En qui les Québécois ont-ils vraiment confiance?
Qu’ils soient politiciens, animateurs, chroniqueurs ou juges, la plupart ont fait de leur franc-parler une marque de commerce.
La confiance, cette année, va aussi à ceux qui parlent haut et fort pour dénoncer les injustices.
« Ce qui se dégage de ce palmarès, dit Yves Boisvert, chercheur en éthique et professeur à l’École nationale d’administration publique (ENAP), c’est le peu de tolérance des gens à l’égard de tout ce qui est malversation et corruption des pouvoirs publics. »
Les politiciens les plus plébiscités, les Coderre, Labeaume et, dans une moindre mesure, Thomas Mulcair, « n’ont pas la langue de bois », affirme le chroniqueur Richard Martineau, présent pour la première fois dans notre palmarès annuel.
« Les gens sont exaspérés par cette langue de bois, et on le constate dans les résultats de ce sondage », confirme Steve Flanagan, président de Flanagan Relations publiques. « Il y a beaucoup de cynisme et de scepticisme envers la classe politique », estime de son côté l’animateur Paul Arcand, troisième au palmarès cette année.
Même s’il comprend que les politiciens doivent être prudents, la « cassette » est selon lui dépassée. « Mais paradoxalement, je m’aperçois aussi qu’à travers ces résultats il y a beaucoup d’espoir. »
Découvrez les 20 personnalités publiques en qui les Québécois ont le plus confiance.
Source: le sondage a été mené en ligne par Ipsos Reid auprès de 803 Québécois, du 10 au 17 novembre 2014.
En 20e position : Richard Martineau
Habitué des controverses, Richard Martineau suscite des réactions opposées, voire extrêmes. Il était donc particulièrement heureux de figurer au palmarès cette année. « C’est un baume sur mes plaies », avoue-t-il.
Il estime toutefois bien vivre avec la polémique. « Si tu essaies de plaire à tout le monde, tu t’éloignes de toi-même. » Cela dit, il ne recherche pas son nom sur Google ni sur Twitter. Pour se protéger, déclare-t-il. « Les médias sociaux ont « crinqué » le ton. La virulence des propos, c’est très dur, très violent. »
Quand il écrit ses chroniques dans Le Journal de Montréal ou anime son émission quotidienne à LCN, Richard Martineau ne fait pas « de la musique de chambre », comme il le dit. Mais au-delà des prises de position litigieuses et des phrases chocs, il croit que sa responsabilité ultime est de susciter la discussion.
« Il y a des gens qui ne pensent pas comme moi. Je ne souhaite pas les convertir. Ce que j’aime le plus, c’est quand on me dit : « j’ai discuté de ta chronique en famille ». »
En 19e position : Anne-Marie Dussault
Anne-Marie Dussault se considère comme une « pure et dure » de l’information : elle présente des faits et donne la parole à ses invités, en les mettant face à leurs contradictions. Elle dirige son émission, 24/60, sur RDI, d’une main de maître, sans compromis pour le chichi, le spectacle, ou ce qu’elle appelle « le mélange des genres ».
Elle est ravie d’avoir la confiance des gens. « Ça veut dire que notre travail est pertinent. » Trente-cinq ans de métier derrière le micro, elle a toujours choisi des émissions sinon exigeantes, à tout le moins sérieuses.
« Je n’offre pas de temps d’antenne gratuit à mes invités. La complaisance, ça ne fait pas partie de mes normes journalistiques. Je n’ai qu’un parti pris, celui du citoyen, qui veut qu’on pose des questions. Mon métier n’est pas d’être aimée. Mais respectée. »
En 18e position : Stephen Harper
Sur Twitter, pour les anglophones, il est @pmharper et, plus prosaïquement,@premierministre pour les francophones. Cette appellation anonyme s’accorde bien avec la perception que l’on a de ce premier ministre que certains accusent de vouloir museler les scientifiques, brimer l’accès à l’information, et qui brigue à l’automne prochain rien de moins qu’un quatrième mandat consécutif.
