Aîné, cadet ou benjamin: trouver sa place dans la famille
Mis à jour: Août. 21, 2020
Êtes-vous l’aîné, le cadet ou le benjamin? La place que vous occupez dans la famille peut influencer votre comportement au sein de la fratrie.
Notre place dans la famille
Imaginons que vous prévoyez une soirée. Si une semaine avant l’événement tout est organisé dans les moindres détails, jusqu’à la couleur des serviettes de table, vous êtes sans doute l’aîné de la famille. Si vous arrivez à l’organiser sans prise de tête et à inviter des amis à la dernière minute, vous êtes probablement le cadet. Et si vous préférez que d’autres s’en chargent et jugez que votre rôle se limite à papillonner entre les invités, vous êtes presque assurément le benjamin.
Le poids qu’aurait le rang de naissance dans nos vies fascine depuis plus d’un siècle tous ceux qui s’intéressent à la dynamique familiale. Selon Frank Sulloway, professeur de psychologie à l’université Berkely en Californie et l’un des plus grands chercheurs en ce domaine, «le rang de naissance donne un sens profond à l’existence.» Entre frères et sœurs, on ne partage que la moitié des gènes, dit-il; la personnalité se forge donc à partir d’une combinaison de gènes non identiques et d’influences de l’environnement. «Le rang de naissance reste la différence la plus significative que nous puissions documenter», ajoute-t-il. Cela jouerait un rôle presque aussi important que la différence sexuelle.
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Pas tous égaux
Frères et sœurs naissent dans la même famille, croyons-nous naïvement, mais ce n’est pas vrai. L’aîné arrive au milieu d’adultes et reçoit beaucoup d’attention de ses parents inexpérimentés, fascinés par le moindre événement et terrifiés par le plus petit incident. Les parents ne feront pas preuve d’un dévouement aussi inconditionnel à l’égard du cadet, qui devra vivre à l’ombre de l’aîné – qui court, grimpe, parle avant lui –, et dont on s’attend à ce qu’il donne plus tard l’exemple à ceux qui le suivront. Le bébé de la famille arrive dans un foyer dont les parents sont détendus.
Il apprend vite à utiliser son charme pour obtenir de l’attention. Résultat: les aînés sont conditionnés à la réussite, les cadets au compromis et les benjamins au plaisir.
Si le rang de naissance n’est pas directement responsable de certains traits de caractère, admet Marion Balla, éducatrice et thérapeute à Ottawa, il n’en reste pas moins «un des facteurs les plus déterminants dans la formation de la personnalité.» Marion Balla préside l’Adlerian Counselling and Consulting Group, groupe-conseil et service thérapeutique dont le nom vient d’Alfred Adler, psychothérapeute autrichien des années 1900 qui fut le premier à établir un lien entre le rang de naissance et la personnalité.
«Je recours à la théorie du rang de naissance depuis 40 ans pour sensibiliser les gens à la façon dont ils se perçoivent et à l’influence que cela peut avoir sur leurs relations sociales», explique-t-elle. Qu’est-ce à dire?
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L’aîné: un enfant accompli
Des travaux menés dans le monde suggèrent que l’aîné a plus d’affinité avec d’autres aînés qu’avec ses propres frères et sœurs. Il apprend rapidement à être consciencieux et organisé, à plaire à ses parents et à en être le double auprès des plus jeunes de la famille. Il accumule les réussites et choisit une profession sérieuse comme le droit, la médecine, l’enseignement ou la comptabilité, qui mènent aux postes supérieurs.
Cela n’a rien d’étonnant pour Kevin Leman, psychologue à Tucson, en Arizona. «Les premiers-nés seront toujours des chefs», explique-t-il. Diverses études montrent que l’aîné a deux ou trois fois plus de chances d’être à la tête d’une entreprise que le benjamin. Une étude norvégienne de 2007 a montré que l’aîné de la famille avait un QI plus élevé d’environ trois points que ses frères et sœurs. Ce qui explique sans doute la stimulation intellectuelle plus soutenue qu’il obtient de ses géniteurs.
«Les parents consacrent plus de temps à la lecture et aux explications avec leur premier enfant», affirme Meri Wallace, thérapeute pour l’enfant et la famille à New York. Ainsi, au cours d’une promenade, le parent demandera à son enfant: «Pourquoi crois-tu que le ciel est bleu?» Les aînés développent une pensée plus analytique et conceptuelle. Des 23 premiers astronautes de la NASA, 21 étaient des aînés. Comme l’étaient Albert Einstein et Winston Churchill.
Mais à force d’être poussés à la réussite, les aînés deviennent perfectionnistes. Persuadés qu’il existe une bonne manière de faire les choses, ils sont plus critiques envers autrui. Les frères et sœurs plus jeunes le remarqueront lors des rencontres familiales, illustre Kevin Leman. «Vous avez élevé quatre enfants et votre sœur aînée vous explique comment préparer le repas.»
