Veronica Wong était directrice des ventes dans une entreprise de vêtements de yoga de Vancouver. Elle supervisait une équipe et vendait elle-même en gros à ses propres clients. Après trois ans, elle était satisfaite de son travail, de son salaire et de son patron. Elle voulait aussi avoir un bébé.
«Ne t’inquiète pas», lui dit le propriétaire de l’entreprise lorsqu’il apprit qu’elle était enceinte. Ensemble, ils mirent au point une stratégie: son patron embaucherait un directeur intérimaire qui serait affecté à une autre équipe à la fin du congé de maternité. Alors âgée de 33 ans, Wong se promettait de son côté de reprendre la plupart de ses voyages d’affaires. Elle travailla jusqu’à la veille de son accouchement en mars 2009, rassurée qu’un emploi l’attendrait à son retour. «Tu peux prendre ton temps», lui avait dit son patron.
Pourtant, un an plus tard, le retour ne se passa pas comme prévu. Wong ne récupéra pas ses clients et n’avait plus de responsabilité de gestion: son remplaçant s’en occupait. Pour comble, son salaire était maintenant établi selon un tarif horaire. Cette modification, ajoutée à la perte de ses clients, réduisait sa paie de plus de 60 pour cent.
«C’était une petite compagnie et je comprenais que les choses puissent changer, affirme Veronica. Que mes responsabilités ne soient plus les mêmes, d’accord, mais je voulais bien retrouver une situation comparable à celle d’avant mon départ.» Par mail, elle expliqua le problème à son patron, proposant de chercher ensemble une solution. «Je pense que tu as perdu ta motivation, lui répondit-il. Tu as choisi la famille au détriment de ta carrière.» Wong protesta, exigeant de retrouver au moins ses anciens avantages. En juin 2010, cinq mois après son retour au travail, elle fut congédiée.
Le Canada est un chef de file mondial en matière de congé parental payé. On peut en être fier et s’en vanter devant ses amis américains, par exemple, qui n’en croient pas leurs oreilles en apprenant que nous avons droit à une année entière de congé. Bien sûr en Suède cette durée est de 16 mois (dont deux sont réservés à des parents subsidiaires, habituellement les pères), mais il reste que l’État canadien verse aux parents 55 pour cent de leur salaire (jusqu’à un maximum de 485 dollars par semaine), et 35 semaines peuvent être partagées entre les deux parents comme ils le désirent. Nos employeurs ont l’obligation de garantir nos emplois ou de nous intégrer dans des fonctions similaires et ils doivent nous faire bénéficier de toute augmentation survenue en notre absence. Devant de tels avantages, nos interlocuteurs américains grincent des dents, en calculant le temps de vacances qu’ils peuvent intégrer aux 12 semaines (non payées) garanties par leur gouvernement fédéral.
Il faut peut-être cesser de plastronner. Chose certaine, 17 semaines de congé permettent à une mère de récupérer après l’accouchement (la première loi sur le congé de maternité de Colombie-Britannique, en 1921, accordait aux femmes six semaines de congé avant et après la naissance). Mais si une généreuse politique de congés de maternité vise à augmenter le nombre de naissances, la nôtre n’a pas eu les effets escomptés. Depuis la mise en place du congé d’un an en 2001, le taux de natalité au Canada a peu bougé, passant de 1,52 enfant par femme à 1,57 en 2011. L’autre but d’un long congé de maternité était d’atténuer les conséquences de la parentalité sur la carrière. «Le stress lié à la conciliation travail-famille est particulièrement élevé chez les parents de jeunes enfants», explique Lisa King, porte-parole du ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences. «Le congé et l’offre de prestations prolongées favorisent l’égalité des sexes, en évitant aux femmes d’être pénalisées pour mettre des enfants au monde, et renforcent la fidélité de la main-d’œuvre et le retour au même emploi.» Mais beaucoup de mères se plaignent de ne pas trouver de garderies abordables à leur retour au travail et de ce que les employeurs les snobent, les rétrogradent, voire les congédient pour avoir pris congé.
