Un mot sur l’aide médicale à mourir
Bien avant les premiers travaux de la Commission sur les soins de fin de vie en 2010 et l’adoption de la loi québécoise en 2015, le Dr Alain Naud était déjà au fait des multiples enjeux médicaux et éthiques autour de cette question délicate.
De ses débuts comme jeune médecin à Shawinigan jusqu’à aujourd’hui au CHU de Québec, il a souvent constaté l’ampleur de la détresse de toutes ces personnes gravement malades, attendant la mort avec l’énergie du désespoir. Encore aujourd’hui, il se souvient des souffrances intolérables d’un de ses premiers patients atteints de la maladie de Lou Gehrig, et qu’il a accompagné jusqu’à la fin. «C’est lui qui m’a fait prendre conscience qu’on ne peut pas tout endurer jusqu’à la dernière seconde», dit-il avec conviction.
Et c’est également par conviction qu’il a brisé le silence en 2016 en s’exprimant publiquement à la télévision sur l’aide médicale à mourir, alors qu’on ne faisait qu’entendre les détracteurs. Loin d’avoir été ostracisé, on le réclame depuis ce temps pour en parler, et rassurer.
Même la mort ne s’improvise pas: voici comment s’y préparer.
Une voix pour les malades
Vous affirmez être «la voix des malades», mais les opposants à l’aide médicale à mourir ne vous dépeignent pas ainsi.
Vous ne m’entendrez jamais dire que c’est la meilleure façon de mourir. Ce n’est pas à moi de décider, c’est à chaque patient. Dans l’arrêt Carter, même la Cour suprême l’affirme haut et fort dans un jugement unanime, disant que le droit à la vie ne doit pas se transformer en obligation de vivre. Les opposants religieux se bouchent les oreilles devant cela. Et on retrouve parmi eux beaucoup de médecins qui n’expriment pas publiquement leur foi personnelle – ce n’est pas vendeur au Québec –, mais qui brandissent leur titre de médecin pour s’y opposer.
Mieux vaut être prêt: un directeur de pompes funèbres dévoile quelques astuces et conseils pratiques.
Une question de soins palliatifs
Et ils brandissent souvent le même argument: si les soins palliatifs étaient plus accessibles, moins de gens réclameraient l’aide médicale à mourir. Êtes-vous d’accord?
C’était leur mantra avant l’adoption de la loi. La réalité et l’expérience nous montrent que depuis 5 ans, 80% des gens qui ont reçu l’aide médicale à mourir recevaient déjà des soins palliatifs, et 20% des personnes ayant demandé l’aide ont refusé volontairement d’aller en soins palliatifs en disant: «Non merci, je sais ce que c’est, mais ce n’est pas ce que je veux.» La loi définit clairement que tous les établissements publics doivent offrir l’aide, sauf les maisons de soins palliatifs. Certaines refusent toujours parce que la plus grande part de leur financement provient de la philanthropie, et leurs plus gros contributeurs sont les communautés religieuses. Ces maisons se disent bienveillantes, mais si quelqu’un veut choisir sa propre fin de vie, on l’envoie ailleurs. C’est honteux comme procédure.
Parfois, un simple objet nous permet de traverser cette difficile étape qu’est le deuil.
Les opposants
Mais la résistance ne vient-elle pas d’un peu partout?
J’en ai entendu de toutes sortes! Ça peut être un malade qui se fait dire par un médecin qu’il ne s’occupera plus de lui s’il ne retire pas sa demande, ou une famille complète qui menace un proche d’arrêter de lui rendre visite à l’hôpital s’il persiste à demander l’aide. Il y a une omerta dans le milieu que tout le monde subit, que personne n’ose dénoncer, mais qui continue en toute impunité cinq ans plus tard.
N’hésitez pas à suivre ces conseils pour bien préparer votre succession.
Le point de vue des patients et des proches
De vos patients et de leurs proches, vous avez un tout autre son de cloche.
Comme médecin de famille, ça fait des dizaines d’années que je les entends me dire: «J’ai accompagné mon père atteint de la maladie d’Alzheimer, mais moi je ne finirai pas mes jours comme ça.»
De la part de la population, la demande est claire et nette. D’ailleurs, un sondage Léger en 2019 indiquait que 84% des Québécois étaient d’accord pour qu’une demande d’aide à mourir soit faite de manière anticipée, au moment d’un diagnostic d’alzheimer.
La mort fait partie des 10 sujets importants qu’il faut aborder avec vos proches.
Mettre fin à la douleur
Mettre fin aux souffrances intolérables d’une personne demeure le but premier de l’aide médicale à mourir. Mais quels effets observez-vous dans l’entourage du défunt?
D’abord, demandez autour de vous comment les gens voudraient mourir. Peu importe l’âge ou le pays, la réponse est universelle: s’endormir sans souffrir. L’aide médicale à mourir, c’est exactement ça, en l’espace de quelques minutes, sans mouvements, sans bruits.
Environ 10 à 15% de la population est opposée à cette aide, alors on retrouve le même pourcentage chez les proches. Je leur rappelle qu’ils ont le droit de ne pas être d’accord, mais ils ont l’obligation de respecter la décision de leur proche. Ça en rassure d’autres de savoir que sur le certificat de décès, on ne mentionne pas l’aide médicale à mourir, c’est interdit par la loi: la cause, c’est la maladie.
Selon moi, c’est un privilège que la personne nous accorde d’être invité et de l’accompagner, un moment de grande émotion, très solennel.
Dire adieu
Au fond, l’aide médicale à mourir, c’est une façon ordonnée de dire adieu, pour le mieux-être des proches?
Quand je pense à tous ces gens qui se sont suicidés, seuls, ou sont allés mourir en Suisse… Laissez-moi vous donner un exemple pour illustrer à quel point ça peut être dramatique. Un homme aux soins palliatifs était en fin de vie, mais on ne savait pas quand exactement il mourrait. Lorsqu’il a commencé à décliner, son fils unique a été contacté d’urgence, l’infirmière précisant que son père avait quelque chose d’important à lui dire. Il est arrivé trop tard. Ce garçon-là ne saura jamais ce que son père avait à lui dire.
Il y a encore beaucoup de tabous autour de la mort, mais l’aide médicale à mourir permet à la société d’en parler: collectivement, nous apprivoisons mieux cette étape, car elle concerne tout le monde.
Comment dire adieu quand on est enfant? Il est certain que ce témoignage d’une petite fille qui a dû faire le deuil d’un parent va vous toucher.