Maladie cardiaque ou anxiété?
Un soir de septembre 2015, Karen Narraway, une infirmière de Pickering, en Ontario, a un malaise au moment de se coucher. Son cœur bat très vite, et elle éprouve une douleur inhabituelle le long du bras gauche. Âgée alors de 52 ans, Karen élève seule ses jumeaux et travaille en santé publique. Elle adore son métier, mais n’a jamais le temps de souffler. «J’ai pensé que j’étais stressée», se souvient-elle.
Elle fait du yoga pendant quelques semaines mais, devant la persistance des symptômes, elle obtient une consultation en cardiologie. Après seulement huit minutes de tapis roulant, son rythme cardiaque bondit de nouveau, mais l’électrocardiogramme (ECG) n’indique rien d’anormal.
Mince, suivant un régime alimentaire équilibré et ne fumant pas, Karen accepte sans sourciller l’explication du cardiologue qui attribue son pouls rapide à l’anxiété. «Je n’avais pas l’impression de souffrir d’anxiété, mais j’étais soulagée d’avoir une réponse.»
Quelques mois plus tard, Karen commence à éprouver une gêne à la poitrine. Aux urgences, on l’attribue encore à l’anxiété.
Vous avez une douleur dans la poitrine? Apprenez à faire la différence entre une crise cardiaque et crise d’angoisse.
Nouvel examen pour un meilleur diagnostic
Début 2017, devant l’intensification de la douleur à la poitrine pendant une marche rapide, sa sœur la force à repasser un examen. Cette fois, l’angiogramme révèle six blocages importants qui n’avaient pas été détectés. (L’ECG ne cerne un problème que dans 60 à 70% des cas, surtout en début de maladie.) En pratiquant la radiographie des vaisseaux du cœur de Karen, le spécialiste lui souffle: «Désolé, mais nous ne nous attendions pas du tout à cela.» «Ça m’a fait drôlement peur», avoue-t-elle.
Quelques jours plus tard, elle subit un quadruple pontage. Sans cette chirurgie, elle aurait pu être emportée par une crise cardiaque foudroyante.
Afin d’optimiser le diagnostic, évitez de dire l’un de ces mensonges fréquents à votre médecin.
Les défis du diagnostic
Plus de 63 000 Canadiens sont victimes tous les ans d’une crise cardiaque, généralement causée par l’obstruction d’un vaisseau sanguin qui irrigue le cœur – en raison de plaques de cholestérol déposées sur les parois des artères ou d’un bouchon dû à un gros caillot sanguin. Quand cela se produit, il faut intervenir rapidement.
«L’identification précoce des symptômes améliore les chances de survie», précise le Dr Shamir Mehta, cardiologue au Hamilton Health Sciences, en Ontario. Heart Innovation, un programme de recherche de l’université Brock, estime que 90% des individus ayant souffert d’un infarctus avaient été alertés par différents symptômes au cours des jours, des semaines ou des mois précédents.
Assurez-vous de reconnaître les signes que vous risquez de faire une crise cardiaque.
Les femmes ont des symptômes plus variés que les hommes
Une recherche menée par la Yale School of Public Health s’est penchée récemment sur la différence entre les sexes en observant 3000 personnes de moins de 55 ans hospitalisées pour un infarctus. Conclusion, les femmes ont des symptômes plus variés que les hommes – pas seulement une douleur thoracique, mais aussi des nausées et un inconfort au niveau des mâchoires. Cela expliquerait entre autres que l’infarctus soit plus souvent mal diagnostiqué chez elles – selon une étude conjointe menée en 2016 au Royaume-Uni et en Suède, ce taux serait supérieur de 50% à celui des hommes.
On vous dévoile les secrets des pays au plus faible taux de crises cardiaques.
Description différente des symptômes
«Les hommes et les femmes communiquent différemment, fait remarquer la Dre Sharon Mulvagh, codirectrice du Women’s Heart Health Clinic d’Halifax. Quand on les interroge, les hommes répondent en une phrase ou deux.» Les femmes décrivent plutôt ce qu’elles ressentent de façon détaillée, ce que les professionnels de la santé attribuent parfois à tort à de l’anxiété.
Les femmes elles-mêmes ont deux fois plus tendance à croire que le stress est à l’origine de leurs symptômes, selon l’étude de Yale. Elles repoussent le moment d’y voir, mettant ainsi leurs propres besoins entre parenthèses.
«Si vous avez l’impression que quelque chose ne va pas ou que vous êtes mal dans votre peau, consultez un médecin, insiste Cindy Yip, de la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC du Canada. Écoutez votre corps: les signes précurseurs sont sans doute bien présents et vous pouvez agir rapidement.»
