Recycler ses objets : un plus pour l’économie et l’écologie
Redonner une deuxième vie à ses objets et ses vêtements, en les donnant à une friperie, par exemple, n’est pas seulement bénéfique pour l’écologie. Cela est aussi utile pour l’économie locale, car une telle action crée des emplois et permet à une multitude de gens de se procurer des choses à petit prix.
DES ADOLESCENTES rient en essayant des chapeaux ; des femmes fouillent pour trouver un chemisier à leur goût ; un couple examine une jolie théière en porcelaine. Comme dans n’importe quelle friperie, les clients du magasin Renaissance du boulevard Saint-Laurent, à Montréal, sont à l’affût des meilleures aubaines. Mais Renaissance n’est pas une boutique d’articles usagés comme les autres. Ici, le fruit des ventes ne va pas dans la poche d’un commerçant : il est entièrement réinvesti dans la communauté.
Fondée il y a 20 ans, Renaissance est une organisation à but non lucratif dont la mission est de « faciliter l’insertion sociale et professionnelle de personnes éprouvant des défis à intégrer le marché du travail ». Pour la grande majorité, cette population est faite de nouveaux arrivants qui peinent à trouver un travail. Ce sont aussi des gens qui n’arrivent pas à réintégrer le marché de l’emploi, comme des mères de famille qui n’ont pas travaillé depuis de nombreuses années ou des bénéficiaires de longue date de l’aide sociale. « Tous n’ont pas besoin de charité, mais d’un coup de pouce pour reprendre confiance en soi et se remettre en selle », indique le fondateur et directeur général de l’organisme, Pierre Legault. Quant aux immigrants, « on leur explique comment ça fonctionne au Québec : les attentes des employeurs, les règles de communication, les normes du travail, la CSST…», poursuit le fondateur et ex-directeur général de la banque alimentaire Moisson Montréal.
Le « coup de pouce » dont parle Pierre Legault, c’est une formation de six mois, avec salaire, dans quatre domaines : la vente au détail, l’entretien ménager, la manutention et le travail de comptabilité. Le but étant de les rendre autonomes rapidement, « à la fin du parcours, on les pousse un peu en dehors du nid. Ils sont payés deux jours par semaine pour chercher un emploi », mentionne celui qui dirige 307 employés et 81 bénévoles.
Les résultats de cette stratégie parlent d’eux-mêmes : chaque année, parmi les 200 individus formés par Renaissance, 80 % sont placés (de 15 % à 20 % retournent aux études). Ç’a été le cas de Hamid Khoukhi, un conducteur de machinerie lourde qui a suivi le programme de réinsertion en 2009 et trouvé un emploi peu de temps après. « Pour moi, Renaissance, c’est la porte d’entrée du Québec pour les nouveaux arrivants ! s’exclame le Montréalais d’origine algérienne sur un ton enthousiaste. Ils ont outes les solutions ! J’ai appris énormément de choses pendant ma formation : la carte de Montréal, la conduite d’un chariot élévateur, le fonctionnement du marché de l’emploi, la culture québécoise…».
Même si la réinsertion socioprofessionnelle est la principale mission de Renaissance, l’organisme se distingue aussi par ses volets écologique et économique. Une fois collectés par Renaissance dans l’un de ses 13 centres de dons, 17 boutiques et librairies et 39 boîtes de dons du Grand Montréal, les vêtements, livres, articles de décoration et autres accessoires sont triés et mis en vente dans les magasins. Les invendus sont ensuite écoulés au centre de liquidation. « Là, c’est complètement fou, on s’arrache carrément les vêtements des mains, s’exclame Pierre Legault. On y trouve beaucoup de petits exportateurs qui envoient la marchandise dans d’autres pays, mais aussi des propriétaires de friperies de l’avenue du Mont-Royal qui s’approvisionnent là, car c’est pas cher. » Et quand il reste encore des invendus, ils sont mis en ballots et liquidés au poids.
Tout ce processus permet ainsi à des milliers de tonnes de biens (près de 9 000 cette année) d’avoir une seconde vie et d’être détournés des sites d’enfouissement. Il permet aussi de financer à 83 % la mission sociale de Renaissance (le reste du financement vient d’Emploi-Québec) et d’offrir à des familles au budget serré l’occasion d’acheter un manteau d’hiver à 15 $ au lieu de 100 $.
« Mais vous savez, ce ne sont plus que les personnes à faible revenu qui viennent chez nous, fait remarquer Pierre Legault. Notre clientèle a changé au fil des années. Le tabou d’acheter usagé est tombé, avec l’arrivée de la simplicité volontaire et de la conscience environnementale. »
Ainsi, de nos jours, on croise dans les magasins Renaissance des jeunes qui y organisent des « sorties de magasinage », ou encore des professionnels sans soucis d’argent qui farfouillent dans les rayons à la recherche d’un beau jeans. Clients et donateurs (près d’un demi-million !) font donc aujourd’hui partie d’une même communauté, constate avec joie Pierre Legault. Comme quoi chez Renaissance tout le monde y gagne.