« Au Québec, on le connaît assez mal, finalement, croit la politologue et chroniqueuse politique Josée Legault. Du moins, ses racines idéologiques et intellectuelles, qui s’inspirent des Républicains. » Habitué des controverses, Stephen Harper n’a cependant jamais été soupçonné de corruption ou de malversation.
Un facteur sans doute déterminant lorsqu’il est question de confiance.
En 17e position : Jean-René Dufort
L’animateur du désopilant Infoman a commencé par dire qu’il est « facile de gagner contre les politiciens », avant d’apprendre… qu’il se classait derrière cinq d’entre eux ! « Je les aurais mis après moi ! » répond-il en riant.
« Cette confiance, ça nous fait extrêmement plaisir », a ajouté celui qui se fait une fierté, après 15 ans d’une émission hebdomadaire, de ne jamais aller prendre une bière avec un politicien, histoire de garder de saines distances.
On lui reproche parfois de les rendre sympathiques, ces politiciens, avec ses entrevues atypiques et ses mises en scène farfelues. Il s’en défend bien. « On ne peut pas inventer des qualités ou des défauts aux politiciens. Ce que les gens perçoivent d’eux, c’est ce qu’ils sont. Il n’y en a pas qui sont « juste poches ». Il y a plein de nuances de gris. »
Leur travail est difficile, admet-il, et il ne ferait pas mieux à leur place.
En 15e et 16e position : Julie Snyder et Pierre Karl Péladeau
Ils forment un couple dans la vie, et le hasard a voulu qu’ils figurent côte à côte dans ce palmarès, avec une légère avance pour madame.
Productrice, animatrice et femme d’affaires aguerrie et aimée du public, Julie Snyder n’est surtout pas « la femme de quelqu’un d’autre », comme l’a maladroitement qualifiée François Legault, le chef de la Coalition Avenir Québec. Il s’en est excusé… non sans avoir subi les foudres du « mari ».
Ce dernier, député péquiste de Saint-Jérôme, polarise l’opinion publique, note Josée Legault, et jouit d’une notoriété exceptionnelle. Le couple le plus médiatisé et, sans doute, le plus puissant du Québec, rallie tout à la fois les affaires, la politique, les médias et le showbiz.
Tous deux ont eu une année bien remplie, avec au programme une élection, une nouvelle production télé, un accident, une séparation, une réconciliation, bientôt un mariage et – peut-être – un couronnement à la tête du Parti québécois.
[NDLR : au moment de mettre en ligne, l’élection à la direction du PQ n’avait pas encore eu lieu].
En 14e position : Régis Labeaume
Le maire de Québec ne compte pas aller voir le groupe AC/DC sur les plaines d’Abraham cet été, s’avouant « plus Metallica ». Qu’importe ses allégeances, la Vieille Capitale aura rarement eu un maire aussi rock ‘n’ roll, dont le fait d’armes le plus médiatique est sans doute son acharnement à ramener une équipe de la Ligue nationale de hockey à Québec.
Il a noué une relation amicale avec un politicien qui lui ressemble : Denis Coderre. En janvier 2015, à l’émission Les francs-tireurs, où tous deux participaient, le maire de Montréal lui a rendu ce bel hommage:
« Ce que j’ai toujours apprécié en politique, c’est l’authenticité. C’est un antidote contre le cynisme. Quand tu es authentique, tu as le droit à l’erreur. Je pense que là-dessus, Régis a changé le monde municipal. »
En 13e position : Guy A. Lepage
Depuis 2004, tout ce que le Québec compte de personnalités influentes sont invitées à sa tribune à la fois survoltée, désinvolte et, parfois, controversée. Les cotes d’écoute de Tout le monde en parle, cette messe dominicale où il finit toujours par se passer quelque chose, oscillent entre 1 et 1,5 million de téléspectateurs.
Guy A. Lepage, a été producteur et acteur dans des films et des téléséries, dont Un gars, une fille qui collectionne Félix, Gémeaux, Artis, Métrostar… Cet été, avec toute la bande de Rock et Belles Oreilles, il compte remplir le Centre Bell avec un spectacle musical, The Tounes.
Comme celle de Véro, la popularité de Guy A. inspire la confiance… et vice versa.
