Perdus dans la jungle: ils sont sauvés grâce au réseau mondial

Perdus dans la jungle, coincés après un accident, incapables de marcher, deux touristes américains ne peuvent compter que sur un celllulaire avec une pile presque morte.

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En naviguant sur Facebook, Aimee ne pensait pas tomber sur un appel au secours de deux vacanciers perdus dans la jungle.
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C’est durant l’été 2018 que les deux touristes se sont perdus dans la jungle

Aimee Spevak était à sa table de travail. En réalité, en ce mois d’août 2018, elle aurait dû être en vacances. Pour fuir la chaleur de New York, elle avait d’ailleurs loué un chalet dans les monts Pocono. Mais il est difficile de décrocher de nos jours. Rédactrice médicale freelance, elle entendait boucler un article, mais le cœur n’y était pas.

Aussi, entre deux paragraphes, elle naviguait en ligne. Elle fut ravie de voir apparaître sur son compte Facebook une notification de son ami Michael Lythcott, un voyageur intrépide. Elle avait fait une randonnée avec lui au Népal, quelques années plus tôt. Aimee savait qu’il était à Bali.

Mais, plutôt que de belles photos de paysages ou un récit détaillé du voyage, Michael avait envoyé une suite de mots qui apparaissaient en blanc à l’écran d’Aimée: «Au secours. Suis en danger. Appelez la police.»

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Comment Michael et Stacey se sont perdus dans la jungle.
Mark Smith

Comment Michael et Stacey se sont perdus dans la jungle

Michael Lythcott, un graphiste de 39 ans, se trouvait en effet à Bali. Avec son amie Stacey Eno, 25 ans, ils avaient atterri la veille dans l’île indonésienne. Emballés par l’aventure, les deux Américains avaient loué un scooter dans la banlieue de Ubud, puis roulé en ville pour s’y attarder jusqu’aux petites heures du matin en compagnie d’inconnus de tous les pays du monde.

Il était passé 2h du matin quand ils avaient décidé de regagner l’hôtel. Michael avait glissé le iPhone dans la pochette du scooter. Il s’en servirait pour se repérer sur les routes. Longeant des rizières et la jungle, le scooter attaqua une colline. Michael jeta un coup d’œil sur le GPS, puis sur la route – une courbe apparut. Il serra le frein avant de s’engager. Trop tard.

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Le réveil fut difficile pour les deux aventuriers perdus dans la jungle.
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Le réveil

Il se réveilla avec la rumeur de l’eau tout près. Il était allongé sur le dos dans une pente raide au milieu de la végétation. La jungle. Il tenta de se redresser, mais le corps refusait de collaborer. Que s’était-il passé? se demanda-t-il. Où suis-je? Dans une forêt déserte? Puis ça lui est revenu. Bali!

Pas vrai… J’ai eu un accident de scooter, songea-t-il. Le reste n’était que brouillard. Il ne se souvenait pas d’avoir fait un vol plané de 50 m dans le ravin ni s’être écrasé contre les arbres.
Il fit le point. Ses lunettes avaient disparu. Plus de trace du scooter et encore moins de son portable. Le poignet gauche et le torse étaient sérieusement atteints, comme le dos. Il n’arrivait pas à bouger les jambes. Il s’est alors rappelé sa compagne. «Stacey!» Pas de réponse. «Stacey, où es-tu?
— Je suis là.»

Elle était tout près. Michael se traîna dans l’obscurité jusqu’à son corps allongé.

«Je ne sais pas ce qui se passe, dit-elle. Pourquoi sommes-nous dans la forêt?
— Nous avons eu un accident. Tu dois te lever et aller chercher de l’aide.
— Je ne peux pas.»

La réponse de Stacey fut un choc. Personne ne savait où ils se trouvaient. Ni l’un ni l’autre n’étaient en mesure de marcher. Mickey souffrait sans doute d’une fracture vertébrale. Il saignait. Nous allons peut-être mourir ici, songea-t-il.

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Perdu dans la jungle, Michael a utilisé le téléphone avec précaution.
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Utiliser le téléphone avec précaution

Pour compliquer les choses, il commençait à glisser vers le fond du ravin sur le sol détrempé de la jungle, passé les banyans aux troncs massifs vers un inconnu terrifiant.
Stoppé dans sa glissade par une petite dépression, Michael réussit à saisir une racine d’arbre dans la pente. Il fut alors envahi d’un calme étrange. Si tel était son destin, autant mourir dans un endroit paisible comme celui-ci.

Non, se sermonna-t-il. Ça suffit de penser comme ça. Tu dois t’en sortir. Il faut sauver Stacey.

Mais comment les retrouverait-on? Puis il se souvint d’un autre téléphone avec une carte SIM américaine lui permettant de communiquer avec les États-Unis. Il palpa sa poche de blouson, il y était! Sortant l’appareil avec précaution de sa main valide, il l’alluma et se mit en mode itinérance. Il restait 42% de charge à la pile.