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Aîné: votre personnalité probable
Votre philosophie: «Je le ferai parfaitement et tu devrais faire pareil.» Vous êtes consciencieux, digne de confiance, sérieux, concentré sur les objectifs, organisé et analytique. Vous évitez ce qui est imprévisible.
On vous voit comme un leader, celui qui résout des problèmes et garde les traditions, mais votre regard critique, votre difficulté à pardonner et votre autoritarisme peuvent vous nuire.
Les aînés embrassent souvent des carrières comme le génie, le droit, la médecine, l’enseignement, les soins infirmiers, la comptabilité et la gestion.
Dans la relation amoureuse, vous êtes aussi exigeant envers votre partenaire qu’envers vous-même, ce qui ouvre la voie à la déception. Un couple de deux aînés risque d’être source de frictions, selon Kevin Leman, car chacun aspire à être le chef. Privilégiez les cadets.
Le cadet: un non conformiste
Si l’aîné aime bien faire les choses, l’enfant qui suit voudra les faire autrement. Après avoir observé attentivement son aîné, le cadet se taillera une niche distincte. L’aîné excelle en maths, au tennis et au violon? Lui se sentira attiré par les arts, la guitare et le vélo. Parmi les lauréats du prix Nobel, les aînés sont surreprésentés en science et les cadets en littérature. Historiquement, ces derniers ont été des moteurs de changements sociétaux: ils se sont battus pour l’égalité, la liberté d’expression et de culte et l’abolition de l’esclavage, rappelle Frank Sulloway. Mère Teresa, Darwin, Nelson Mandela et Gandhi étaient des cadets.
Quand ce n’est pas la dernière, la troisième naissance crée ce qu’il est convenu d’appeler l’enfant du milieu qu’il n’est pas toujours simple de caractériser – ce qui ne le gêne d’ailleurs pas puisqu’il fait des efforts pour ne pas être mis en boîte. Les enfants du milieu jouent facilement le rôle de conciliateurs entre frères et sœurs; cela en fait d’excellents négociateurs et les dispose au compromis. En groupe, ils semblent se débrouiller mieux que les aînés ou les benjamins. «Ils s’entendent bien avec tout le monde et sont doués pour apaiser les situations tendues, confirme Meri Wallace. Ils ont cette capacité de saisir les choses sous des angles différents.»
Les cadets – le deuxième sur trois, le deuxième et le troisième sur quatre, ou les cinq enfants entre l’aîné et le benjamin dans une fratrie de sept – sont les moins représentés dans l’album photo familial. Obtenant moins de temps de la part de leurs parents, ils forment des liens avec des camarades de même rang, et développent souvent de vastes réseaux d’amitié. Malgré l’amour profond qu’ils éprouvent pour leur famille, ils vivent souvent loin de la maison, s’intéressent peu à leur généalogie et sont les mieux préparés pour affronter les vicissitudes de l’existence.
Les enfants du milieu sont les plus monogames et les plus épanouis dans les relations amoureuses, suivant une enquête israélienne sur le bonheur. Pour l’écrivaine Katrin Schumann, qui a consacré un ouvrage au pouvoir des cadets, les enfants du milieu ont l’esprit plus ouvert et sont plus aventureux en matière de sexualité, même s’ils trompent moins leur partenaire que leurs frères et sœurs. Ces enfants ont moins recours à la thérapie et, suivant une étude espagnole de 2013, ils sont moins sujets à des troubles émotionnels. Ce qui trouve sans doute une explication dans la présence constante de frères et sœurs.
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Les cadets: votre personnalité probable
Votre philosophie: «Voyons les choses autrement.» Vous êtes sociable, inventif, agréable, ouvert d’esprit, parfois rebelle. On vous voit comme un conciliateur, un défenseur de l’opprimé et quelqu’un que l’injustice révolte.
Vous évitez la confrontation et refusez d’être catalogué. Certains se méfieront de votre côté mystérieux, de votre indécision et de votre réticence à dévoiler vos sentiments.
La médiation, la diplomatie, le travail social et l’enseignement sont de bons choix de carrière.
Dans la relation amoureuse, vous êtes fidèle. Vous vous en remettez parfois à votre partenaire dans l’intérêt de la collaboration et au détriment de vos propres sentiments. La communication peut être plus difficile entre deux personnes nées au milieu d’une fratrie, et le couple aura tendance à fuir les problèmes. Privilégiez un aîné ou un benjamin.
Le benjamin: en quête d’attention
Le bébé de la famille est moins soumis à la discipline, porte moins de responsabilités et bénéficie d’un plus large public. Si on lui demande rarement son opinion et que son point de vue n’intéresse guère, le benjamin apprend vite qu’en étant drôle et adorable, il retiendra l’attention et obtiendra l’assentiment des autres. On ne s’étonne pas de trouver de nombreux benjamins chez les humoristes: Jim Carrey, Tina Fey, Robin Williams, Steve Carell et Billy Crystal, pour ne nommer que ceux-là.
