Sylvain Gaudreault: l’écolo méthodique
Depuis sa première élection en 2007, Sylvain Gaudreault a mené plusieurs combats, subi bien des revers, mais rien ne le fera reculer devant la crise des changements climatiques.
Quel député serait assez fou pour s’opposer à un projet énergétique comme GNL Québec, d’une valeur de 14 milliards de dollars et appuyé par 64% de la population locale? C’est pourtant ce qu’a fait Sylvain Gaudreault, député du Parti québécois dans le comté de Jonquière, affirmant aux défenseurs de cette installation pharaonique qu’ils étaient comparables à quelqu’un qui, il y a 20 ans, aurait voulu nous faire croire à l’avenir radieux de la cassette VHS! Ce diplômé en histoire et en droit n’a pas pris cette position à la légère, convaincu que la solution ne passe pas du côté du gaz naturel liquéfié, transporté sur des milliers de kilomètres dans des pipelines et des pétroliers. Réduire les gaz à effet de serre et affronter les dérèglements climatiques (inondations, sécheresses, canicules, érosions côtières, etc.) passent par des actions pressantes, concrètes – il en connaît plusieurs! –, tout en favorisant les énergies renouvelables. C’est pourquoi ce politicien rigoureux dans ses discours et méthodique dans ses approches a senti le besoin d’écrire à ses concitoyens. Dans Pragmatique (Somme toute, 2021), il cherche non seulement à éveiller les consciences, mais à inviter le plus grand nombre à agir. Car si les promoteurs de GNL Québec ont subi un échec cuisant, la crise climatique n’est pas réglée pour autant.
Votre opposition au projet GNL Québec fut longuement réfléchie, mais aviez-vous soupçonné l’ampleur de la grogne que votre opposition allait susciter?
J’ai fait une analyse solide de ce projet, et si le Parti québécois et moi disons qu’il faut renoncer aux énergies fossiles sur le plan national, il faut avoir le même discours dans un dossier local. C’est une question de cohérence. Cela dit, je savais que ça allait venter, mais le vent s’est levé davantage en 2020, au moment des travaux du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement. J’ai reçu alors beaucoup plus de réactions. Or, plein de gens me disaient dans le creux de l’oreille de ne pas lâcher, mais qu’ils ne pouvaient pas m’appuyer publiquement parce qu’ils connaissaient trop de personnes dans des entreprises liées à ce projet. En résumé, on me répétait que j’étais à la bonne place, et l’avenir m’a donné raison.
Encore aujourd’hui, la création d’emplois semble justifier n’importe quel projet, même le plus polluant. Et cette obsession semble autant partagée par les citoyens que par les politiciens.
Je ne suis pas psychologue, mais nous semblons tous soumis à la loi du court terme. C’est un paradoxe, car les électeurs réclament des politiciens une vision à long terme et un discours franc, mais les reproches s’accumulent dès que nous le faisons. Cette obsession du tout à l’économie est présente depuis une trentaine d’années au Québec, et si personne n’est contre la création d’emplois, pourrait-on aller au-delà de la simple accumulation de projets? Si on tient de beaux discours à l’échelle internationale sur le Québec vert et la carboneutralité, il faut être cohérent et prendre des actions allant dans ce sens.
Dans votre essai, vous mentionnez plusieurs sondages soulignant la forte préoccupation des Québécois devant les changements climatiques. Or, chiffres à l’appui, depuis 2015, les ventes de camions explosent au Québec. N’est-ce pas contradictoire?
Il y a un fossé entre les convictions des gens et la perception que chaque geste, même individuel, compte. C’est une forme de déresponsabilisation: collectivement, on s’en remet à l’État; personnellement, pour notre sécurité et celle de nos enfants, on veut un camion. On sent tout de même que les choses commencent à changer, ne serait-ce qu’avec l’augmentation des ventes de voitures électriques. Mais ce n’est pas la panacée, et nous sommes encore guidés par la loi du moindre effort, celle de «Je suis prêt à changer, mais dans la mesure où ça ne me demande aucun effort.» Ce qui n’est pas vrai.
Les politiciens reçoivent leur lot d’insultes sur les réseaux sociaux. Vous en reproduisez plusieurs, fautes d’orthographe incluses!, dans votre livre. Jusqu’à quel point elles vous affectent?
Quand ces attaques visent mon intégrité physique, je fais immédiatement un signalement à la Sûreté du Québec. Oui, ça finit par peser lourd, une certaine méfiance s’installe, mais ça ne m’empêche pas d’avancer. Chercher à me faire taire et à me faire peur, c’est ce que veulent mes intimidateurs, mais je ne leur donnerai pas raison! Évidemment, mon engagement politique, je l’assume, je l’ai choisi; ce n’est pas le cas de mon entourage. Mon conjoint et ma famille n’aiment pas voir des commentaires intimidants à mon endroit, mais on essaie de vivre à travers cette réalité. Et disons-le: la portée de ces insultes est extrêmement limitée et ne représente pas l’opinion de l’ensemble de la population. Un reportage de TVA a beaucoup plus d’impact!
Vous caressez le rêve d’un caucus transpartisan sur les questions climatiques à l’Assemblée nationale. Après un premier échec, vous croyez encore qu’il pourra voir le jour?
J’ai écrit dans mon livre que j’allais essayer de nouveau, et c’est ce que je m’applique à faire. Peut-être suis-je allé trop vite en ce qui a trait à la capacité des parlementaires à se faire confiance. Cela dit, je ne condamnerai jamais la partisanerie et l’importance d’appartenir à un parti politique: tout cela a ses forces, fait émerger des idées, et de ce choc vient la lumière. Mon véritable objectif pour ce caucus est le partage d’informations scientifiques, sur une base objective; certains députés sont des scientifiques, pas tous, et nous sommes surtout des gens polyvalents, qui touchent à de nombreux dossiers. Chacun repartirait ensuite dans son parti pour faire avancer des idées et des connaissances. Le grand public oublie qu’entre 60 et 80% des projets de loi sont adoptés à l’unanimité. Les députés sont capables de se parler et de travailler ensemble.
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