Les idées reçues sur le suicide qu’il faut cesser de croire
Croire qu’il existe un type de personne plus à risque que d’autres fait partie des idées reçues sur le suicide qu’il faut arrêter de croire. Voici pourquoi.
C’est étonnant de voir à quel point les gens en connaissent vraiment peu sur la dépression, la santé mentale et les comportements suicidaires. C’est encore plus surprenant lorsque vous vous arrêtez à ces statistiques des Centres américains pour le contrôle et la prévention des maladies: plus de 48 000 personnes sont mortes par suicide en 2018, et ces chiffres sont à la hausse.
Nous avons demandé à des professionnels de la santé de nous éclairer sur ce qu’est vraiment le suicide, ce qu’une personne suicidaire peut ressentir et la meilleure façon d’en parler.
Idée reçue: si une personne est déterminée à mettre fin à ses jours, il n’y a rien à faire
Pourquoi c’est faux: certains croient que les personnes suicidaires arrivent à un stade où elles «ne peuvent plus reculer». C’est faux. «Le suicide est une étape tellement drastique et allant à l’encontre du désir profond de rester en vie que la majorité des personnes suicidaires ne sont pas sûres à 100% de vouloir passer à l’acte, explique le Dr Adam Rosenblatt, psychiatre à Havre De Grace, dans le Maryland. Une partie d’elles veut mourir alors que l’autre partie croit qu’il y a peut-être de l’espoir ou veut continuer à vivre, ou du moins réalise les conséquences terribles que leur geste aura sur leurs amis et leur famille. C’est cette partie que nous essayons d’atteindre.»
Ce que les victimes cherchent vraiment dans le suicide est une porte de sortie, une façon d’échapper à l’immense douleur qu’elles ressentent. Il n’est jamais trop tard pour tendre la main et les aider à trouver une solution moins brutale. Voici ce que les thérapeutes souhaitent que vous sachiez concernant la prévention du suicide.
Idée reçue: demander à une personne suicidaire d’en parler ne fera que la pousser à commettre l’irréparable
Pourquoi c’est faux: le suicide est un sujet très délicat, et il est donc naturel d’avoir peur de dire quelque chose qui ne ferait qu’aggraver la situation. En réalité, c’est tout le contraire. «La personne sera reconnaissante de pouvoir avouer ses intentions à une personne aidante», affirme le Dr Rosenblatt. La meilleure façon de découvrir si quelqu’un a des idées suicidaires est de le demander. Prenez les devants et dites quelque chose comme «Je m’inquiète beaucoup à ton sujet. Tu sembles tellement déprimé. Je ne veux pas qu’il t’arrive quelque chose. Il faut que je te demande si tu penses que la vie ne vaut pas la peine d’être vécue ou si tu as des idées suicidaires? Je veux t’aider à te sentir mieux.»
Une personne suicidaire attend et espère probablement que quelqu’un lui tende la main.
Idée reçue: une personne qui parle de suicide ne cherche qu’à attirer l’attention
Pourquoi c’est faux: c’est une idée reçue dangereuse car elle mène souvent à des actions inappropriées comme insulter ou ridiculiser une personne qui est vraiment suicidaire. Ça invalide également les sentiments de la personne comme s’ils ne comptaient pas. Mais si quelqu’un présente des signes de dépression ou manifeste même des idées suicidaires, c’est plutôt parce qu’il ou elle a besoin d’attention ainsi que de soutien médical et psychologique. Il faut savoir écouter, car certaines phrases peuvent signaler une dépression.
Jeff Nalin, psychologue clinicien, fondateur et directeur général au Paradigm Malibu Treatment Center, note ceci: «Ignorer les avertissements est dangereux parce que, la plupart du temps, ceux qui se suicident avaient déjà auparavant fait part de leurs intentions ou de leurs sentiments à quelqu’un.»
Idée reçue: c’est mal de se suicider parce que c’est un geste égoïste
Pourquoi c’est faux: «l’égoïsme» fait partie des pires idées reçues à propos du suicide. Les parents, particulièrement, sont considérés égoïstes s’ils menacent de mettre fin à leurs jours parce qu’ils abandonnent leurs enfants. Voici pourquoi ça sonne faux: «Les pensées rationnelles leur échappent lorsqu’ils pensent à se suicider, de dire le Dr Nalin. Les personnes suicidaires croient véritablement que leur famille se porterait mieux sans elles. Réagir à des confidences sur le suicide en adoptant une attitude fâchée ou dédaigneuse ne fera qu’encourager les personnes qui ont besoin d’aide à garder leurs sentiments pour eux.»