En 12e position : Alain Gravel
Lorsqu’il animait Enjeux, Alain Gravel se faisait arrêter dans la rue par des gens qui le félicitaient pour « son beau programme ». Depuis les débuts d’Enquête, on l’arrête encore dans la rue, mais pour lui dire simplement « merci ».
« C’est très gratifiant », déclare celui qui, comme tous les journalistes, rêvait de changer le monde. Dans son cas, ce rêve est devenu réalité : les enquêtes qu’il a mené avec son équipe depuis plusieurs années ont secoué l’industrie de la construction : nouvelles lois, nouveaux règlements, des municipalités sens dessus dessous, des individus arrêtés, menottés, accusés, jugés.
« Jamais dans ma vie je n’aurais pensé que notre travail aurait autant changé le visage du Québec », s’étonne celui qui prendra la barre de l’émission matinale sur les ondes de ICI Radio-Canada Première, en août 2015. Récemment, ce dernier annonçait qu’il quittait l’émission Enquête.
Figurer au palmarès de la confiance réjouit celui qui se qualifie de « straight comme un poteau de téléphone ». À la moindre erreur, explique-t-il, c’est toute la crédibilité d’Enquête qui aurait pu s’effondrer.
« J’ai toujours eu l’impression que je jouais ma carrière à chacun de nos reportages. » Il s’est toujours assuré d’être « double bétonné », même si certaines investigations ont pris prendre un an et demi avant d’être diffusées.
Lui et son équipe ont reçu moult plaintes à l’ombudsman, des mises en demeure, des poursuites. « On touche du bois, on a gagné toutes nos causes, précise Alain Gravel, ou bien nos accusateurs se sont désistés. »
Ce « on » n’est pas anodin : pour lui, c’est toute l’équipe d’Enquête qui ont reçu la confiance des Québécois.
En 11e position : Chantal Hébert
Née en Ontario, élevée à Hull, puis à Toronto, sa maîtrise des deux langues officielles lui permet d’être aussi à l’aise – et présente – dans les médias francophones qu’anglophones.
Ses analyses politiques justes et sans compromis sont redoutées de tous les politiciens. À l’émission Tout le monde en parle, le fou du roi l’a déjà surnommée « La louve des SS ».
Impossible de savoir pour quel parti elle penche. « Même mes fils ignorent mes convictions politiques profondes », a-t-elle confié à un magazine féminin.
En 10e position : Philippe Couillard
Ses opposants disent parfois de lui qu’il manque d’intelligence émotionnelle, mais force est d’admettre que les Québécois lui font confiance : le nouveau premier ministre obtient
un honnête 19 %.
Et ce, en plein débat sur les régimes de retraite des employés municipaux. « Philippe Couillard parle à la frange plus conservatrice de l’électorat québécois », note Josée Legault.
Et ça semble fonctionner.
En 9e position : Thomas Mulcair
Si la vague orange a connu quelques ratés parmi la cinquantaine de députés élus au Québec, le chef du NPD, Thomas Mulcair, demeure populaire et, surtout, respecté des Québécois. Investi de la tâche délicate de succéder au charismatique Jack Layton, il a gagné son pari. « Il a mérité beaucoup de respect, car il a su relever cet immense défi, tout en s’imposant à la Chambre des communes », souligne chroniqueuse Josée Legault.
Elle n’est pas étonnée de son excellente position au palmarès. « Il est perçu comme honnête, intègre, avec un caractère fort. » Moins jovial que Jack Layton, il parsème cependant son compte Twitter de photos le montrant en train de pétrir son pain, d’aiguiser des patins ou de brandir un homard. « Thomas Mulcair est bien conscient que, pour rivaliser avec Justin Trudeau durant cette précampagne électorale, il doit aussi jouer la carte people », remarque Josée Legault.