Selon King, le ministère croit aussi qu’un long congé évite aux employeurs de chercher des travailleurs de remplacement, et que la possibilité du temps partagé favorise la participation des pères à l’éducation des enfants. Voilà certes des objectifs louables, mais, encore une fois, ils ne rendent pas compte de la réalité des congés de maternité d’un an. Les employeurs se plaignent que la perte d’une travailleuse qualifiée pendant une année leur coûte beaucoup en argent et en efficacité: ils doivent former des employés temporaires qui quittent dès qu’ils trouvent un emploi permanent. Il arrive également que, juste avant de réintégrer son emploi, la travailleuse en congé remette sa démission, retardée uniquement pour ne pas perdre ses prestations. Et puis les pères prennent encore moins de congés parentaux que les mères et s’occupent beaucoup moins de leurs enfants. Enfin, les employés qui doivent fournir un effort supplémentaire pendant les congés de maternité de leurs collègues veulent une juste rémunération, et ils estiment perdre de l’ancienneté au retour d’un parent.
Les experts affirment depuis longtemps que les 12 premiers mois de vie d’un enfant exercent une influence sur sa santé pour toute la vie. L’allaitement favorise la santé du bébé et de sa mère, et un nouveau-né éprouve un besoin crucial d’attention de la part de ses parents. «Les liens qui se forment au cours de la première année sont vraiment décisifs et dépendent de la capacité des parents de répondre aux inquiétudes du bébé», explique Chaya Kulkarni, directeur du programme de promotion de la santé mentale de l’enfant à l’hôpital SickKids de Toronto. La santé des enfants constituait la principale raison formulée par le gouverneur général Adrienne Clarkson lors du discours du trône de 1999 où elle a annoncé la prolongation de la durée du congé de maternité. «Aucun engagement que nous prenons aujourd’hui ne sera donc plus important pour la prospérité et le bien-être à long terme de la société canadienne que celui d’investir nos efforts en faveur des très jeunes enfants», a-t-elle dit.
Cette reconnaissance révolutionnaire par le gouvernement fédéral a conduit à une loi éminemment populaire – en 2008, 80 pour cent des nouvelles mères au Canada ont bénéficié d’un congé financé par l’assurance emploi. Malheureusement, il n’y avait aucun plan structuré pour la suite. Résultat? Un système qui ne fonctionne pour personne.
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Un indice du peu d’intérêt pour les mères au travail est l’absence de statistiques nationales sur leur participation à la population active. Prenons la discrimination liée aux congés parentaux: aucune organisation ne relève les plaintes et les litiges devant les tribunaux à l’échelle du pays. Les pères et les mères dans les domaines régis par le fédéral, comme les banques et les compagnies d’aviation, déposent leurs griefs devant la Commission fédérale des droits de la personne. Cependant la plupart des emplois relèvent des provinces, ce qui donne le choix au plaignant de s’adresser au ministère du Travail, au Tribunal des droits de la personne ou au système judiciaire. Bien que ces organismes assurent le suivi des plaintes concernant la grossesse, aucun ne souligne les cas où les congés parentaux sont au cœur du litige. Et il n’est même pas toujours facile de savoir si c’est un homme ou une femme qui a porté plainte.
Faute de données fiables, il est difficile de mesurer l’ampleur de la discrimination liée à un congé de maternité. En 2011, il n’y a eu que cinq cas où un tribunal provincial des droits de la personne s’est prononcé en cette matière: deux en Colombie-Britannique, deux en Ontario et un en Nouvelle-Écosse. Ça semble peu, mais le but de ces tribunaux est d’éviter autant que possible l’arbitrage, en guidant les parties vers la médiation, moins coûteuse et plus rapide. Par exemple, la même année, la Commission des droits de la personne du Nouveau-Brunswick a reçu huit plaintes, dont trois ont été réglées en médiation (une a été retirée, et les quatre autres sont toujours à l’étude).