Il envisagea de chercher sur Google le numéro de la police locale dans l’espoir qu’un interlocuteur comprendrait l’anglais. Et quand bien même, que lui dirait-il? «Je suis victime d’un accident et je suis… quelque part.»

Il eut une idée. Craignant que le téléphone couvert de sang ne lui échappe des mains et glisse au fond du ravin, il lança avec précaution l’application Facebook et entreprit de taper son message. Moins de deux minutes plus tard, Aimee Spevak le découvrait.

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Un message surprenant sur Facebook, précisant que deux amis étaient perdus dans la jungle.
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Un bref appel

Aimee ne sut pas immédiatement comment réagir. Elle se souvint alors qu’une fonction Facebook permettait d’appeler ses amis. Elle tenta le coup. À sa grande surprise, Michael répondit.
«Je suis dans une forêt. Je ne sais pas où.
— Tu peux envoyer ta géolocalisation?
— Oui.
— J’appelle tout de suite quelqu’un. On va te sortir de là.»

Aussitôt après avoir raccroché, Michael posta ses coordonnées GPS sur une carte à l’aide de la fonction pin drop de Facebook. Désormais, au moins une personne sur terre savait où ils se trouvaient.

Pesez le pour et le contre avec les avantages et inconvénients des médias sociaux.

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Il ne fallait pas perdre de temps pour retrouver les deux amis perdus dans la jungle.
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Il ne fallait pas perdre de temps

Aimee ignorait qui appeler ou quoi faire. Mais quelqu’un saurait dans le vaste réseau des amis de Michael dispersés dans le monde. Elle posta sur le fil la capture d’écran de la géolocalisation et contempla nerveusement son ordinateur en attendant qu’un autre ami se joigne à la conversation.

Ricardo Mendes voulait que Michael active l’appel d’urgence de Apple: «APPUIE CINQ FOIS RAPIDEMENT SUR LE BOUTON DE TON IPHONE.»

Kaitlin Haggard trouva les numéros de la police locale et les partagea.

Leah Schlossman manifesta sa frustration: «Je n’arrive à joindre aucun de ces numéros et la ligne de Michael est toujours occupée.»

Misty McKenzie-Hill: «Pourvu qu’il aille bien.»

Emilie Stein: «Hé, mec, si tu veux, je saute dans le premier avion et je viens te chercher.»

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Stacey et Michael, tous deux perdus dans la jungle, ne pouvaient rien faire.
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Stacey ne pouvait rien faire

Entre-temps, Stacey Eno enchaînait les pertes de connaissances, désorientée et abrutie par la douleur. Les os de son visage étaient fracassés. Quelque chose s’était enfoncé dans sa bouche au moment de l’impact et lui avait tranché la langue et ses dents branlaient.

«Stacey, souffla Michael. J’essaie de nous trouver de l’aide.»
Elle tenta de bouger les jambes, mais n’arrivait pas à les replier. Elle craignait de glisser au fond du ravin, avec tous ses dangers.
Elle enfonça les ongles dans le sol et attendit l’aide que Michael espérait.

Parmi ceux qui restaient scotchés au fil Facebook, il y avait Josh Hofer, un vieil ami maintenant assis devant son ordinateur dans un bureau de Raleigh, en Caroline du Nord. Comme Aimee, il avait sursauté en lisant le post de Michael, puis été soulagé de voir apparaître le pin de géolocalisation relayé par elle. Mais l’enthousiasme avait été de courte durée: le lieu indiqué restait désespérément vague. Josh ouvrit le pin sur son téléphone portable. L’image se révéla instantanément plus détaillée que sur l’ordinateur. Il fit une capture d’écran qu’il transféra aussitôt au consulat américain en Indonésie.

À Los Angeles, Paul Rocha suivait le fil avec un intérêt grandissant. Michael avait été suffisamment conscient pour relever qu’il entendait de l’eau tout près. Reprenant les captures d’écran de Spevak et Hofer, Paul reconstitua sa propre carte en encerclant la zone de recherches la plus pertinente. Puis il la posta sur le fil.
À Prague, Caitlin, une amie de Michael, étudia attentivement la carte et en conclut que l’accident avait vraisemblablement eu lieu entre une école de cuisine et un bar de la région.

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Les deux amis perdus dans la jungle se trouvaient dans une banlieue de Surabaya, en Indonésie.
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Petit à petit, le tableau se précisait

Michael et Stacey se trouvaient en banlieue de Ubud, dans la jungle, près d’un endroit surnommé Sweet Waterfalls. Sur le fil de discussion, des amis du monde entier postaient des informations de contact pour la police, les hôpitaux et les services ambulanciers de Bali, et nombre d’entre eux bombardaient ces différents bureaux d’appels téléphoniques. Quelqu’un posta le numéro de téléphone du consulat américain en Indonésie.

