Sensibilité aux parfums: les faits
À une époque où les ingrédients cosmétiques sont scrutés à la loupe, les produits sans parfum gagnent en popularité. Qu’y a-t-il donc dans ces substances pour que certains y soient aussi sensibles?
Les parfums ne conviennent pas à tous. À les sentir, certaines personnes toussent, éternuent, se mouchent, font une éruption accompagnée de démangeaisons ou ont une poussée migraineuse. Par conséquent, bien que plusieurs d’entre nous apprécient les parfums, certains souhaitent avoir la possibilité de trouver des produits qui n’en contiennent pas.
De fait, selon un sondage effectué par Roper Reports Canada, qui mène des enquêtes par interview pour le compte des entreprises, 37% des Canadiennes cherchent des cosmétiques ou des produits pour les soins de la peau ne contenant pas de parfum.
«J’aime bien me parfumer légèrement mais, dernièrement, je me suis mise à faire particulièrement attention aux fragrances que je porte, histoire de ne pas déranger les autres», de dire Holly Nathan, chargée de communication à la University of Northern British Columbia, qui ajoute que, par les temps qui courent, porter du parfum est «socialement inacceptable».
Existe-t-il une telle chose que la sensibilité aux parfums?
Pour les personnes sensibles, oui, cela existe et c’est bien réel. Selon Sandy Skotnicki-Grant, directrice médicale du Bay Dermatology Centre de Toronto et spécialiste de premier plan en matière de dermite de contact (inflammation qui peut provoquer des rougeurs, de la sécheresse cutanée et des cloques), les parfums des produits de soins personnels arrivent en deuxième place dans les causes d’allergies cutanées (après le nickel des bijoux) et en première dans les causes d’allergies aux produits de soins personnels. Lors d’une étude menée en 2004, on a découvert que 11% des sujets réagissaient au test épicutané, qui consiste à appliquer sur la peau un mélange standard des divers parfums entrant dans la composition des cosmétiques et des produits capillaires.
Les ingrédients qui provoquent le plus souvent des réactions sont la citronnelle, la mousse de chêne, le baume du Pérou et les parfums synthétiques (particulièrement le Lyral). Selon Sandy Skotnicki-Grant, de plus en plus de personnes réagissent aux parfums des plantes, notamment au ylang ylang, au jasmin et au narcisse.
«Ce n’est pas parce qu’il est naturel que le parfum n’exerce pas un effet irritant ou allergique, explique-t-elle. Les entreprises utilisent de plus en plus de parfums d’origine végétale. Or, nous commençons à observer des réactions à des plantes comme la sauge et le thym, qui ne font pas partie des allergènes les plus couramment utilisés dans nos tests épicutanés standard. Nous avons le sentiment que les réactions aux parfums sont en augmentation.»
Le docteur Roy Fox, directeur médical du Environmental Health Centre de la Nouvelle-Écosse (chef de file canadien en matière de sensibilités environnementales), fait remarquer qu’environ 16% de la population se dit sensible aux déclencheurs provenant de l’environnement, dont les fortes odeurs, et que près de 5% affirment que leurs symptômes sont assez graves pour les rendre malades.
Chaque année, plus de 300 nouveaux patients sont référés à la clinique du docteur Fox, la majorité parce qu’ils ont commencé à réagir aux déclencheurs provenant de l’environnement, particulièrement aux parfums. La plupart d’entre eux sont dans la trentaine ou la quarantaine et environ la moitié ont eu un emploi où l’exposition aux produits chimiques et aux odeurs fortes était élevée: peintres, coiffeurs, exterminateurs, réparateurs de carrosserie ou autres.
«C’est comme si, après avoir été exposé pendant des années, l’organisme humain ne pouvait plus le tolérer», explique Roy Fox. Les réactions se manifestent par des céphalées, de la toux, des douleurs musculaires, de la difficulté à respirer, de la confusion et de la fatigue. Le chercheur souligne en outre que, selon les résultats d’une étude publiée récemment, 44% des personnes souffrant de migraines déclarent que les parfums intenses peuvent déclencher une crise.
Une fascinante série d’études menées en Suède a permis d’observer que certaines personnes sensibles réagissaient même lorsqu’elles portaient un masque étanche et respiraient de l’air frais. Pour les fins de l’expérimentation, on avait libéré un parfum dans la pièce à l’insu des sujets qui portaient un masque et ne pouvaient donc ni le sentir ni le respirer. Ils ont pourtant commencé à montrer des symptômes. Les chercheurs en ont conclu que le parfum pouvait déclencher les symptômes par contact avec la peau ou les yeux.