Le petit nombre de litiges sur la discrimination fondée sur la maternité s’explique probablement par le fait que les femmes craignent de plaider leur cause. Caroline James a été rétrogradée après son premier congé de maternité et congédiée après son deuxième. En 2005, elle a commencé à travailler chez un vétérinaire à Burnaby en Colombie-Britannique et a occupé cet emploi pendant trois ans. Comme Wong, elle croyait être en bonne entente avec son patron mais elle a quand même été reléguée à un poste de réceptionniste après son premier congé de maternité en 2008. Sa remplaçante occupait maintenant son ancien poste de direction. James est restée jusqu’à sa deuxième grossesse. Lorsque des complications sont survenues aux environs du huitième mois, elle a pris un congé parental préventif anticipé -un autre droit garanti par la loi. En juin 2010, elle est revenue au travail. Six mois plus tard, elle a été congédiée. Son patron invoquait qu’il n’avait plus les moyens de payer autant d’employés. Or, il a embauché quelqu’un pour la remplacer presque aussitôt. James s’est alors adressée au Tribunal de droits de la personne de Colombie-Britannique et ses avocats ont communiqué avec son ancien patron, qui lui a alors offert deux semaines supplémentaires d’indemnité de départ. Elle a accepté. «Une partie de moi souhaitait continuer la poursuite», explique James, maintenant âgée de 30 ans, «mais je ne pouvais pas le supporter».
Même si le nombre des litiges liés aux congés de maternité n’est pas connu, nous savons que les revers de carrière causés par la maternité peuvent avoir de graves conséquences financières. Selon Statistique Canada, les femmes sans enfant gagnent 30 pour cent de plus que les mères. Mais pour certaines, l’enjeu dépasse la question monétaire.
«Il y a quand même une différence entre un emploi et une carrière», affirme Kendra Schumacher, 36 ans, mère d’un fils de deux ans demeurant à Toronto, qui travaille maintenant en marketing. Auparavant, elle avait été sept ans directrice artistique. Elle avait personnellement embauché et formé sa remplaçante avant son congé de maternité. Pendant son absence, la compagnie a été vendue. Sa remplaçante avait quitté l’entreprise et avait été remplacée par quelqu’un qu’elle ne connaissait pas. «La personne à mon poste est restée», ajoute Schumacher en parlant de son retour au travail. On lui a confié de nouvelles responsabilités. «Je suis passée de directrice artistique à administratrice d’un tableau Excel», se moque-t-elle. Son nouveau supérieur ne s’intéressait pas à ses idées.
Son salaire n’avait pas changé, mais ce n’était pas ça l’important. «Je ne pouvais plus accomplir ce pour quoi j’avais travaillé si fort», expliquait-elle. Lorsqu’une jeune designer prit son congé de maternité, Schumacher fut choisie pour la remplacer, ce qu’elle considérait comme une rétrogradation. Sondant son superviseur sur ses plans à long terme pour elle, elle se fit répondre: «Il n’y en a pas.» Elle décida alors de chercher un autre emploi plutôt que de s’imposer.
Dépouillées de leurs responsabilités ou aux prises avec un milieu hostile, les mères qui se sentent expulsées de leur emploi seraient justifiées de porter plainte pour «congédiement déguisé». Or les femmes de carrière ne veulent pas aller jusque-là. Après des années passées à acquérir la formation et l’expérience pour occuper des emplois qui répondent à leurs ambitions, la plupart refusent de laisser une année de congé les mettre hors circuit.
Bien sûr, il ne faut pas croire que ces cas ne sont imputables qu’à la malhonnêteté ou à l’incompréhension d’un employeur. Avocat à Toronto, Neal B. Sommer se spécialise en congédiements illégaux et en plaintes en matière de droits de la personne. Il s’occupe d’environ quatre cas de présumée discrimination liée aux congés parentaux par année et a cerné un certain nombre de causes récurrentes de conflits entre les employeurs et les nouveaux parents. L’une des plus fréquentes survient lorsque la technologie et les méthodes du bureau ont évolué au cours de l’année de congé. Il peut y avoir de nouveaux logiciels à maîtriser ou certains travaux peuvent être exécutés à l’extérieur, et la nouvelle mère qui avait déjà eu une longueur d’avance peut devoir combler son retard. «C’est une divergence de point de vue. La mère veut réintégrer son travail tel qu’il était alors que l’employeur a besoin qu’elle accomplisse le travail tel qu’il se présente aujourd’hui», explique Sommer.