Parfois méconnue ou négligée, voici comment mieux comprendre (et respecter) la douleur chez les femmes.
Voici 11 messages d’alerte que pourrait vous envoyer votre corps:
Sensation d’oppression dans la poitrine
L’angine est un symptôme qui apparaît quand le cœur est privé de sang en raison du blocage d’une artère. La sensation va et vient selon l’effort ou le repos. Rarement une douleur aiguë, c’est plutôt une sensation de contraction, d’oppression ou de lourdeur.
Les femmes éprouvent aussi cette sensation, contrairement à ce que prétend un mythe tenace. Les chercheurs savent aujourd’hui que 90% des hommes et des femmes ressentent, à des degrés divers, une sensation d’oppression dans la poitrine. L’école de santé publique de l’université Harvard a montré que si les hommes évoquent plus souvent une «douleur thoracique», les femmes préfèrent parler d’un «inconfort» ou d’une «lourdeur» pour des sensations similaires.
Par ailleurs, les diabétiques qui souffrent d’atteinte nerveuse peuvent ne pas éprouver une douleur thoracique lors d’une crise cardiaque. «Ça se limite à un malaise qui les force à s’allonger, alors qu’en réalité c’est le cœur», explique le Dr Mehta.
Douleur au bras
Un inconfort dans un bras, surtout le gauche, mais parfois les deux, est un autre symptôme courant. Cela part de la région thoracique, explique la Dre Mulvagh. «Les fibres nerveuses associées à la douleur sont très primitives; les signaux sont parfois transmis à d’autres régions du corps.» Le patient ressentira plutôt une douleur sourde dans le bras, pas une douleur vive, comme pour un nerf coincé, par exemple. Elle peut s’accompagner d’une lourdeur avec des picotements dans les doigts.
Prenez garde à ces infections courantes qui augmentent le risque de crise cardiaque.
Douleur au haut du corps
La douleur qui accompagne une crise cardiaque peut s’étendre au cou, à la partie supérieure du dos et même dans les épaules. Certains éprouvent un malaise à la mâchoire ou à la gorge, souvent du seul côté gauche. Comme l’angine, la douleur peut s’aggraver à l’effort et disparaître au repos.
Indigestion
On parle de sensations de brûlure au ventre, souvent attribuées à tort à une indigestion. «Les jeunes en particulier, croyant qu’il s’agit de reflux gastro-œsophagien, prendront un antiacide pour calmer la douleur», déplore le Dr Mehta. Celle-ci peut être ressentie dans la partie supérieure de l’abdomen; des patients qui font un infarctus arrivent aux urgences en se plaignant d’un mal d’estomac.
Certains remèdes naturels peuvent vous soulager. Renseignez-vous sur les plantes médicinales à cultiver à la maison.
Sueurs
Une transpiration abondante, la peau moite ou des sueurs froides sont d’autres symptômes courants, dit le Dr Rob Grierson, directeur médical du service ambulancier des pompiers de Winnipeg: «Si vous éprouvez un malaise et pensez qu’il s’agit de brûlures d’estomac ou d’un claquage musculaire et que, subitement, sans raison, vous vous mettez à transpirer, c’est que tous les voyants sont au rouge.» La transpiration déclenchée par le système nerveux sympathique peut être abondante et sans rapport avec un effort physique quelconque.
Essoufflement
Un cœur qui peine à acheminer l’oxygène peut entraîner un essoufflement, surtout pendant une activité physique. Mais si c’est inattendu, c’est peut-être un signe de souffrance cardiaque, fait remarquer Cindy Yip: «C’est vous qui connaissez votre corps. Si vous pouvez courir 10 kilomètres sans être essoufflé et que, du jour au lendemain, vous êtes incapable d’en courir 5, c’est différent de quelqu’un qui ne court jamais.»
Fatigue
Nous éprouvons tous, à l’occasion, de la fatigue, mais la fatigue liée à une crise cardiaque tend à drainer toute l’énergie. «Les patients évoquent une fatigue ou une faiblesse qui apparaît soudain et sans raison», explique le Dr Grierson. Si elle ne s’accompagne pas d’autres symptômes, comme un essoufflement, il est moins probable qu’elle soit causée par une crise cardiaque.
Mais se fatiguer trop vite à l’effort est un signe avant-coureur de problèmes cardiaques – une enquête a révélé que quelques semaines avant leur crise cardiaque, des patients avaient du mal à faire leur lit sans être épuisés.
Nausées et vomissements
On s’étonne souvent qu’une crise cardiaque déclenche des problèmes gastriques. Certains patients vont en effet vomir abondamment. C’est un autre symptôme qui prête à confusion, insiste le Dr Grierson. Dans bien des cas, le médecin devra demander des analyses et des examens pour départager l’infarctus de la grippe. Il est donc essentiel d’avoir une bonne évaluation.