Idée reçue: quelqu’un qui s’automutile est suicidaire
Pourquoi c’est faux: par définition, l’automutilation n’est pas un acte suicidaire, selon la National Alliance for Mental Illness (NAMI). C’est un mécanisme de défense que les gens utilisent pour supporter une douleur émotionnelle très intense parce qu’ils ne savent pas quoi faire d’autre. C’est surtout un moyen de créer l’illusion qu’on a le contrôle ou une forme de honte ou d’autopunition. J’en parle en toute connaissance de cause parce que l’automutilation est une chose avec laquelle je me suis débattue pendant près de 10 ans. Ça ne veut cependant pas dire qu’elle ne doit pas être prise au sérieux. De plus, une personne qui s’automutile peut éventuellement devenir suicidaire.
Idée reçue: si une personne est suicidaire, il y aura des signes évidents
Pourquoi c’est faux: un parent à moi m’a déjà parlé d’une de ses collègues qui semblait toujours anxieuse et dépressive. Un matin, cette femme est arrivée au travail l’air beaucoup plus stable et détendue que d’habitude. Son comportement avait complètement changé. Peut-être que les choses commencent à aller mieux, s’était-il dit. Plus tard ce matin-là, la femme s’est enlevé la vie. Ses collègues étaient en état de choc. Elle semblait pourtant aller mieux, mais la vérité est que les personnes suicidaires sont douées pour cacher leurs véritables intentions. «Si les signes ne sont pas toujours évidents, affirme le Dr Nalin, les faits révèlent que 8 personnes sur 10 qui s’étaient suicidées avaient donné des indices et lancé des avertissements.»
Idée reçue: seulement certains types de personnes meurent par suicide
Pourquoi c’est faux: le suicide ne touche pas seulement des gens d’un certain genre, d’une certaine classe sociale ou d’un catégorie d’âge. «Le suicide ne fait pas de discrimination, selon le Dr Nalin. Comme il touche tous les genres, toutes les races et tous les statuts socioécomomiques, il est important de comprendre ses effets dévastateurs et de réaliser que personne n’est à l’abri.»
Idée reçue: si l’un de vos proches met fin à ses jours, ça pourrait être de votre faute
Pourquoi c’est faux: il y a beaucoup de facteurs complexes qui entrent en ligne de compte dans la décision de se suicider. Peut-être en avez-vous fait beaucoup pour aider votre ami, peut-être auriez-vous pu en faire davantage. La seule chose qui est sûre, c’est que personne n’est seul responsable du suicide de quelqu’un. Au final, la décision revient à la personne qui passe à l’acte.
Idée reçue: les idées suicidaires équivalent à des gestes suicidaires
Pourquoi c’est faux: si quelqu’un est assez courageux pour verbaliser ses idées suicidaires, c’est en réalité une bonne indication qu’il ou elle veut éviter le suicide. Pensez-y: si une personne voulait vraiment mourir, elle n’en parlerait probablement pas. «La majorité des personnes qui s’enlèvent la vie ne veulent pas vraiment mourir, déclare le Dr Nalin. Il existe une fine ligne entre la douleur exprimée et la motivation réelle de commettre l’irréparable. Mais avec le bon soutien et la perspective d’autres options, ajoute-t-il, les personnes suicidaires peuvent voir qu’elles ont accès à de véritables solutions et à des mécanismes de défense pour les aider à guérir et à découvrir une vie qui vaut la peine d’être vécue.»
Idée reçue: vous ne pouvez pas aider quelqu’un qui est suicidaire si vous ne vous êtes jamais senti comme ça vous-même
Pourquoi c’est faux: même si c’est vrai qu’il est plus difficile d’être empathique à l’égard de quelqu’un si vous n’avez jamais eu des idées semblables, ça ne veut pas dire que vous êtes incapable de l’aider. Vous ne pouvez pas dire que vous savez ce qu’il ressent, mais vous pouvez lui dire que vous êtes là pour écouter et essayer de comprendre. Vous pouvez aider la personne suicidaire à avoir le courage nécessaire pour aller chercher de l’aide professionnelle. D’après mon expérience personnelle, entendre quelqu’un dire simplement «Je suis là pour toi» apporte un soulagement immense.
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