Concurrence oblige, les jeunes employés et les employés temporaires saisissent souvent l’occasion de se faire valoir au travail avec énergie et enthousiasme en faisant ressortir les faiblesses du parent en congé. «Nous n’aimons pas l’entendre, mais il se peut que la personne qui nous remplace soit meilleure que nous», ajoute l’avocat. Parfois, la tentative acharnée de renvoi de l’employée indésirable n’a lieu qu’à son retour de congé, lorsqu’elle demande plus de liberté ou un horaire flexible.
Daniel Lublin, un avocat torontois, représente souvent les parents dans des cas de discrimination liée à un congé parental ou de maternité, et il se bat régulièrement pour augmenter les indemnités de licenciement auxquelles ils ont droit. Les dédommagements chiches révèlent encore une fois la sous-évaluation du travail des parents au Canada. L’an dernier, le Tribunal des droits de la personne de l’Ontario, comme celui de Colombie-Britannique, a donné raison à la mère dans l’un des deux cas qui lui avaient été soumis; les deux tribunaux ont accordé une indemnité d’environ 15000 dollars. En tenant compte que les mères ont épuisé leurs prestations d’assurance emploi, le montant est à peine suffisant pour couvrir quelques mois de recherche d’emploi.
Même ces mères qui se débrouillent pour s’accrocher à leur emploi affrontent des difficultés à leur retour au travail et subissent souvent ce que Reva Seth appelle la «discrimination non intentionnelle». Seth a fondé TheMomSchift, une campagne en ligne présentant des femmes qui mènent des carrières florissantes après avoir eu des enfants. En réalisant des entrevues pour un projet de livre inspiré de son site web, elle a découvert que 80 pour cent des 300 femmes avec lesquelles elle s’était entretenue étaient outrées par la croyance largement répandue que les nouvelles mères voulaient se la couler douce. Les mères se plaignaient que, dès qu’elles annonçaient leur grossesse, les administrateurs tenaient pour acquis qu’elles préféraient ralentir et se départir des clients difficiles. À son retour d’un congé de maternité, une mère n’est plus invitée à prendre un verre après le travail et elle est écartée des projets exigeants. Les collègues et les patrons supposent qu’elle limite sa disponibilité pour passer plus de temps à la maison. «Habituellement, les gens pensent l’aider», ajoute Seth. Lors d’entrevues avec des administrateurs et des avocats plus âgés, Seth les met en garde d’éviter de telles présomptions. C’est souvent le contraire qui est vrai, affirme-t-elle: la maternité aide les femmes à définir leurs objectifs de carrière.
Confier son jeune enfant à la garderie a été une décision déchirante pour Schumacher, mais elle l’a fait. En retour, sa parentalité a augmenté sa passion pour le travail et amélioré sa capacité d’accomplir des tâches multiples. Elle arrive souvent la première au travail le matin – «on se lève si tôt, on peut bien y aller» – et elle est prête à travailler encore quelques heures pendant que son fils dort. «Du point de vue de la carrière d’une femme, un enfant n’est pas un obstacle.»
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Pour beaucoup de mères au travail, la politique canadienne du congé parental d’un an n’est qu’un leurre. Elle donne l’illusion que le pays encourage à avoir des enfants pour ensuite retirer le tapis sous les pieds des nouveaux parents. Elle ne garantit pas à une mère ambitieuse la poursuite de sa carrière et n’aide pas les patrons à affronter l’année de congé.
Y a-t-il moyen de faire baisser la pression que les congés parentaux exercent sur les employés comme sur les employeurs? Tout dépend de votre interlocuteur. Lublin espère que le gouvernement définira plus précisément les «circonstances exceptionnelles» qui servent trop facilement d’échappatoire aux employeurs malintentionnés. Par ailleurs, la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante a proposé d’exempter les petits employeurs des cotisations à l’assurance emploi pour les employés temporaires qui remplacent des travailleurs en congé parental considérant qu’il est plus facile pour les grandes entreprises de déplacer des gens temporairement pour assurer une continuité en douceur. Les employés eux-mêmes pourraient toujours cotiser à l’assurance emploi et les compagnies pourraient consacrer leur part au paiement des coûts de formation des employés temporaires. Depuis 2011, les travailleurs autonomes peuvent contribuer à l’assurance emploi et bénéficier des congés parentaux, une modification qui tient compte du fait que 15 pour cent des Canadiens travaillent maintenant à leur compte – bien qu’il soit improbable que 485 dollars par semaine permettent à un entrepreneur de prendre une année complète de congé avec une épouse qui n’est pas sur le marché du travail.