En 8e position : Céline Galipeau
La première réaction de Céline Galipeau, en apprenant qu’elle figurait une fois de plus au palmarès a été de se sentir émue et privilégiée. « Je le prends comme un cadeau. Merci ! Ça me touche beaucoup, cette confiance. Dans mon métier, c’est ce qui est le plus important. »
La seconde fut la surprise, malgré sa longévité à la tête du Téléjournal d’Ici Radio-Canada, où elle fait preuve de sérieux et d’une solide maîtrise de ses sujets. Elle estime que l’ère est aux commentateurs, à l’opinion, ce qu’elle dit ne pas être. Elle juge que ce n’est pas son rôle en tant que journaliste. « Je suis là tous les soirs, à la télé, mais je ne suis pas la plus flamboyante.
Nous sommes dans une ère où les extraverties sont très à l’aise, dit-elle en riant. Les selfies, ça n’est pas dans ma nature. » Cela dit, elle se sent bien entourée, juste derrière France Charbonneau.
En 7e position : France Charbonneau
Depuis novembre 2011, les Québécois associent France Charbonneau au décryptage d’un système mafieux, celui de la collusion et de la corruption. Ainsi, pour la troisième année, la rigoureuse juge figure dans notre palmarès des personnalités en qui les Québécois ont le plus confiance.
Après avoir lancé des phrases devenues mythiques comme « Êtes-vous en train de nous dire que vous étiez imbécile et incompétent ? » la présidente de la Commission d’enquête sur l’octroi et la gestion des contrats publics dans l’industrie de la construction s’est retirée pour écrire son rapport, qui sera dévoilé en novembre 2015.
« Quelles que soient ses conclusions, les choses ont déjà changé, déclare l’animateur Alain Gravel. Le rapport va simplement mettre un sceau officiel sur des années de collusion et de corruption déjà révélées. »
En 6e position : Véronique Cloutier
C’est la « Oprah » québécoise, la reine des ondes et des médias sociaux, celle qui transforme tout ce qu’elle touche en or. Elle est une diva non seulement de la télé, mais aussi de la radio.
Depuis peu, elle laisse éclater son talent de comédienne dans le spectacle qu’elle a créé avec son conjoint, Louis Morissette. En janvier dernier, l’ADISQ remettait au couple un billet platine, signifiant que Les Morissette avait dépassé les 100 000 billets vendus.
Entre-temps, cette hyperactive se décrit ainsi sur son compte Twitter, où 240 000 personnes la suivent quotidiennement : « Mère de trois enfants, je fais de la radio et de la télé dans mes temps libres :-) »
Pour le professeur Yves Boisvert, popularité et confiance sont deux notions très distinctes, mais souvent confondues. Dans le cas de Véro, depuis qu’elle est apparue sur la scène publique, sa notoriété ne se dément pas. Et c’est ce qui pourrait expliquer, selon lui, qu’elle vous inspire aussi confiance.
En 5e position : Denis Coderre
Le maire hyperactif de Montréal, aux plus de 38 000 tweets, n’est en poste que depuis novembre 2013, mais on dirait une éternité. Son style direct et son langage coloré ont séduit les Québécois, et les Montréalais en particulier.
En près d’un an, il a su renverser sa cote de confiance auprès du public, de façon assez spectaculaire si on se réfère à notre palmarès de l’année dernière, où il se classait parmi les personnalités en qui les Québécois avaient… le moins confiance ! Dans sa revue de fin d’année, Infoman l’a même applaudi, c’est tout dire !
« Montréal a été sans leadership pendant longtemps. Puis arrive un gars comme Denis Coderre, qui n’a pas que des amis, mais dont même les ennemis reconnaissent l’efficacité. Tu peux être en désaccord avec lui, mais au moins tu dis : « Il se passe quelque chose », affirme l’animateur Paul Arcand. Il n’a pas la langue de bois, il ne tourne pas autour du pot. »
L’animateur connaît bien des gens pour qui Denis Coderre représentait la quintessence du politicien, dans le mauvais sens du terme, et qui avouent aujourd’hui du bout des lèvres : « Eh bien, il n’est pas si pire que ça. »
Ancien député et ministre à Ottawa, il a su se faire entendre. « C’est un pitbull qui mord, et qui aboie plus fort que les autres », a déclaré à son sujet la journaliste Chantal Hébert, lors de son passage à Tout le monde en parle.
Et les Québécois aiment ça. À suivre… si vous en êtes capable !