Anxiété
La peur, la panique ou le sentiment d’une catastrophe imminente font partie des symptômes de crise cardiaque, comme si l’on sentait inconsciemment ces transformations qui s’opèrent dans l’organisme, alors que le système nerveux sympathique est mobilisé et que la pression artérielle et le rythme cardiaque sont touchés. Une vraie crise de panique ne dure en général pas plus de 20 minutes, observe la Dre Mulvagh. Avec la crise cardiaque, le sentiment de catastrophe imminente ne se dissipe pas.»
Pensez à éviter à ces choses du quotidien qui peuvent déclencher l’anxiété.
Vertiges et étourdissements
Quand les vaisseaux sanguins se dilatent en réaction à un problème cardiaque, la pression artérielle peut chuter. De même que, si le cœur atteint a du mal à pomper le sang, l’oxygène se rendra moins bien au cerveau. Un vertige ou un étourdissement s’accompagne le plus souvent d’autres symptômes en cas de crise cardiaque. Quand la Fondation des maladies du cœur et de l’AVC a signalé en 2018 que 78% des femmes ne reconnaissaient pas les symptômes précurseurs subtils d’une crise cardiaque imminente, les vertiges en faisaient partie.
Voici 14 facteurs de risques d’AVC que vous pouvez contrôler, et 5 que vous ne pouvez pas.
Palpitations
Quand le cœur s’arrête brièvement de battre, il n’y a en général pas lieu de s’inquiéter, à condition qu’il n’y ait pas d’autres symptômes. Les palpitations liées à une crise cardiaque ont tendance à être continues. L’accélération du pouls est un phénomène normal. La fréquence cardiaque au repos (FCR) se situe entre 60 et 100 palpitations/minute selon l’individu. Mais un article paru en 2019 dans Open Heart associait une FCR supérieure à 75 chez l’homme de plus de 40 ans à un risque de maladie cardiaque plus élevé sur une période de 11 ans et à la multiplication par deux de la mortalité. La FCR de Karen Narraway était supérieure à 110 quand elle l’a mesurée la première fois. «Mon cœur battait à tout rompre», se souvient-elle.
Depuis son quadruple pontage, certains vaisseaux de Karen Narraway se sont bloqués, mais ils étaient trop fins pour qu’une intervention soit envisageable. Bien que les médicaments ralentissent l’évolution de sa maladie cardiaque, elle aurait préféré bénéficier d’un traitement dès l’apparition des premiers symptômes. «J’étais en colère qu’on ait mis autant de temps à comprendre ce qui m’arrivait», avoue-t-elle, avant de lancer ce conseil à ceux qui éprouvent des symptômes inhabituels: «Faites-vous confiance quand votre corps vous alerte – soyez tenace et trouvez quelqu’un qui pourra vous aider.»
Faites attention à ces signes que vos palpitations cardiaques sont inquiétantes.
Votre cœur vous parle, soyez à l’écoute
Les symptômes se manifestent par intermittence dans les heures, les jours ou les semaines qui précèdent une crise cardiaque. N’allez pas croire que tout va bien parce qu’il ne s’est rien passé immédiatement. «Certaines personnes ont des symptômes en pointillé si le blocage dans l’artère se dégage par moments», explique le Dr Shamir Mehta.
Selon une étude de l’université de l’Illinois publiée en 2019, quand une crise cardiaque se déclare graduellement plutôt que soudainement, les gens attendent environ cinq heures et demie de plus avant d’appeler les secours. C’est dangereux; ce délai peut vous coûter la vie.
Vous pensez être victime d’une crise cardiaque?
Renoncez à toute forme d’autoévaluation. Si vous avez déjà subi une crise cardiaque, la suivante peut se manifester autrement. «Les symptômes seuls ne permettent pas de formuler un diagnostic», prévient la Dre Sharon Mulvagh. Seul un ECG et des analyses sanguines pourront expliquer ce qui se passe.
Appelez le 911. Ne vous rendez pas à l’hôpital en voiture. Cela pourrait retarder des soins essentiels. Suivez les conseils de l’intervenant au téléphone. Il pourrait par exemple vous recommander de prendre de l’aspirine. Reposez-vous dans une position confortable en attendant de l’aide.
Défendez-vous. «Même si l’examen est normal, si vous continuez à éprouver des symptômes, dites-le. Les examens ne sont pas tous parfaits, dit la Dre Mulvagh. Si le médecin n’écoute pas, trouvez quelqu’un qui le fera.»
N’hésitez pas à consommer ces meilleurs aliments pour prévenir les maladies cardiaques.