Certains croient que beaucoup de problèmes liés aux congés de maternité sont attribuables à leur durée; les femmes qui reviennent au travail font face à la discrimination et à des attitudes négatives plus fréquemment que les hommes parce que leurs congés durent plus longtemps. «Si les hommes prenaient des congés aussi longs et fréquents, il leur arriverait la même chose.» (En 2009, seulement 30 pour cent des pères ont pris des congés payés par l’assurance emploi.) Selon Sommer, la situation serait facile à corriger. Les employés comme les employeurs doivent s’assurer que le congé parental ne devient pas un prétexte pour «disparaître». Les patrons devraient offrir aux nouvelles mères une formation sur les programmes informatiques et le fonctionnement du bureau tout au long de l’année et les femmes qui tiennent à leur carrière devraient faire l’effort d’y assister. De plus, il pense que les nouvelles mères en congé devraient prendre part aux activités du bureau et rencontrer des collègues à l’occasion. «Ne prenez pas totalement congé de votre carrière.»
Seth est du même avis. Elle conseille aux mères de manifester qu’elles sont toujours passionnées par leur carrière, peut-être en passant une soirée par semaine au bureau, en faisant du réseautage ou du clavardage s’il n’y a pas de projet spécifique en marche. Elle croit aussi que l’ambitieuse génération Y va forcer les employeurs – et le gouvernement – à régler le problème. Des associés principaux de cabinets d’avocats et de comptables lui ont confié que la question du congé parental est fréquente dans le processus de recrutement. Pour les employeurs, avance Seth, «c’était un obstacle», mais maintenant des jeunes femmes qualifiées affirment clairement qu’elles veulent une famille et une carrière. De même que la tradition d’attendre de devenir associée principale avant d’avoir un enfant disparaît: beaucoup de jeunes avocates ne veulent plus patienter. Les futurs parents précisent à leurs patrons qu’ils veulent un horaire flexible et la possibilité de travailler à distance, deux nouveautés mises en avant par les mères au travail. Les plus talentueux font leur entrée sur le marché avec la certitude qu’il est possible d’atteindre l’équilibre entre le travail et la vie personnelle.
Veronica Wong se bat encore pour trouver cet équilibre. Son entente de dédommagement prévoyait que le propriétaire du commerce de vêtements de yoga lui verserait sa commission pour les saisons à venir sur les ventes de vêtements qu’elle avait déjà conclues, environ 1500 dollars. Elle ne l’a jamais obtenue. «J’ai été naïve. J’aurais dû consulter un avocat.» Après un congédiement, obtenir des services juridiques semble coûteux et disproportionné. Avant qu’elle prenne conscience que son indemnité ne lui serait jamais versée, les six mois dont elle disposait pour s’adresser au Tribunal des droits de la personne s’étaient écoulés.
Sa vie professionnelle et personnelle a évolué depuis la fin de son premier congé de maternité il y a deux ans et demi. «Nous voulions avoir un deuxième enfant plus tôt, mais nous ne pouvions pas à cause de notre situation financière, se rappelle Wong, et cela a détruit ma carrière.» Elle a cherché un emploi depuis son congédiement, travaillant pour une compagnie rivale de vêtements de yoga et dans la vente d’équipements de bureau. Depuis huit mois, elle travaille dans une entreprise de vêtements d’enfants. Là, elle a la possibilité de gravir les échelons. Et c’est un emploi syndiqué, ce qui signifie une meilleure protection du congé parental.
Étant donné tous les risques rattachés au congé de maternité, c’est miraculeux qu’autant de Canadiennes au travail aient des enfants – plus de 350000 mères par année. La raison apparaît claire: elles le font par amour. Elles ont appris à ne pas attendre d’aide et elles ne semblent pas en recevoir beaucoup non plus.
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