Vaincre la douleur et l’inflammation chronique
Cancer, cardiopathie, démence et diabète sont quatre maladies que nous redoutons. La science soupçonne depuis des années que, comme bien d’autres encore, ces pathologies ont un déclencheur commun: l’inflammation chronique.
En 2017, des chercheurs de Boston ont présenté les résultats d’un essai clinique portant sur plus de 10 000 patients (âge moyen: 61 ans) issus de 39 pays. Ils souhaitaient savoir si le canakinumab, un médicament préconisé dans certaines affections inflammatoires rares, abaissait le risque de maladie cardiaque. C’était bien le cas, mais ils ont aussi constaté que ce médicament semblait avoir un impact sur la mortalité par cancer du poumon et que les cas de goutte et d’arthrite (deux maladies d’origine inflammatoire) étaient moins nombreux. Bien entendu, il ne s’agit pas de proposer un traitement en routine au canakinumab ni tout autre médicament anti-inflammatoire à tout le monde. Mais comprendre ce qu’est l’inflammation pour différencier l’utile de la dangereuse, et combattre cette dernière avec des méthodes naturelles, est un bon moyen de protéger sa santé.
«L’inflammation aide l’organisme à se défendre contre toutes les formes d’agressions – maladie infectieuse, cancer, traumatisme –, explique Aleth Perdriger, professeur de rhumatologie au CHU de Rennes, en France. Elle permet d’éliminer les agresseurs et de réparer les tissus lésés.»
Quand vous êtes grippé, la fièvre monte afin de combattre le virus; c’est une inflammation aiguë. Même chose si votre cheville foulée enfle et devient rouge. Il s’agit d’une réaction temporaire et utile pour traiter la maladie ou la lésion. Elle fournit au corps les substances chimiques et les nutriments qui lui permettront de guérir. Une fois le danger passé, l’inflammation disparaît.
Les deux facettes de l’inflammation
Si l’inflammation aiguë est là pour réparer notre corps, l’inflammation chronique, permanente, est délétère. «À long terme, une inflammation chronique peut augmenter le risque de cancer», rappelle Carole Bourquin, spécialiste d’immunopharmacologie du cancer et professeure à l’université de Genève (Unige). Ainsi, les patients souffrant de maladies inflammatoires de l’intestin comme la maladie de Crohn ont un risque nettement accru de cancer colorectal. Autrement dit, l’inflammation est à la fois bonne et mauvaise.
Paradoxalement, l’inflammation favorise le cancer, mais les récentes recherches en cancérologie tendent à stimuler certains mécanismes inflammatoires pour mieux lutter contre les tumeurs. «Depuis 2011, les premières immunothérapies ont permis de soigner et même de guérir certains cancers pour lesquels nous n’avions plus aucune option thérapeutique», ajoute la Pre Bourquin. Les chercheurs ont compris que ces immunothérapies étaient d’autant plus efficaces que la tumeur était plus enflammée. «Dans notre laboratoire, nous cherchons à stimuler l’inflammation dans la tumeur pour que les patients répondent mieux aux immunothérapies.»
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Quand le mécanisme s’enraie
Quand une cellule va mal, elle sécrète des molécules qui alertent le système immunitaire. C’est ce qui se passe en cas d’accident ou de maladie. Des globules blancs envahissent alors la zone et détruisent les bactéries, virus, cellules agonisantes et autres débris produits par l’infection ou la blessure. Si les dégâts sont trop importants, ils appellent à l’aide d’autres cellules combattantes, les neutrophiles, qui agissent à la façon d’une grenade, faisant exploser tout ce qu’il y a autour d’elles, que ce soit sain ou non. C’est l’inflammation aiguë.
Un neutrophile ne vit pas très longtemps, mais quand l’inflammation est chronique, ses semblables continuent d’affluer longtemps après la dissipation de la menace initiale, lésant les tissus sains. L’inflammation peut ainsi attaquer les parois artérielles ou intestinales, les cellules du foie et du cerveau, le tissu musculaire et les articulations.
Voilà pourquoi on soupçonne l’inflammation chronique de favoriser le diabète, le cancer, la démence, les maladies cardiaques, l’arthrite et la dépression.
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Les causes de l’inflammation chronique
Elles sont nombreuses. Des infections comme l’hépatite C ou la maladie de Lyme provoquent dans l’organisme un état inflammatoire durable. Souvent, c’est cette inflammation et non le virus qui, à long terme, cause le gros des dommages.