Dans notre prochain numéro du Sélection du Reader’s Digest, nous publierons d’ailleurs un portrait du maire Denis Coderre.
En 4e position : Sophie Thibault
À l’instar de ses confrères Pierre Bruneau et Céline Galipeau, Sophie Thibault est une habituée de ce palmarès. Un bel honneur, reconnaît-elle, et crucial. « La confiance, c’est la pierre d’assise de notre métier. Ça en prend quand tu livres les nouvelles à 600 000 téléspectateurs devant leur petit écran. »
On lui dit parfois : « Ah ! c’est ma Sophie ! » « Je leur appartiens. Ça joue pour la confiance, admet la chef d’antenne. Le bulletin de nouvelles est aussi le leur. Lorsque TVA a voulu introduire quelques petits changements de concept à l’automne, les réactions ont fusé. « Une téléspectatrice, qui m’écrit toutes les semaines, m’a dit : « je m’ennuie de la finale du bulletin où tu nous souhaitais bonne nuit en nous regardant dans les yeux ! » On a donc ramené cette finale. »
Cette grande affection, Sophie Thibault l’a aussi inspirée en révélant certains aspects de sa vie privée dans les magazines people. Ce n’est pas venu naturellement pour cette fille de journaliste, convaincue que la seule vedette, c’est la nouvelle. « Ç’a été un apprentissage. J’ai compris qu’on est dans une sorte de star system et que, oui, je suis une vedette, puisque je suis à la télé tous les jours. »
Mais ce privilège s’accompagne d’une grande responsabilité. « Parfois, je me pince. Comment ai-je mérité cette confiance ? J’ai mes moments d’angoisse, avoue-t-elle. Chef d’antenne, c’est une pression énorme. Je ne peux jamais faire mon travail sur le pilote automatique. »
Certaines nouvelles qu’elle doit livrer l’affectent profondément. Les personnes âgées qu’on doit séparer, la jeune fille qui attend une greffe qui lui sauvera la vie, les animaux maltraités. Et les tragédies comme celle de Charlie Hebdo. « Je dois tenir le coup pendant tout le show. »
Année après année, Sophie Thibault s’efforce de gérer la pression. « Autant j’apprends, autant je m’use ! » Mais avec plus d’un demi-million de personnes qui attendent son « bonne nuit » pour aller dormir, beaucoup espèrent sans doute qu’elle tienne la barre encore longtemps.
En 3e position : Paul Arcand
L’homme qui pose « les questions que tout le monde aurait envie de poser », comme il le dit lui-même, aux ministres, syndicalistes, décideurs, comme aux responsables des relations publiques et acteurs de tout acabit, a 25 ans d’expérience derrière le micro. Et ça s’entend.
Paul Arcand, l’animateur de Puisqu’il faut se lever, au 98,5, l’émission radiophonique matinale la plus écoutée au Québec, cultive l’art de parler directement à chacun de ses auditeurs. « Je leur donne une voix », affirme-t-il.
