Notre corps parfaitement imparfait
Mon corps est presque parfait. Enfin, pas seulement le mien – le vôtre également.
Songez, par exemple, que vos ongles sont assez durs pour gratter les résidus noirs au fond d’une casserole émaillée, mais assez doux pour ne pas laisser de rayure. Malgré des décennies de recherche par les fabricants de tampons à récurer, de brosses et d’éponges, aucune autre matière ne semble capable d’accomplir cette simple tâche avec une telle perfection. Arrêtons d’être durs avec notre corps qui nous semble toujours imparfait.
Il est vrai que le corps humain a mauvaise presse par les temps qui courent. C’est qu’il a une tendance occasionnelle à lutter contre lui-même. Le coronavirus est ainsi capable de déclencher ce que l’on appelle un choc cytokinique, une réaction excessive du système immunitaire, parfois fatale. Dans ses efforts pour repousser l’armée d’envahisseurs, le corps fait exploser sa propre réserve de munitions.
Aussi il est bon, en ces temps difficiles, de se rappeler à quel point le corps, à bien des égards, fait le plus souvent un excellent travail.
Le nez est ainsi rempli de minuscules poils qui retiennent la poussière de l’air avant qu’elle ne pénètre dans nos poumons. La gorge défaille rarement, alors qu’elle doit s’acquitter de deux missions improbables en servant de conduit à la fois pour l’oxygène et la nourriture. Pensez encore à ce petit chef-d’œuvre d’ingénierie: le front humain produit une fine pellicule de sueur lorsqu’il fait chaud, afin d’aider le corps à libérer de la chaleur. Plus vous avez chaud, plus vous produisez de sueur. Malin, non?
Dans Une histoire du corps humain à l’usage de ses occupants, Bill Bryson rappelle qu’entre une et cinq cellules de notre corps deviennent cancéreuses chaque jour. Et presque à chaque fois, le système immunitaire les localise et les tue. «Nos corps sont un univers composé de 37,2 billions de cellules œuvrant dans une harmonie plus ou moins parfaite, plus ou moins tout le temps.»
Tout n’est pas parfait, bien sûr. Prenons par exemple le fait qu’un homme adulte de proportions normales découvre, chargé de front par un enfant de deux ou trois ans, que ses parties génitales se trouvent à la hauteur idéale pour une collision, qui, trop vigoureuse, pourrait même compromettre la création d’autres enfants. Du point de vue des rivalités fraternelles, c’est plutôt bien pensé.
Les boutons d’acné à l’adolescence demeurent également un mystère. Et pourquoi doivent-ils apparaître sur le visage, l’endroit le plus visible du corps, plutôt que dans une zone plus discrète, comme l’arrière des genoux? Et pourquoi les poussées d’acné surviennent-elles au moment précis où nous commençons à nous intéresser à l’amour? Pourquoi ne peut-on pas se débarrasser de cette phase des boutons à 10 ans, quand on ne se préoccupe pas encore de son apparence? Ou à 90 ans, quand la plupart des gens s’en moquent à nouveau?
Si j’étais un ingénieur supervisant l’évolution du corps, j’aurais également passé plus de temps à choisir certains matériaux. Les parties les plus sollicitées – les hanches et les genoux – ne devraient-elles pas être un peu plus durables? Est-il bien sage de rendre la bouche responsable d’autant de tâches aussi cruciales – manger, respirer et parler?
Malgré tout, il faut savoir reconnaître ce que nous avons. N’est-il pas merveilleux que nos cheveux poussent à un rythme d’environ un centimètre par mois – assez vite pour que les coiffeurs puissent gagner leur vie, mais pas trop pour qu’il y ait chaque fois un nouveau sujet de conversation.
Et je ne sais pas où je serais si on n’avait pas songé à équiper le corps humain d’un derrière. Comme l’écrivain australien Tim Winton l’établit dans son livre pour enfants The Bugalugs Bum Thief, les êtres humains sans fesses ne peuvent s’asseoir; ils s’abaissent vers une chaise et glissent tout bonnement dessus.
Et puis sans fesses, nous serions debout toute la journée, ce qui nous rendrait trop fatigués pour faire ce pour quoi tous les humains devraient ménager du temps – chanter une ode au corps et tous les miracles qu’il accomplit (généralement) pour nous.
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