La génétique joue également un rôle. D’une part, l’inflammation risque d’activer des gènes impliqués dans l’apparition de maladies à composante génétique comme le diabète et le cancer. D’autre part, certains gènes entraînent un dysfonctionnement immunitaire favorisant les phénomènes inflammatoires et donc des maladies comme la polyarthrite rhumatoïde, la sclérose en plaques ou encore un lupus.
L’environnement compte aussi: la pollution, la qualité de l’eau et de l’air, les allergènes et bien d’autres facteurs sont susceptibles de déclencher et d’entretenir une réaction inflammatoire. Sans oublier le mode de vie: l’obésité, le stress, le tabagisme, la consommation excessive d’alcool, la sédentarité, un mauvais sommeil et, bien entendu, une piètre alimentation.
Plus on vieillit, plus l’exposition cumulée à ces facteurs devient dangereuse. En outre, le corps a plus de mal à maîtriser ses réactions inflammatoires et à extraire les nutriments essentiels des aliments.
Quelques facteurs aggravants
La graisse abdominale. Avoir du ventre signifie que nos viscères sont entourés de graisse. Chaque jour, ces cellules adipeuses sécrètent des substances inflammatoires, comme les interleukines. Les cellules adipeuses sont aussi pleines à craquer de triglycérides; elles éclatent donc très facilement. Toute rupture provoque une réaction inflammatoire, car le système immunitaire lance alors des globules blancs à l’assaut de la zone touchée.
Le stress chronique. Si vous résistez mal au stress, votre corps sécrète plus de cortisol et d’adrénaline, ce qui entretient les phénomènes inflammatoires. Les patients atteints de maladies auto-immunes comme le psoriasis le savent bien: ils ont plus de poussées en période de grand stress. On a pu montrer que les techniques comme la méditation ou la prière, qui diminuent le stress, abaissent certains marqueurs de l’inflammation et réduisent les symptômes des victimes de troubles inflammatoires chroniques.
La sédentarité. Il n’est pas nécessaire d’être un grand sportif pour diminuer l’inflammation. Une étude de l’université de Californie a déterminé que 20 minutes d’effort modéré suffisent à l’apaiser. Une équipe de chercheurs irlandais a récemment mis en évidence que l’activité physique régulière avait un effet bénéfique sur la composition de notre flore intestinale; en favorisant les bonnes bactéries, elle réduit les phénomènes inflammatoires et la porosité de la muqueuse de l’intestin.
Même si vous n’êtes pas sportif, vous pouvez vous y mettre. Pour commencer, choisissez une activité que vous pouvez pratiquer pendant cinq minutes par jour. La semaine suivante, passez à sept minutes. Ça peut se résumer à marcher d’un bon pas. «L’idéal, c’est de se faire accompagner par un physiothérapeute qui pourra adapter le programme d’exercice à chaque patient», suggère la Dre Catherine Lacrosnière, nutritionniste à Paris et auteure de plusieurs ouvrages sur l’alimentation anti-inflammatoire.
Mal dormir. S’il y a un aspect de votre mode de vie que vous devez améliorer en priorité, c’est le sommeil, sa durée et sa qualité. En outre, quand on dort bien, on a tendance à mieux s’alimenter et à avoir plus de volonté pour faire de l’exercice. C’est un cercle vertueux.
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Le rôle capital de l’alimentation
Les aliments riches en sucre ou en acides gras saturés mais pauvres en fibres sont les plus inflammatoires de tous, car ils nourrissent les mauvaises bactéries de notre système digestif. En pratique, nos intestins sont peuplés de milliards de bactéries, les unes sont bénéfiques et les autres néfastes. Quand notre alimentation est équilibrée, la flore intestinale l’est aussi. Mais si notre alimentation comporte trop d’aliments industriels, de sucre ou de gras, les mauvaises bactéries prolifèrent. La barrière intestinale qui empêche les micro-organismes de se faufiler dans les autres parties du corps risque alors de devenir perméable et de laisser des particules passer dans la circulation sanguine.
On parle d’«hyperperméabilité intestinale». Le système immunitaire attaque ces intrus, mais comme la paroi intestinale fuit constamment, l’envahisseur est toujours là, et l’inflammation devient chronique. Pour la Dre Lacrosnière, «le plus délétère est la consommation excessive de produits sucrés». Ils entraînent une réaction chimique entre les glucides et les protéines, la «glycation», et la formation de toxines qui s’accumulent dans les cellules et entretiennent l’inflammation.