Dans les lieux publics, on l’appelle par son prénom. Cette proximité, croit-il, explique sa présence parmi les trois premiers de notre sondage. « Ça démontre qu’une connexion s’est faite avec les auditeurs. C’est très flatteur. »
La notion de confiance n’a rien d’abstrait pour Paul Arcand, qui compte 122 000 abonnés sur Twitter. L’homme qui carbure à l’information en reçoit la preuve tous les jours : les gens lui racontent ce qui se passe dans leur vie et au travail. Plusieurs lui font des confidences qui pourraient leur attirer des ennuis, ou mettre leur emploi en péril s’ils n’avaient pas la certitude que l’animateur respectera leur anonymat. « Ça fait partie de la relation de confiance que j’entretiens avec eux. »
Son public sait bien que si l’interviewé « démarre sa cassette », Paul Arcand le ramènera à sa question initiale. « Il pousse les gens à prendre leurs responsabilités, acquiesce l’animatrice Céline Galipeau. C’est sa grande force. »
« Il pose les vraies questions », ajoute Steve Flanagan. Lors de ses formations médiatiques aux dirigeants, il entend souvent la même réflexion au sujet du maître de la déstabilisation : « »Je ne veux pas aller chez Paul Arcand ». Il est redoutable et intimidant, confie le spécialiste en communication. Il est dans une classe à part. »
Lorsqu’il n’y a rien à tirer de son interlocuteur, Paul Arcand n’hésite pas à écourter l’entrevue. Il a cette habileté peu commune dans l’univers très formaté des émissions matinales. « Je n’arrêterai pas une entrevue prévue pour 4 min. 30 s si elle est intéressante, et je peux y couper court si la personne n’apporte rien. »
En 2e position : Mario Dumont
Une deuxième place pour ce nouveau nom qui figure au palmarès de Sélection du Reader’s Digest, ce n’est pas rien. « C’est une consécration, s’enthousiasme Steve Flanagan. Mario Dumont a réussi sa transition de la politique à la scène médiatique. »
La grande force de Mario Dumont ? Savoir dénicher des sujets qui passent parfois sous le radar, confie le principal intéressé, mais qui ont une importance pour tous les « sans voix », comme il appelle ceux qui, entre le boulot, l’éducation des enfants et les soucis de santé, n’ont pas beaucoup de temps pour faire entendre leurs priorités.
Père de trois enfants âgés entre 12 et 18 ans, Mario Dumont a les deux pieds sur terre. « Je vis les réalités de tout un chacun, je n’évolue pas dans un monde parallèle. Je comprends les affaires de base : le trafic, l’épicerie, l’éducation, la santé. » Le chroniqueur au 98,5 et animateur à LCN se sent privilégié de pouvoir aborder les événements et de les décortiquer avec son regard bien à lui, mais il se montre aussi prudent.
« Je m’attaque très peu aux êtres humains, plutôt à leur dossier. » Pour avoir été « de l’autre côté », comme il dit, celui des politiciens, il sait combien la critique peut être défavorable et blessante. Et parfois injuste.
« C’est plus facile de faire ce que je fais, soit commenter et critiquer, que d’être à la place de ceux qui sont aux prises avec le problème et doivent prendre des décisions. »
En 1re position : Pierre Bruneau
Le numéro un de notre palmarès, l’homme en qui les Québécois ont le plus confiance, reçoit à nouveau cet honneur avec la modestie qui le caractérise. « Je suis touché, déclare Pierre Bruneau. C’est toujours flatteur. »
Ce lien de confiance, il l’a bâti au fil de ses presque quatre décennies comme chef d’antenne des bulletins de nouvelles au réseau TVA. « On fait ce métier pour les gens », explique Pierre Bruneau, qui se sent privilégié d’entrer ainsi dans le foyer des téléspectateurs, de pouvoir s’adresser directement à eux.
Cette complicité avec le public est décuplée lors de grands événements ou tragédies. Par exemple, il rentrait de vacances lorsqu’est survenue la catastrophe de Lac-Mégantic. « Les gens m’ont écrit : « ça me rassure quand vous êtes là ». Ils avaient besoin de ce contact. »
Pierre Bruneau se décrit comme un homme plutôt calme, accessible, le même à l’écran que dans la vie. « Ce qu’il dégage est très positif, soutient Steve Flanagan : la crédibilité,
la bonté, l’empathie. Le tiers des personnes sondées l’ont choisi, c’est énorme. »
On le croit éternel. Mais Pierre Bruneau avance une année à la fois, sachant qu’on le verra vieillir à l’écran, vulnérable. « La télé, c’est extraordinaire. Mais ça nous fragilise pour toujours. » Il se dit surtout très heureux d’avoir traversé les générations.
Le groupe d’âge qui lui accorde le plus sa confiance est celui des 35-54 ans. « Mon fils aîné, s’il avait vécu, aurait 40 ans. Je rejoins la génération de mes enfants, et plusieurs n’ont connu que moi comme présentateur de nouvelles ! »
Aujourd’hui, l’information est disponible 24 heures sur 24. Mais le rendez-vous quotidien avec Pierre Bruneau demeure.
« Les gens ont besoin d’une pierre d’ancrage, dit-il. Quelqu’un en qui ils ont confiance. »