Les benjamins ont un plus grand sens de l’entreprise; d’après une étude menée en 2016 au Royaume-Uni, les benjamins issus de familles sans activité entrepreneuriale avaient plus de chances d’embrasser une carrière dans le milieu des affaires que leurs aînés. Cette attirance pour la prise de risque a toutefois des inconvénients; le benjamin versera plus facilement dans la dépendance, prévient Sue Varna, psychiatre à New York. Il découvre la sexualité à un âge plus tendre que ses aînés et c’est vrai aussi de la cigarette. Une étude sur les adultes en Suède a révélé que les benjamins mouraient plus que leurs aînés de cancers respiratoires. Comme ils commencent à fumer plus jeunes, cela favoriserait la dépendance.
En matière de santé, la bonne nouvelle vient cependant d’une étude japonaise de 2011 menée auprès de 13 000 enfants âgés de 7 à 15 ans, selon laquelle le benjamin courait moins de risques que les autres membres de sa fratrie de souffrir d’allergie au pollen ou d’intolérance alimentaire. Une explication possible: les plus jeunes sont plus exposés que leurs aînés aux microbes ramenés de l’école à la maison par les grands. Il y a aussi que, avec le temps, les parents sont moins à cheval sur le ménage, ce qui pourrait contribuer à stimuler le système immunitaire des plus petits.
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Le benjamin: votre personnalité probable
Votre philosophie: «Ça doit être sympa. Allons-y!» Vous êtes charmant, fougueux, divertissant, tendre, persuasif, sentimental, anxieux et aventureux. Vous cherchez à attirer l’attention et le respect et évitez les responsabilités.
Le benjamin apparaît comme quelqu’un qui met de la vie dans une soirée, qui prend des risques, qui fait figure de pionnier. Mais il peut aussi être distrait, égocentrique ou manipulateur.
Le théâtre, la comédie, la musique, l’art, le sport, la vente et le marketing sont autant de carrières taillées pour les benjamins.
Dans la relation amoureuse, vous êtes attachant, mais avez tendance à vouloir capter toute l’attention. Un mariage entre deux benjamins tournera autour du plaisir aux dépens des responsabilités. Privilégiez l’aîné ou l’enfant unique. D’après Kevin Leman, le benjamin a besoin de l’aîné pour se redresser, et l’aîné a besoin du benjamin pour se détendre.
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L’effet de la différence d’âge
Il se peut que vous ne vous reconnaissiez pas dans la description de votre rang de naissance, dit Jennifer Campbell, psychologue et chercheuse à l’université de Géorgie. «Seulement 60% des gens s’identifient à leur rang de naissance chronologique.» De nombreuses variables peuvent fausser l’effet, y compris le sexe. Si un garçon naît après une ou plusieurs filles (ou une fille après un ou plusieurs garçons), l’enfant sera parfois élevé comme un «premier-né fonctionnel» – le premier fils ou la première fille. Si l’écart entre les enfants est supérieur à cinq ans, l’effet du rang de naissance diminue. Un divorce, un handicap ou la mort d’un membre de la famille peut également moduler son effet.
De plus en plus d’enfants uniques
La famille réduite comme on la connaît aujourd’hui se traduit par une surabondance de premiers-nés et d’enfants uniques et peu d’enfants du milieu. Selon Kevin Leman, «de nos petites familles résultera sans doute un plus grand nombre d’enfants perfectionnistes et ambitieux.»
Et les enfants uniques? Ils recevront à vie toute l’attention de leurs parents, ce qui présente des avantages et des inconvénients. «Vous êtes à la fois le premier-né et le dernier, et cela diversifie les expériences», explique Meri Wallace. Vous serez peut-être très doué, mais infantilisé. Cela dit, «les enfants uniques sont comme de petits adultes parce qu’ils vivent dans un monde d’adultes», reconnaît Jennifer Campbell. Ne plaignons pas les enfants uniques: suivant une étude menée au Royaume-Uni, ils seraient plus heureux parce qu’ils n’ont pas à affronter la rivalité. Contrairement à ce que veut la croyance populaire, les enfants uniques ne sont pas solitaires. Les ressources que leur accordent les parents les conduisent souvent à la réussite.
Une dernière remarque: quel que soit votre rang de naissance, explique Kevin Leman, vous serez porté à penser que vos frères et sœurs ont été privilégiés. Le benjamin sera persuadé que l’aîné a eu droit à ce qu’il y avait de mieux; l’aîné enviera le cadet d’avoir pu choisir une voie indépendante; et tout le monde se plaindra que le bébé s’en soit toujours tiré sans conséquence. N’oubliez pas: le rang de naissance n’est qu’une influence, pas une fatalité.
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