Les produits non parfumés en pleine croissance
Heureusement, les consommateurs disposent désormais d’un plus grand choix. Il suffit de jeter un coup d’oeil aux produits de soins personnels vendus en pharmacie ou dans les magasins à rayons pour s’en assurer: il y a beaucoup plus de produits qui portent les mentions «non parfumé» ou «sans parfum» qu’il n’y en avait il y a même un an. Ainsi, le fond de teint minéral sans parfum s’impose comme tendance forte. Aveeno, Olay, Kiss My face et Curel offrent des produits sans fragrance pour les soins de la peau, sans oublier les entreprises comme Marcelle et Clinique, qui ont fait le choix depuis longtemps de ne fabriquer que des produits non parfumés. Spectro offre également de longue date des produits sans parfum.
Les produits Paula’s Choice, vendus en ligne, sont aussi exempts de parfums. Enfin, La Coupe, qui se spécialise dans les produits capillaires, vient de sortir une ligne de produits non parfumés. Darren Praznik, président de The Canadian Cosmetic, Toiletry and Fragrance Association, fait remarquer que l’industrie des produits cosmétiques est hautement concurrentielle et particulièrement sensible à la demande et aux besoins des consommateurs. «Nous avons observé une croissance de l’intérêt des consommateurs pour les produits sans parfum; en conséquence, l’industrie s’est adaptée et continuera d’être à l’écoute des besoins de sa clientèle. »
Porter du parfum en public
Chose certaine, au cours des cinq dernières années, de nombreux hôpitaux, universités, bibliothèques, bureaux de médecins et de dentistes, et lieux de travail à travers le Canada ont émis des directives incitant le public à ne pas porter de parfum. Quant aux panneaux «Pas de parfum s.v.p.!», ils se sont multipliés dans les lieux publics.
Pour ceux et celles qui aiment se parfumer et qui estiment que le bannissement des parfums est excessif, Holly Patttison, administratrice du Environmental Law Centre de l’université de Victoria a une solution. «Je le réserve pour les occasions spéciales et, même là, j’en utilise peu», explique-t-elle, reconnaissant qu’elle se sent souvent coupable d’en porter.
Porter du parfum de manière responsable consiste à respecter la règle suivante: cela doit rester une affaire privée. Autrement dit, l’odeur doit rester à l’intérieur d’un cercle dont le rayon n’excède pas la longueur de votre bras.
Étiquetage des produits: «sans parfum» ou «non parfumé»
En vertu des lois et règlements canadiens et internationaux, les termes «sans parfum» ou «non parfumé» peuvent signifier qu’il n’y a pas de parfums ajoutés ou qu’il y a un ingrédient qui masque l’odeur des autres ingrédients dans le cosmétique. Par conséquent, même un produit portant l’une ou l’autre de ces deux mentions peut renfermer un parfum si ce dernier n’a été ajouté que dans le but de masquer l’odeur des autres ingrédients. (A noter que les parfums sont classés selon la nomenclature internationale des ingrédients, l’INCI, créée par une association de fabricants de cosmétiques américains et qui sert de référence dans de nombreux pays, mais pas encore au Canada) (Remarque: encore ici, il a fallu corriger quelques erreurs dans le texte anglais).
Quant aux termes «hypoallergène», «hypoallergénique», «pour peaux sensibles», ils n’ont aucune signification légale ou scientifique en vertu de la nomenclature INCI ou des règlements et lois sur l’étiquetage, explique Sandy Skotnicki-Grant. «Il ne s’agit que de stratégies marketing. Les produits peuvent tout de même provoquer des réactions.»
Halifax se place en tête de file en Amérique du Nord
Halifax est, dans toute l’Amérique du Nord, l’endroit où la conscience des problèmes liés aux parfums est la plus aiguë. Au cours des dix dernières années, la Regional Municipality of Halifax, le gouvernement provincial, les hôpitaux, les institutions d’enseignement, les systèmes de transport en commun ainsi que de nombreuses salles de spectacle et entreprises ont adopté une politique de sensibilisation aux effets des parfums. Bien que non exécutoire, cette politique incite la population à rester consciente des sensibilités de certaines personnes et à renoncer au parfum.
Ailleurs au Canada, l’université de Calgary, l’université de Toronto et l’université McMaster ont adopté des politiques semblables.
Les parfums devraient-ils être bannis des lieux publics? Dites-nous ce que vous en pensez dans nos forums.