La communication aujourd’hui…
Notre mode de vie actuel privilégie la satisfaction immédiate et limite notre capacité d’attention. Il nous habitue aussi à rechercher de nouvelles informations à chaque instant. Alors, pour bon nombre d’entre nous, la conversation tranquille, face à face, n’est pas aussi attrayante que le téléphone et ses constantes mises à jour. Et les relations en souffrent.
«Ces appareils sont devenus une sorte de gilet de sauvetage: chaque fois qu’un moment d’ennui menace, les gens se tournent vers leur portable », explique Daria Kuss, maître de conférences en psychologie à l’Université de Nottingham Trent, en Angleterre, qui étudie l’usage du téléphone mobile.
Une distraction permanente
Parce que les téléphones peuvent produire un flot incessant d’images et de textes intéressants à consulter, ils rivalisent souvent avec des compagnons réels.
«Les téléphones mobiles communiquent d’eux-mêmes», explique Oliver Bilke-Hentsch, psychiatre de Zurich spécialisé dans la dépendance à internet. «Pas besoin que quelqu’un vous appelle. L’appareil vous fournit de nouvelles informations. Et c’est à vous de décider si vous les regardez ou pas. »
Nicole Gommers, 38 ans, vit à La Haye, aux Pays-Bas. Elle est fatiguée de rivaliser avec un téléphone portable pour attirer l’attention de son partenaire. «Il est difficile d’avoir une conversation avec lui, car il est constamment distrait par son téléphone, regrette-telle. Quand je demande quelque chose, il répond, mais je vois bien que son esprit est ailleurs. Il y a toujours quelqu’un qui envoie un texto, et c’est la fin de la conversation, parce que cela nécessite une réponse.»
Les jeunes ont grandi en étant très exposés à cette technologie. Ils sont capables de s’asseoir en silence avec des gens de leur âge, chacun les yeux rivés sur son téléphone. L’effet sur les capacités de communication de cette génération est très important.
Un pouvoir silencieux
Le téléphone portable a une influence sur la conversation, même s’il n’est pas utilisé. Les chercheurs ont remarqué que lorsqu’il est placé sur une table, même si son propriétaire n’en fait pas un usage actif, la conversation n’est pas aussi profonde qu’elle devrait être.
«Notre étude a révélé que lorsque le téléphone est exposé à la vue des interlocuteurs, la qualité de la conversation et l’empathie dans les échanges sont moindres », explique Shalini Misra, qui enseigne les affaires urbaines à l’Institut polytechnique et Université d’État de Virginie, aux États-Unis. Parce que les gens ont sans doute conscience qu’ils peuvent être interrompus, ils sont moins enclins à discuter de sujets intimes ou de leurs problèmes et se contentent d’aborder des sujets superficiels.
« Une conversation sérieuse requiert de la vigilance, explique Shalini Misra. Il faut écouter chaque mot, être attentif au ton et aux pauses, observer les expressions du visage et les mouvements du corps et essayer de comprendre ce que nous entendons et ce que cela signifie afin de répondre de manière appropriée. C’est une tâche complexe qui nécessite beaucoup de ressources cognitives. Si notre attention est détournée, ce type de conversation est difficile. La simple vue du téléphone nous amène à diriger nos pensées vers d’autres choses. »
Influence négative
Des recherches récentes ont révélé qu’en 2009 les étudiants à l’université présentaient un niveau d’empathie inférieur à celui de leurs homologues 30 ans plus tôt. Les chercheurs s’intéressent, entre autres facteurs, aux effets de la technologie et des médias sociaux sur ce déficit d’empathie, mais ils n’ont pas encore tiré de conclusions définitives.
« Il y a probablement plusieurs raisons, d’ordre familial, politique… à cette évolution», avance Sara Konrath, adjointe à l’école de philanthropie de l’Université de l’Indiana à Indianapolis, aux États-UnisSelon une autre étude menée par Sara Konrath, le niveau d’empathie le plus bas se trouve chez les jeunes adultes, et le plus élevé chez les femmes d’âge moyen. Sans doute parce qu’elles ont davantage l’occasion de l’exercer: en prenant soin de leurs enfants, en s’occupant de leurs parents plus âgés et encadrant de jeunes collègues. Heureusement, Sara Konrath assure que l’on peut augmenter son niveau d’empathie. Mettre son téléphone un peu de côté peut, par exemple, y contribuer.
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Problème d’addiction
Les téléphones mobiles sont si distrayants que les gens éprouvent le besoin de les avoir en tout temps à leur disposition, même au travail. Fabien Guasco, 43 ans, de Saint-Pathus, en France, est très contrarié quand ils perturbent ses réunions.
«Les gens se concentrent sur leurs courriers électroniques au lieu d’écouter ce qui se dit, raconte-t-il. C’est pourquoi j’ai pris l’habitude de me taire très rapidement si l’un de mes collaborateurs tapote sur son téléphone. Tout le monde fait très attention! »
Les chercheurs ont découvert pourquoi il est si difficile de lâcher ces petits appareils : ils alimentent notre nature addictive.
«Chaque fois que vous obtenez un “j’aime” sur les réseaux sociaux ou une récompense dans un jeu, explique Oliver Bilke-Hentsch, vous recevez une petite dose de dopamine au niveau du mécanisme de récompense de votre cerveau. Et vous cherchez à en obtenir toujours un peu plus. C’est comme fumer une cigarette ou manger un bonbon. Peut-être ne recevez-vous pas ce genre de récompense de la part de votre conjoint. »
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Précisez vos desiderata
Si vous êtes fatigué de jouer les seconds rôles avec un portable et souhaitez en limiter l’utilisation par un être cher, expliquez calmement que vous souhaitez ne pas voir de téléphone à l’heure du repas ou quand vous êtes en pleine conversation, sans porter d’accusation ni faire de reproches. «Dites davantage “je” que “tu”, conseille Daria Kuss. Dites “j’aimerais passer plus de temps avec toi” au lieu de “tu consacres tout ton temps à ton portable”. »
Négociez une réduction des alertes
S’il désactive celles des réseaux sociaux et de ses jeux favoris, il utilisera moins souvent son appareil.«Les notifications augmentent l’utilisation du portable », explique Joël Billieux, assistant professeur de psychologie clinique à l’Université du Luxembourg, qui étudie la dépendance aux technologies de l’information et de la communication. «Selon des chercheurs, lorsqu’on reçoit une notification, on vérifie généralement si d’autres applications nous en ont envoyé. »
C’est dans la poche
Encouragez votre partenaire à garder son téléphone dans la poche, et non sur la table. «Quand le téléphone est en vue, il devient essentiel pour la personne, même si elle n’a pas conscience que son attention est détournée», explique Shalini Misra.
Mentionnez les statistiques d’utilisation
Votre partenaire peut ne pas avoir conscience du temps qu’il passe sur chaque application de son téléphone, mais son téléphone, lui, le sait. Demandez-lui de vérifier ses données. «La personne prend alors conscience du temps qu’elle consacre à son téléphone, dit Daria Kuss. Le constater peut l’amener à moins l’utiliser. »
Offrez-lui une montre
Il n’aura pas à chercher son téléphone pour vérifier l’heure. Selon Joël Billieux, «une étude récente a montré que les personnes portant une montre passaient moins de temps sur leur téléphone portable ».
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