Qu’est-ce que la mode rapide (et pourquoi elle détruit l’environnement)?
Si vous cherchez à réduire votre empreinte carbone, à adopter un mode de vie plus vert ou à faire un petit changement qui a un impact positif, votre garde-robe est un endroit facile pour faire des choix d’achats respectueux de l’environnement. La mode rapide – ou mode éphémère – ne sera certainement pas votre alliée.
Il faut bien avouer que la mode rapide nous procure certains petits plaisirs: ce sont des vêtements bon marché qui nous permettent de rafraîchir notre garde-robe facilement et de suivre les dernières tendances. Cependant, ces mêmes marques de mode rapide cachent beaucoup de squelettes dans leurs placards. Et vous savez que quand quelque chose semble trop beau pour être vrai, ça l’est habituellement! Dans ce cas, les bas prix offerts sont possibles par le biais de raccourcis qui nuisent à l’environnement et de ceux qui les fabriquent.
Si une grande part de la responsabilité repose sur les épaules des marques, les habitudes de consommation ont aussi un rôle important à jouer, précise Reimer Ivang, fondateur de Better World Fashion, une marque danoise de mode durable. Les consommateurs peuvent contrer les dangers de l’impact environnemental de la mode rapide en apprenant à reconnaître les marques de cette mode éphémère, et en soutenant plutôt des marques de vêtements durables qui utilisent des procédés de fabrication et des textiles plus éthiques et respectueux de l’environnement. Et ce n’est pas seulement une question de ce que vous achetez, mais aussi de ce que vous faites de vos vêtements une fois que vous ne les portez plus. Vous pouvez faire le bon geste en recyclant ou en valorisant les vêtements au lieu de les jeter.
Mais avant de vous donner des trucs sur la façon de magasiner des vêtements plus durables, voici d’abord comment la mode rapide est devenue si polluante.
Qu’est-ce que la mode rapide exactement?
Vous voyez une robe à 10$ ou un t-shirt à 5$ accroché dans un magasin? Les chances sont que ce soit de la mode rapide. Le magasin qui habille ses mannequins de nouveaux vêtements chaque semaine ou un site web qui met ses offres à jour quotidiennement, c’est aussi de la mode rapide. Fondamentalement, les vêtements tendance bon marché sont de la mode rapide. Le terme fait référence à un modèle d’affaires où les manufacturiers établissent un système qui reproduit rapidement les plus récents styles portés par les vedettes et sur les podiums dans le but de les vendre à une fraction du prix des collections de designers. Ces collections sont produites à une échelle de masse qui encourage un comportement où l’on magasine et jette des vêtements pour les remplacer rapidement par de nouveaux.
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Comment la mode rapide a-t-elle commencé?
Au tournant du 20e siècle, la majorité des vêtements étaient confectionnés selon vos mesures, que ce soit dans un magasin spécialisé ou encore faits main à la maison. Cela pouvait prendre des semaines pour les fabriquer. Tout a commencé à changer quand les chaînes de montage et les manufactures qui ont marqué la révolution industrielle sont peu à peu devenues un pilier de la production vestimentaire, et c’est demeuré ainsi depuis.
Au début des années 1960 – lorsque l’Américain moyen achetait moins de 25 morceaux de vêtements par année –, la mode a commencé à se transformer plus rapidement, et le processus de fabrication a évolué en même temps afin de satisfaire les goûts en perpétuel changement. Le rythme s’est encore accéléré depuis: selon certaines estimations, les Américains ont acheté une moyenne de 68 morceaux de vêtements pour l’année 2018. Selon une étude, chaque morceau est en moyenne porté seulement sept fois avant d’être mis de côté. Mais où vont tous ces vêtements inutilisés? Au site d’enfouissement, pour un total de 10,5 millions de tonnes de textiles (la majorité étant des vêtements) en 2015, selon l’Environmental Protection Agency.
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Exemples de marques de mode rapide
L’une des pionnières de la mode rapide est la célèbre marque espagnole Zara. Fondée en 1975, l’enseigne de mode s’est fait un nom en fabriquant des versions moins coûteuses de vêtements haut de gamme. Ce modèle a été imité par de nombreuses autres enseignes, notamment H&M, Shein, Boohoo, Uniqlo, Topshop, Primark, Mango et bien d’autres.
Comment reconnaître les marques de mode rapide
La mode bon marché repose sur de la main-d’œuvre et des textiles bon marché. Voici quelques signes évidents à surveiller :
- Des prix bas. Une des façons les plus simples de reconnaître une marque de mode rapide est de regarder les prix. S’ils sont trop beaux pour être vrais, ils le sont probablement.