Les viandes rouges et les charcuteries sont également inflammatoires. Ne les bannissez pas de votre alimentation, notamment avec l’âge, afin d’ingérer suffisamment de protéines pour ne pas perdre trop de masse musculaire. Mais il convient de bien équilibrer entre viandes, œufs, poissons et protéines végétales – fruits à coque, graines, légumineuses, céréales.
Les aliments riches en fibres comme les céréales entières, les fruits et les légumes contribuent à rééquilibrer la flore intestinale. Ils nourrissent nos bons microbes. On a aujourd’hui beaucoup de preuves de l’action bénéfique d’un régime riche en fibres sur le microbiote et la baisse de l’inflammation.
Peut-on mesurer et traiter l’inflammation?
L’ennui, c’est que le niveau de l’inflammation fluctue. Deux tests, l’un à 8h, l’autre à 20h, seront différents. Et puis, des maladies sans danger comme le rhume font bondir les marqueurs de l’inflammation.
Si vous souffrez d’une maladie cardiaque, par exemple, votre médecin pourra vous prescrire un dosage de la protéine C réactive (CRP), marqueur inflammatoire associé aux troubles cardiaques. Mais vouloir mesurer l’inflammation sans autre symptôme risque d’infliger au patient un tas d’examens inutiles. Au lieu de chercher à cerner le concept nébuleux d’inflammation chronique, mieux vaut travailler avec son médecin à identifier des symptômes assez précis pour diagnostiquer un éventuel trouble inflammatoire.
À partir d’un certain âge, l’inflammation devient inévitable. L’important, c’est de ne pas laisser ces braises allumer un incendie. Si vous êtes fumeur, buveur, que vous avez beaucoup de kilos en trop, ne faites jamais d’exercice, mangez mal ou êtes toujours stressé, cette inflammation chronique présente tous les risques d’être élevée. Si au contraire vous êtes mince, en bonne santé, que vous menez une vie équilibrée, vous faites vacciner et vous lavez les mains régulièrement (les infections déclenchent de l’inflammation), votre niveau inflammatoire est sans doute assez faible.
Le mode de vie est le facteur de risque que vous pouvez modifier le plus rapidement et le seul dont vous soyez vraiment maître. Vous vous dites peut-être que ce ne sera pas drôle de faire de l’exercice et d’améliorer votre alimentation, mais la chirurgie cardiaque l’est encore moins. Et n’est-il pas plus facile de combattre un ennemi – l’inflammation – que d’affronter des dizaines de menaces à la fois?
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Les mauvais aliments
Quels aliments favorisent l’inflammation?
- Le pain blanc: un régime pauvre en fibres favorise les mauvaises bactéries du système digestif et accroît la perméabilité de l’intestin, qui risque de laisser des toxines passer dans le sang.
- Les sucreries: la plupart des aliments de l’industrie, surtout les desserts, sont pauvres en fibres, riches en sucre, pleins de produits chimiques mauvais pour l’intestin. Moins vous en mangez, mieux vous vous porterez.
- La friture: une cuisson à haute température (viande ou pâte – beignets, frites, poulet frit, par exemple) donne naissance à des produits toxiques et pro-inflammatoires (produits terminaux de «glycation»).
- Les vinaigrettes commerciales: sur l’étiquette de votre vinaigrette préférée, vous trouverez sans doute beaucoup de graisses, de sel et de sucre. Faites plutôt des sauces maison avec de l’huile d’olive, du jus de citron ou du vinaigre et des épices.
Les bons aliments
Quels aliments apaisent l’inflammation?
- Le pain complet: en digérant les fibres des céréales entières, l’organisme synthétise du butyrate, un acide gras aux propriétés anti-inflammatoires qui contre la dégénérescence neurologique.
- Les fruits et le yogourt: certains fruits frais, légumes et légumineuses contiennent des polyphénols, substances végétales antioxydantes qui pallient les dommages cellulaires de l’inflammation. Par exemple, le resvératrol (vin, raisin) et les catéchines (thé, pommes, baies). De nombreuses herbes aromatiques et épices sont également bénéfiques, dit la Dre Lacrosnière.
- Les yogourts contiennent de bonnes bactéries dites probiotiques qui empêchent les mauvaises de proliférer dans l’intestin.
- Les bonnes graisses: les matières grasses monoinsaturées (huile d’olive, avocat, noix) réduisent le risque de maladie cardiaque, et les graisses polyinsaturées (poisson, colza, lin) contiennent un mélange d’acides oméga 6 et oméga 3 qui combat l’inflammation.
- Les grosses salades multicolores: fruits et légumes contiennent vitamines et minéraux qui préviennent le stress oxydant et combattent donc l’inflammation.
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