Les joies et défis de vivre dans une famille élargie

Une femme apprend à joindre les deux bouts avec patience et imagination – et en achetant une maison avec son beau-frère et sa famille. Voici les péripéties d’une famille élargie, composée de neuf personnes, vivant sous un même toit. 

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Les joies et défis de vivre dans une famille élargie

DÉBUT 2003, quand notre fille Sharon a eu un an, mon mari Neil et moi avons dû faire face à une crise financière. Mon congé de maternité venait de s’achever, mais la gardienne que nous avions trouvée n’était plus disponible. Nous avions tous les deux un emploi stable dans l’administration à l’Université de Toronto, mais le remboursement de nos prêts étudiants et le loyer de notre appartement de deux chambres à coucher dans l’ouest de Toronto ne nous permettaient pas de débourser 1 200 $ par mois pour une garderie. 

Ce week-end-là, nous avons rendu visite au frère de Neil, Anil, un entrepreneur prospère et sa femme Leeann, mère au foyer, à Brampton, une banlieue de Toronto. Nous avons passé des heures à nous plaindre de notre situation en nous reprochant de ne pas pouvoir payer les frais de garde. Anil et Leeann nous ont également parlé de leurs problèmes. Leeann était ravie de rester à la maison avec leurs deux jeunes enfants, Adam et Anissa, et en attendait un troisième. Le couple aurait bien aimé avoir, comme nous, deux revenus pour pouvoir acheter quelque chose de plus grand. Nous avons plaisanté sur l’idée de réunir nos ressources, et ainsi former la famille idéale : nous pourrions acheter une maison ensemble et confier Sharon à Leeann. Mais par la suite, la discussion est devenue plus sérieuse. 

Nous avons passé le dimanche après-midi à choisir des quartiers, à calculer des taux hypothécaires et à faire des budgets sur un tableur.

Une semaine plus tard, la banque nous accordait un prêt. Si nous avions pris le temps de réfléchir à cet arrangement incongru, nous aurions probablement fait marche arrière. Nous avons fait une offre sur une maison abordable Brampton. Elle avait deux grandes chambres avec salle de bains, deux autres chambres et une salle de bains pour les enfants. Nous avons aussi rédigé un contrat qui stipulait combien chaque couple investirait, comment nous répartirions les frais et paierions les dépenses importantes ou imprévues. Cet arrangement devait durer quatre ans, le temps que nous puissions épargner assez d’argent et que Sharon soit en âge d’aller à l’école, ce qui nous dispenserait de la faire garder à plein temps. Nous avons acheté la maison le 10 juin, trois mois après en avoir eu l’idée. La fille d’Anil et Leeann, Alissa, est née le même jour. 

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Pendant quelques mois, nous avons tous été des modèles de bonne conduite. Nous nous aidions pour toutes les corvées, des lits à la vaisselle. Nous avions d’abord pensé que chaque famille devrait avoir son propre séjour au rez-de-chaussée, mais avons vite remarqué que nous préférions passer nos temps libres ensemble. Nous comptabilisions sur une feuille de calcul les dépenses partagées, comme l’électricité et les taxes, et nous préparions les menus hebdomadaires en équipe ; chaque couple cuisinait deux soirs par semaine, nous commandions à l’extérieur le vendredi et mangions les restes le week-end. La plupart du temps, nous prenions le repas du soir tous ensemble, comme une grande famille. Neil et moi sommes chrétiens, Anil et Leeann sont hindous, nous fêtions donc et Noël et Diwali : nous avons décoré un arbre, raconté l’histoire de la Nativité, appris des mantras et allumé des diyas partout dans la maison. 

Au bout de six mois, une fois rompu le charme de la nouveauté, des frictions ont commencé à surgir à propos du nettoyage des pièces communes ou des poubelles. Je ruminais sans raison valable quand je trouvais un tas humide dans le lave-linge ou des sachets de thé trempés dans l’évier. Le moindre problème tournait au drame – je passais des soirées entières à me plaindre à Neil de nos copropriétaires. Il était clair que nous devions cesser de râler derrière nos portes closes et nous parler franchement. Il fallait collaborer à maintenir la paix domestique, et cela voulait dire : être plus honnêtes et éviter les conflits, ne serait-ce qu’en garant nos voitures à la place assignée ! Nous avons enfin compris que le succès de notre aventure dépendait de chacune de nos conduites. 

Afin de pouvoir faire le point, nous avons commencé à passer séparément des week-ends à l’extérieur, à tour de rôle, à quelques mois d’intervalles. Ces escapades nous aidaient à reprendre des forces. En l’espace d’un an, les bonnes habitudes étaient reprises, et j’attendais mon deuxième enfant, Anita. La valeur de notre maison ayant beaucoup augmenté entre-temps, nous l’avons vendue et en avons acheté une autre, tout près de l’ancienne et de même dimension, mais beaucoup moins chère, ce qui nous a valu à tous une belle plus-value. 

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LE CONTRAT EST VENU à échéance sans que nous ayons vu le temps passer, et nous avons vendu la seconde maison. Neil et moi nous sommes relogés à Mississauga pour réduire la durée de nos trajets quotidiens. Anil et Leeann sont restés à Brampton, et celle-ci a décidé de reprendre ses études. Nous étions tous ravis de devenir propriétaires à part entière et de toucher la récompense de notre brillante expérience sociale, mais nous nous inquiétions de la réaction de nos enfants qui se considéraient comme frère et sœurs. Nous avons insisté sur les avantages de cette nouvelle situation : chacun aurait sa propre chambre, le placard de l’entrée ne serait plus rempli de manteaux. Malgré tout, les premiers mois ont été doux-amers. Nous regrettions de ne plus cuisiner, ranger et payer les factures en commun et de ne plus avoir systématiquement un adulte sur place pour surveiller nos enfants. 

Huit ans plus tard, nous sommes toujours incroyablement proches. Nous nous consultons pour prendre des décisions sur nos investissements ou l’éducation des enfants, lesquels continuent de se considérer (et de se disputer) comme frère et sœurs. Nous éprouvons les uns pour les autres un attachement indestructible, qui ne peut naître que lorsqu’on vit ensemble – et nous envisageons de recommencer à la retraite, afin que nos petits-enfants puissent venir nous rendre visite. 

 

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