- Des tissus synthétiques. Si certains vêtements de qualité sont fabriqués à partir de polyester, de rayonne et de nylon, la mode éphémère utilise généralement davantage ces matières synthétiques que des textiles naturels comme le coton et la soie.
- Des finitions mal faites. Vérifiez coutures et boutons. Les coutures des vêtements de mode rapide peuvent lâcher facilement et les boutons se détacher.
- Un inventaire tournant. Les marques qui mettent leur inventaire à jour hebdomadairement ou aux deux semaines suivent le modèle de mode rapide pour faire en sorte que les consommateurs achètent plus, jettent plus et rachètent toujours plus.
Les rapports d’Experian – une agence d’évaluation du crédit à la consommation – montrent de toute manière que la fraude en matière d’achats en ligne est en augmentation. Découvrez comment repérer les sites suspects lors de vos achats en ligne.
Les problèmes liés à la mode rapide
Pour arriver à mettre tous ces nouveaux vêtements dans les mains des consommateurs, on doit tourner les coins ronds en matière de conception, de production et d’expédition.
L’impact environnemental
Le polyester est l’un des textiles les plus populaires et bon marché; malheureusement, il vient avec son lot de problèmes. Par exemple, ça prend près de 432 millions de barils de pétrole annuellement pour fabriquer des matières synthétiques. Cette dépendance aux combustibles fossiles produit des émissions de gaz à effet de serre qui sont liées aux changements climatiques. Ces textiles composés de plastique présentent aussi une menace en dispersant dans la laveuse des microplastiques – minuscules pièces de plastique de 8 millimètres de long – qui se retrouveront ensuite dans nos cours d’eau et finiront par polluer les océans.
Même les textiles naturels entraînent des problèmes lorsqu’ils sont utilisés par des enseignes de mode rapide. En 2019 seulement, des cultures de coton conventionnelles aux États-Unis ont nécessité 68 millions de livres de pesticides. Et ces produits chimiques ne se retrouvent pas uniquement dans les cultures de coton, ils contaminent aussi les sols par les eaux de ruissellement et présentent un risque de contamination de l’eau et des sols pour les communautés locales.
La mode rapide ou éphémère n’est guère mieux quand il s’agit de la prochaine étape de la conception, la teinture, qui permet d’obtenir toutes ces belles couleurs. Ça prend jusqu’à 200 tonnes d’eau pour produire une tonne de vêtements teints. Pire encore, les teintures conventionnelles utilisées sont un mélange de produits chimiques qui ne se décomposent pas correctement en entrant dans les cours d’eau et les océans. Avec le temps, ces produits s’accumulent dans l’environnement et, dans certains cas, les cours d’eau situés à proximité d’usines où les eaux de ruissellement provenant du procédé de teinture entrent deviennent trop dangereux à utiliser. En Chine, par exemple, une capitale mondiale de l’industrie de fabrication de vêtements, plus de 70% des fleuves et des rivières sont contaminés et considérés dangereux pour utilisation humaine.
Miriam Diamond, environnementaliste, explique plus en détail en quoi les vêtements issus de la mode éphémère sont toxiques.
Le coût humain
Les vêtements bon marché sont faits par de la main-d’œuvre bon marché: 35 cents de l’heure, c’est le salaire des employés de manufactures qui fabriquent des vêtements pour certaines enseignes de mode populaires.
Les conditions de travail sont parfois dangereuses aussi. L’accident de 2013 dans l’édifice Rana Plaza au Bangladesh a mis en lumière le coût humain lorsque le bâtiment qui abritait cinq manufactures de vêtements s’est effondré, tuant plus de 1000 travailleurs. La tragédie a braqué les projecteurs sur les conditions inhumaines qui avaient cours dans le bâtiment, entre autres les salaires de misère, les violations des droits du travail comme les journées de 14 heures, l’abus physique et verbal ainsi que l’exposition à des produits chimiques dangereux.
Ces enjeux n’ont malheureusement pour la plupart pas été réglés dans l’industrie de la mode, et les groupes de défense des droits humains continuent de se battre pour les droits des travailleurs. Vous pouvez faire votre part en achetant des marques certifiées «commerce équitable».
Bien qu’il semble évident que la mode ne devrait pas coûter des vies et endommager notre planète, c’est pourtant ce qui se passe. Découvrez ce que vous pouvez faire pour changer les choses.
L’impact sur les animaux
La mode rapide ou éphémère fait souffrir les animaux de plusieurs façons. Les microplastiques dont nous avons parlé ne font pas que polluer les océans, ils sont aussi dangereux pour la vie aquatique. Des minuscules arénicoles aux énormes baleines en passant par les crevettes, les créatures marines ingèrent des microplastiques. Alors que les effets des microplastiques sur la vie marine sont encore à l’étude, la recherche démontre qu’ils peuvent bloquer le système digestif des plus petites créatures et mener à leur dépérissement. Il ne s’agit que d’une des multitudes raisons de dire non au plastique pour sauver l’environnement.
