La seconde vie des fruits et légumes

Un père et sa fille ont fondé Jardins solidaires, un organisme à but non lucratif qui distribue des fruits et légumes frais aux plus démunis.

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La seconde vie des fruits et légumes

Récupérer les fruits et légumes invendus


UN MATIN DE 2011.
Dans la petite localité de Saint-Joseph-du-Lac, dans les Laurentides, Roland Joannin se dirige vers le supermarché quand un homme l’aborde. « Il m’a dit qu’il n’avait pas mangé depuis trois jours et qu’il n’avait pas d’argent, raconte le conseiller pomicole. Je ne lui ai pas donné d’argent, mais j’ai payé ses courses. Il était très ému. Il en a même pleuré. »

Roland Joannin aurait pu oublier l’inconnu, mais sa détresse l’avait touché. Fort de 30 ans d’expérience dans le milieu agricole, le pomiculteur se dit qu’il y avait « certainement quelque chose à faire pour soutenir ceux qui ont faim dans la région ». À la même époque, Sandrine, sa fille, était bénévole au Comité d’aide alimentaire des Patriotes (CAAP), un organisme situé dans les MRC Deux-Montagnes et de Mirabel. Roland Joannin contacte donc des producteurs maraîchers, leur propose de ramasser leurs surplus et les livre au CAAP. L’expérience est concluante, mais son emploi du temps chargé l’empêche d’aller plus loin. Il faudra attendre 2014 avant de fonder officiellement, avec Sandrine, l’organisme à but non lucratif Jardins solidaires – Pour un village sans faim…

Les choses s’enchaînent alors rapidement. Une vingtaine de producteurs de la région ainsi qu’une quarantaine de bénévoles répondent à l’appel de la famille Joannin. Leur collaboration est fructueuse : 24 tonnes de fruits et légumes frais sont remis au CAAP en 2014. « Cette année, nous avons déjà redistribué 16 tonnes [NDLR : en date de la fin août] et nous comptons en collecter une dizaine d’autres d’ici la fin octobre », dit Sandrine.

D’où viennent tous ces fruits et légumes qu’on ne trouve pas à l’épicerie du coin ? « Ce sont des produits déclassés parce qu’ils sont mouchetés, trop petits, trop gros, etc. Mais ça peut aussi être des pommes qu’on est allé cueillir chez le producteur parce qu’il ne voulait pas commercialiser la variété », explique l’étudiante en ethnologie. « Il y a aussi les invendus, fait observer Carole Cloutier, de la ferme Roland-Cloutier. On a un comptoir à la ferme. Quand je ne vends pas mes légumes, je les mets de côté pour Jardins solidaires. Ils sont peut-être un peu défraîchis, mais encore propres à la consommation. »

« Avant, on remettait tous ces légumes aux champs pour faire du compost. Aujourd’hui, on les donne, poursuit la productrice agricole. À la ferme, tout le monde – les employés, les amis, les membres de la famille – se met de la partie pour mettre ces légumes de côté pour les moins nantis. Et on est tous très heureux d’être capables d’aider de cette façon. »

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Même son de cloche du côté du CAAP. « On fournit des denrées à 
10 comptoirs alimentaires et à quatre cuisines communautaires, qui acheminent à leur tour des paniers à 2100 bénéficiaires chaque semaine », explique Pascale Bélisle, la directrice du CAAP. « Notre principal fournisseur est Moisson Laurentides, et Jardins solidaires s’est rajouté l’année dernière. Ça nous a donné tellement de surplus qu’on a décidé de changer notre façon de fonctionner. Cette année, on ne prend qu’une palette par semaine des dons de Jardins solidaires. On redonne le reste à Moisson Laurentides, qui le redistribue à d’autres organismes. »

Outre les quantités, la qualité des fruits et légumes jusqu’alors invendus de Jardins solidaires est très appréciée. « Les gens sont heureux car ils reçoivent des produits frais, ajoute Pascale Bélisle. Ils sont aussi contents de savoir que cela provient de la région. » Jardins solidaires a été créé « par et pour la communauté », affirme Sandrine Contant-Joannin, soulignant la participation des habitants de la région. Ainsi, le garagiste du village répare gratuitement le camion ; l’imprimeur a imprimé gratuitement 1000 dépliants pour l’organisme, une jardinerie a donné de l’engrais organique, un semencier a offert des semences et des producteurs ont prêté deux parcelles de terre pour cultiver des légumes additionnels.

« Réduire le gaspillage alimentaire fait également partie de notre mission, ajoute-t-elle. On oeuvre sur les plans écologique et social. On fait donc d’une pierre deux coups. »

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