l’une de ces neuf substances, ou qui ont un effet oxydant sur la peau, sont considérées comme des allergènes potentiels », a annoncé Stephen Weller, directeur des communications à Bruxelles de l’Association internationale des fabricants de parfums (IFRA), qui représente l’industrie de la parfumerie à travers le monde.
Selon Mr Weller, l’Union européenne envisage de mener des études plus approfondies afin de mettre au point une méthode convenue pour évaluer le potentiel allergène des ingrédients de parfumerie, dans le respect des standards de l’IFRA, plutôt que de les interdire purement et simplement.
Le fait de bannir ces ingrédients des parfums menace-t-il l’avenir de la parfumerie?
Selon les experts, même si ces ingrédients sont bannis de nos parfums préférés, on ne devrait pas s’inquiéter outre mesure. « Plus ça change, plus c’est pareil », observent certains membres de l’industrie, soulignant que les composants des parfums ont toujours fait l’objet d’une constante évolution.
François Duquesne, co-fondateur et directeur général de la société web Fragrance Republic, estime que les senteurs reconstituées ont tendance à être « étonnement semblables » aux originales. « Les parfumeurs ont toujours dû mettre à jour leurs formules pour les adapter à de nouvelles restrictions, ou pour les faire évoluer avec les préférences des consommateurs », rappelle Duquesne, qui mène ses activités entre Paris et New York.
« C’est une contrainte normale au sein de notre industrie. » Les parfumeurs peuvent utiliser une version moléculairement modifiée de l’ingrédient, lui substituer une version synthétique, ou encore opter pour une substance naturelle alternative comme le patchouli. Toutefois, même une infime modification dans la formule d’une senteur peut déclencher une salve d’émotions parmi les passionnés de parfums. « Une femme qui porte la même fragrance depuis des années est la mieux placée pour en déceler les changements, car elle en est la meilleure experte », souligne la Canadienne Denyse Beaulieu, auteure et spécialiste des parfums vivant à Paris.
Selon Beaulieu, la rumeur veut que des lettres de protestation aient été envoyées au parfumeur Guerlain à propos de Shalimar, la célèbre fragrance orientale créée en 1925. Shalimar a en effet opéré plusieurs changements de formules, en particulier depuis les années 1990, lorsque les standards de l’IFRA sont devenus plus stricts.
Un consommateur peut avoir l’impression que l’identité de la formule est bouleversée lorsque les ingrédients changent. D’après Marian Bendeth, expert mondiale en parfums et propriétaire de la société de conseil Sixth Scents, « les fabricants de senteurs et de saveurs affirment qu’ils peuvent créer un arôme chimique imitant la mousse de chêne, mais sa profondeur, sa texture et sa persistance n’ont rien à voir avec celles de l’huile naturelle. »
La mousse de chêne est l’un des composants essentiels de la famille des parfums aux accords chyprés, dit-elle. Le patchouli, qui est désormais inclus dans les plus récents parfums chyprés, possède des caractéristiques très différentes. « C’est la mousse de chêne qui donne toute leur suavité aux accords chyprés. »
Tout changement apporté à des parfums légendaires provoquera inévitablement le débat. Quant au futur de la parfumerie, avec toutes les innovations nécessaires à la création de nouveaux ingrédients, on peut imaginer que le « prochain » nouveau flacon est déjà là, quelque part… prêt à vous surprendre et à vous envoûter.