Malnutrition: les antécédents médicaux de la patiente
La patiente: Linda*, aide-comptable à la retraite, 67 ans
Les symptômes: chutes de tension artérielle, trous de mémoire, difficulté à marcher
Le médecin: Pavida Pachariyanon, résidente en médecine interne au centre des sciences de la santé de l’université Texas Tech à Lubbock (États-Unis).
*Les détails biographiques ont été mofifiés.
Depuis la fin de la cinquantaine, Linda fréquente la clinique oncologique du centre des sciences de la santé de l’université Texas Tech, car elle souffre du syndrome de Lynch, maladie héréditaire rare qui favorise l’apparition de certaines tumeurs. Elle a déjà survécu à deux cancers, l’un de l’endomètre, l’autre du côlon. Elle vit avec sa fille adulte Tammy, qui l’accompagne à chaque rendez-vous et tient un registre méticuleux des soins prodigués à sa mère.
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Changement brutal
Vers le mois de mars 2018, Tammy constate un changement inquiétant chez sa mère. Linda a de fréquentes nausées, ses jambes sont enflées, elle trébuche et, si on ne la retient pas, tombe facilement en marchant. Elle a également du mal à se rappeler certaines choses comme l’histoire qu’elle vient juste de regarder à la télévision.
Au cours des deux mois suivants, Linda connaît des chutes de tension et des étourdissements. Chaque fois, Tammy l’amène au centre où elle est suivie. On lui administre des fluides par voie intraveineuse et des médicaments pour contracter ses vaisseaux sanguins. «Sa tension remontait en 5 à 10 minutes, ce qui n’est pas très long, raconte Pavida Pachariyanon, à l’époque résidente en médecine interne au centre. Mais la cause nous échappait.» Chaque fois, Linda quitte l’hôpital sans en savoir davantage.
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Tension basse et palpitations cardiaques
Deux jours après un nouvel incident, mère et fille se présentent à la clinique oncologique pour le rendez-vous habituel. Tammy décrit les événements qui les ont bouleversées. On prend la tension de Linda; elle est trop basse et s’accompagne de palpitations cardiaques. Linda est admise aux soins intensifs. La Dre Pachariyanon se souvient que la femme n’avait pas envie de rester, mais voulait désespérément aller mieux.
Après voir rétabli la tension de Linda, les médecins lui prescrivent un antibiotique à large spectre au cas où elle aurait une infection généralisée. «Il fallait parer au plus probable, explique Pavida Pachariyanon et, au vu des symptômes, ça pouvait être un choc septique.» Un échocardiogramme révèle une insuffisance cardiaque droite, signe qu’il se passe quelque chose de grave. Mais l’antibiotique n’a aucun effet.
Les médecins ne s’expliquent pas non plus les trous de mémoire. «Nous ne pouvions pas lui faire subir un examen neurologique à son arrivée», précise la médecin. Linda est trop confuse et hébétée pour répondre à des questions et suivre des instructions. Le test devra attendre qu’elle soit plus alerte.
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De mystérieux résultats
Quand il a eu enfin lieu, les résultats sont curieux. Non seulement Linda a-t-elle du mal à coordonner les muscles de la marche, un trouble appelé ataxie, mais quand elle essaie de regarder vers le haut ou le bas, ses pupilles bougent à peine.
L’ensemble des signes et symptômes étonne. Il faut approfondir le cas. Pavida Pachariyanon et un résident en neurologie passent en revue tous les diagnostics possibles. Il y en a un qui leur semble très vraisemblable – une carence en thiamine (vitamine B1).
En général, c’est une carence causée par la malnutrition. «Ce n’est pas courant dans les pays développés. C’était presque la dernière chose dont elle pouvait souffrir», avoue la médecin. Peu d’hôpitaux font le test automatiquement, sauf en cas d’alcoolisme, car l’organisme, qui utilise alors les nutriments pour métaboliser l’alcool, peut facilement devenir carencé.
Les autres symptômes concordent en tout cas avec le diagnostic. L’ataxie, les anomalies du mouvement oculaire, la confusion – appelée encéphalopathie de Wernicke –, l’hypotension et l’insuffisance cardiaque droite font partie des symptômes de la carence en thiamine. Si c’est bien de cela que souffre Linda, son cas devient encore plus urgent: l’encéphalopathie tue une fois sur cinq parce que le traitement a tardé.
L’explication
Après en avoir discuté avec son superviseur, le Dr Kenneth Nugent, qui a fait des recherches sur la carence en thiamine chez les patients en état critique, Pavida Pachariyanon reste sur la même piste. Linda ne boit pas beaucoup d’alcool, mais son dossier médical fait bien état de plusieurs interventions à cause d’un cancer du côlon, et cela peut avoir affecté l’absorption des nutriments.
La médecin fait administrer à sa patiente une forte dose de thiamine par voie intraveineuse et contrôler ses niveaux de vitamines. Celui de la B1 est si bas qu’on n’arrive pas à le détecter. Le corps ne stocke pas beaucoup la vitamine B1; il épuise sa réserve en quatre à six semaines.
Après, certains neurones cérébraux subissent des lésions parfois irréversibles qui causent des troubles permanents de la mémoire.
Retour à un rythme de vie régulier
Dans les 48 heures suivant le début de la perfusion, les résultats du test redeviennent normaux. Au grand soulagement de Tammy, la confusion diminue. Une semaine plus tard, Linda est de retour chez elle. «Sa famille était ravie», se réjouit la Dre Pachariyanon.
Linda prend à présent une forte dose de thiamine ainsi qu’une multivitamine tous les jours. Pour sa part, Pavida Pachariyanon est plus consciente qu’avant de la rapidité avec laquelle un trouble nutritionnel peut menacer la vie d’un patient et sait que, même dans les sociétés avancées, les médecins ne devraient jamais exclure la malnutrition. «On ne pense pas beaucoup à la carence en thiamine, observe-t-elle. La vérification systématique n’est pas de règle.» Elle est très heureuse que le diagnostic ait été fait à temps pour sauver la vie de Linda.
N’hésitez pas à consommer des lentilles! Elles contiennent de la thiamine et font partie des aliments qui dynamisent votre cerveau.