Et puis il y a les menaces à leurs habitats. La rayonne et la viscose sont composées de pulpe de bois. Des forêts entières en Indonésie, au Canada et en Amazonie ont été coupées pour fabriquer des vêtements, détruisant du même coup des habitats de la faune.
Finalement, l’impact le plus direct sur les animaux touche ceux élevés et abattus pour les matières qu’ils produisent, comme la soie et le cuir. Alors qu’on argumente à savoir si on doit éviter tous les produits animaux, les cas de ceux qu’utilisent les manufacturiers de mode éphémère sont particulièrement odieux. Par exemple, certains vers à soie sont bouillis vivants afin de pouvoir récolter la soie de leurs cocons. (La soie sauvage, ou la soie « de la Paix », est une option jugée moins cruelle puisque le ver laisse simplement son cocon derrière lui.)
Les vêtements jetables
La plupart des vêtements créés par les enseignes de mode rapide se retrouvent ultimement dans les sites d’enfouissement; certaines estimations suggèrent que l’Américain moyen jetterait 37 kilos de vêtements chaque année. «Parce que les vêtements sont bon marché et qu’il y en a beaucoup, nous portons moins chaque morceau et le jetons plus rapidement qu’avant», explique Karla Magruder, fondatrice de Accelerating Circularity, un groupe qui encourage la mode recyclable. «Les Américains jettent approximativement 11 à 12 millions de tonnes de textiles par année», dit-elle.
Alors, que pouvons-nous faire maintenant?
Maintenant que vous savez ce qu’est la mode rapide ou éphémère et que vous avez une meilleure idée comment reconnaître ces marques, vous pouvez commencer à rechercher des vêtements mode plus durables. Au début, vous serez peut-être tenté d’adopter la collection «consciente» de H&M ou la dernière collection «durable» de Boohoo. Mais sachez que ces collections ne sont habituellement rien de plus que de l’écoblanchiment. «Beaucoup de compagnies utilisent le terme [durable] pour montrer qu’elles ont changé un petit pourcentage de leurs modèles d’affaires mal faits, mais elles sont loin de faire partie de la solution», ajoute Raimer Ivang.
C’est une meilleure idée de plutôt rechercher dès le début des marques durables ayant intégré des pratiques de fabrication durables dans leur modèle d’affaires. Pour une compagnie, ça peut par exemple vouloir dire s’approvisionner en textiles naturels ou biologiques (la certification GOTS est le label international de certification des textiles biologiques reconnu dans le monde) et s’assurer que ses travailleurs reçoivent un salaire raisonnable et qu’ils ont des conditions de travail équitables.
Une autre façon d’encourager la durabilité est de magasiner moins, d’acheter des vêtements vintage ou de seconde main, de porter vos morceaux plus longtemps et de recycler ou de valoriser vos vieux vêtements au lieu de les jeter. Recycler vos vêtements peut avoir comme avantage supplémentaire de créer des textiles pour les marques qui recyclent les tissus existants au lieu de compter sur de nouvelles ressources, explique Karla Magruder.
À quoi doit-on s’attendre de la mode?
Beaucoup de changements doivent être apportés pour améliorer l’industrie, et ce, tant pour l’environnement que pour ceux qui fabriquent les vêtements. La durée de vie d’un vêtement – des matières brutes utilisées au temps qu’on le porte et comment on en dispose – constitue la clé pour créer un meilleur modèle de mode. «L’industrie de la mode doit apprendre comment fabriquer moins de vêtements plus durables, faits de manière à leur permettre d’être facilement recyclés», affirme Karla Magruder.
En tant que consommateurs, nous n’avons pas à attendre des marques de mode rapide qu’elles recyclent et créent de meilleurs vêtements. Nous pouvons dès maintenant commencer à soutenir les marques de mode durable, à acheter moins globalement, à valoriser et à recycler nos vêtements. Si vous souhaitez en savoir plus sur des façons créatives de valoriser les vêtements, lisez sur Ocean Sole, le groupe kényan qui transforme les vieilles sandales de plage en magnifiques œuvres d’art.
Aussi, renseignez-vous sur l’écoblanchiment, qui est essentiellement un mensonge. Voici un guide pour faire la différence entre les bonnes et les mauvaises initiatives car certaines marques durables disent la vérité. Qu’est-ce que l’écoblanchiment et pourquoi faut-il s’en préoccuper?
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