À Surabaya, en Indonésie, à une île de distance de Bali, Christine Getzler-Vaughan, chargée d’affaires publiques au consulat général des États-Unis, avait la responsabilité du téléphone d’urgence du service de nuit lorsqu’il s’est mis à sonner. «Mon ami a posté sur Facebook qu’il est blessé et a besoin d’aide», a dit son interlocuteur.

Getzler-Vaughan saisit son carnet. «Comment s’appelle-t-il?», demanda-t-elle. «Dernière localisation connue?» À l’autre bout du fil, la personne répondit au mieux à ses questions. Quelques secondes après, le téléphone se remit à sonner: un autre ami du disparu. Cela continuerait ainsi pendant deux heures.

Mme Getzler-Vaughan fut inondée d’informations: captures d’écran, cartes, conseils, numéros de téléphone, date de naissance de Michael, ses contacts familiaux. Elle transmit le tout aux fonctionnaires à Bali. À 5 h 29, moins d’une heure après l’appel au secours sur Facebook, elle envoya un SMS à Michael: «Un membre de notre bureau de Bali a toutes les informations que vos amis nous ont fait parvenir.»

«Je ne peux pas bouger», écrivit-il en retour. Avant d’ajouter: «Batterie à 6%.»

Faites attention à ces choses qui épuisent la pile de votre cellulaire… et sachez comment y remédier.

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Illustration des personnes échangeant des messages pour retrouver les deux vacanciers perdus dans la jungle.
Mark Smith

Quand tout le monde s’en mêle…

Les esprits commençaient à s’échauffer sur le fil de Michael. Ses amis bien intentionnés encombraient la discussion en exprimant leur inquiétude ou demandant des nouvelles. Ce faisant, ils enterraient les informations importantes dont les autorités balinaises avaient besoin pour secours aux victimes.

«Bon sang, ARRÊTEZ DE POSTER, TOUT LE MONDE, écrivit un commentateur. À moins d’infos nouvelles, ce fil doit IMMÉDIATEMENT CESSER.» Sur internet, il est convenu que les majuscules marquent l’élévation de la voix.

Entre-temps, à des milliers de kilomètres, Stacey et Michael, allongés dans le ravin, se vidaient de leur sang. Quand elle reprenait conscience, la jeune femme était hantée par l’idée de tomber. «Je glisse, soufflait-elle.
— Accroche-toi, l’encourageait Michael. Les secours arrivent.
— Dans combien de temps?»

Il l’ignorait. Son téléphone avait rendu l’âme. Ils étaient vraiment seuls.

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Ils n'étaient pas seuls, perdus dans la jungle.
amjacobsen/Shutterstock

Ils n’étaient pas seuls dans la jungle

Dans un état de semi-conscience, Michael perçut un bruissement de feuilles. Il se tendit. Il y avait des serpents à Bali, des cobras et des pythons, et il n’était pas en mesure de se défendre. Le bruit se transforma bientôt en murmures, puis en voix. Une équipe de recherche!

Parlant peu l’anglais, quatre secouristes mirent précautionneusement Michael sur un camion à plateau. Quelque temps plus tard, ils allongeaient Stacey à ses côtés dans l’espace de chargement. Elle avait les cheveux plaqués sur le crâne par le sang et la saleté. Il y avait encore plus de sang sur son torse et ses jambes. Michael eut du mal à la reconnaître.

À 8 h14, près de quatre heures après le premier appel à l’aide, Caitlin, à Prague, restée en contact permanent avec l’hôpital de Ubud, écrivait: «DERNIÈRE NOUVELLE – IL VA BIEN ET IL EST À L’HÔPITAL!»

De Portland à Pretoria, de Seattle à Sydney, ses amis poussèrent un soupir collectif de soulagement. «Merci, c’est ce que nous avions besoin d’entendre», réagit Jay Holmes.

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Selon les infirmières, l'hôpital peut refuser un patient qui n'est pas réellement malade.
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L’union fait la force

Au terme de huit jours d’hospitalisation à Bali, Stacey put reprendre son travail d’enseignante en Corée du Sud. Elle avait souffert d’une fracture du poignet, de fractures multiples des pommettes, de blessures graves à la bouche et à la langue et d’une vilaine fracture du nez. L’état de Michael avait suscité plus d’inquiétude: hémorragie interne, pneumothorax, fracture du poignet, fracture des côtes, fracture vertébrale, fracture du crâne, perforation du côlon et hématome hépatique. Sorti de l’hôpital trois semaines après l’accident, il récupérait chez sa sœur à Atlanta.

Un miracle? Peut-être. Mais aussi une leçon. Comme l’a écrit sur le fil Georgia Chapman Costa, une amie Facebook de Michael: «Il se passe des choses merveilleuses quand les gens unissent leurs efforts.»

Il serait plus difficile de nous faire entendre sans Facebook par exeemple. C’est l’une des choses qui pourraient arriver si les médias sociaux disparaissaient.

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Illustration des messages envoyés pour retrouver les deux vacanciers perdus dans la jungle.

La discussion:

Contenu original Readers Digest International Edition

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