On ne vit que deux fois
Par un après-midi glacial, au Minnesota, Howard Snitzer s’effondre sur le trottoir. Quatre-vingt-seize minutes plus tard, son cœur ne bat toujours pas. Voici comment il a survécu.
Avec une population de 1176 âmes et aucun feu de circulation, Goodhue, au Minnesota, n’est qu’un confetti sur la carte. Rochester, la ville la plus proche, est à 48 km. Mais Howard Snitzer a eu une chance inouïe d’élire domicile dans ce coin perdu.
Chef cuisinier de 54 ans, il déménage à Goodhue en 2010. Après avoir perdu son emploi dans un restaurant, il désire se rapprocher de son amie de cœur, Tammy Ryan. Il meuble son temps en faisant des travaux dans la maison et en essayant de maigrir pour alléger ses quelque 100 kilos. Encouragé par Tammy, il fait régulièrement de l’exercice au gymnase. Elle ne veut pas qu’il finisse comme son défunt mari, mort d’une crise cardiaque en 2004.
L’après-midi du 5 janvier 2011, Howard vient de rentrer d’une séance d’exercice. Sans quitter ses vêtements de sport, il se prépare une salade et met deux darnes de thon à mariner pour les griller plus tard.
Ayant entrepris de repeindre la salle de bains, il a fait la moitié du travail quand il se souvient que le gril est à court de propane: il va devoir faire un saut à l’épicerie pour remplir la bonbonne. Dehors, il fait -11 °C, mais pour une course de quelques minutes, il ne se donne pas la peine d’enfiler un pantalon sur son short. Il saute dans sa vieille Toyota Highlander verte et roule vers le magasin. Quelques minutes plus tard, il meurt.
Al et Roy Lodermeier, propriétaires d’un magasin de pièces détachées pour auto à Goodhue, sont en train de fermer leur commerce pour la journée. Les deux frères résident depuis longtemps dans le village. Ils font aussi partie depuis des dizaines d’années de la brigade de pompiers bénévoles. Les voisins passent souvent pour bavarder un peu: ils ne sont donc pas étonnés quand un ami surgit ce jour-là dans leur arrière-boutique. Sauf que cette fois, la nouvelle a de quoi surprendre les deux frères.
«Quelqu’un vient de tomber par terre devant chez Don!»
Les frères se précipitent à l’extérieur. De l’autre côté de la rue, un étranger est étendu de tout son long sur le trottoir, devant la distributrice de boissons gazeuses, à l’entrée de l’épicerie Don’s Foods. Une autre connaissance, Candace Koehn, est penchée sur l’homme et tente de le réveiller. Deux pensées traversent l’esprit des frères. D’abord, pourquoi ce type porte-t-il un short de gym par un temps glacial? Ensuite, il ne s’agit pas d’une simple chute sur la glace: l’homme ne respire plus.
Roy court jusqu’à la caserne de pompiers, à une trentaine de mètres de là dans la même rue, pour ramener le véhicule d’urgence, équipé de réserves d’oxygène et d’un défibrillateur. En dehors d’un établissement hospitalier, le taux de survie des victimes d’arrêt cardiaque est bas: seulement de 5 à 10 pour 100. Mais si c’est bien une fibrillation ventriculaire qui a causé cet arrêt et si une bonne équipe médicale d’urgence parvient à rétablir le rythme cardiaque dans les 30 minutes qui suivent, il grimpe à 30 pour 100.
Il reste que, sans oxygène, le cerveau commence à mourir au bout de cinq minutes. Ils doivent démarrer sur-le-champ la réanimation cardiorespiratoire. Mais il y a un problème: les RCR réussies durent rarement plus de 45 minutes. Il est 16 h 57. Ce que ces premiers intervenants ignorent, c’est que le compte à rebours est commencé: ils ont jusqu’à 17 h 42 au maximum pour stabiliser Howard Snitzer et le transporter à la clinique Mayo de Rochester, l’hôpital le plus proche en mesure de traiter un cas aussi grave.
«Portons-le à l’intérieur», dit Al à Candace. Il prend Howard par les aisselles, tandis que Candace soulève ses jambes nues et glacées. Ensemble, ils portent tant bien que mal le lourd inconnu à l’intérieur de l’épicerie.
16 h 59: plus que 43 minutes avant qu’il soit trop tard. Jeremy Schafer, l’ambulancier de Goodhue, gare l’autobus scolaire dont il est le chauffeur et entre dans le magasin afin d’acheter des petits pains pour le repas du soir. «J’ai eu un choc, se souvient-il. Dans la première allée, à côté des pots de beurre d’arachide, j’ai vu Al et Candace en train d’essayer de ranimer ce type.» Jeremy se joint immédiatement à eux.
17 heures : plus que 42 minutes. Roy arrête le camion en face du magasin et se précipite à l’intérieur avec la bouteille à oxygène et le défibrillateur. On pense généralement que lors d’un arrêt cardiaque, le cœur arrête de battre. Mais parfois, il se met à battre trop vite ou irrégulièrement: il y a fibrillation, ce qui empêche les ventricules de pomper le sang vers les poumons. Le seul moyen de sauver la victime est de stopper la fibrillation.
Al empoigne un ballon-masque et l’ajuste sur la bouche et le nez de Howard. Avec cette source d’oxygène, ils vont pouvoir démarrer les compressions thoraciques afin de faire pénétrer de force l’air dans les poumons, en espérant que celui-ci se rendra au cerveau par la circulation sanguine. Autrement dit, ils font le travail que le cœur de Howard Snitzer ne peut plus accomplir.
17 h 01: plus que 41 minutes. Maintenant branché au défibrillateur, le patient gît toujours sur le sol, torse nu, complètement inerte et vulnérable. On arrête un instant les compressions, le temps d’envoyer à travers son corps la première décharge du défibrillateur.
Le cœur hésite, mais n’arrive pas à reprendre son rythme normal. Il faut poursuivre la RCR.
17 h 02: plus que 40 minutes. Des sirènes hurlent à l’extérieur: ce sont les autres pompiers de la caserne de Goodhue, bientôt suivis par les ambulanciers et les infirmiers des villages voisins, Zumbrota et Red Wing. Ces renforts ne sont pas superflus : la réanimation cardiorespiratoire est une méthode trop épuisante pour qu’une personne seule puisse la pratiquer longtemps. Le rythme à maintenir est de 100 compressions par minute, et chaque poussée doit être rapide, profonde et forte. Les intervenants se relaient toutes les deux minutes. Quand les crampes paralysent leurs mains et que leurs muscles se nouent, un autre prend aussitôt la relève. Vingt-trois hommes et femmes se succèdent à tour de rôle.
Howard a tout de même eu une petite chance : son arrêt cardiorespiratoire s’est produit à l’heure où beaucoup de bénévoles étaient chez eux ou en train de rentrer. S’il avait eu lieu quelques heures plus tôt, ils auraient tous été à leur travail.
17 h 03: plus que 39 minutes. Deux appels d’urgence viennent d’être transmis par le 911 à la clinique Mayo: un homme en arrêt cardiaque, RCR en cours. Toute la journée, les conditions météo ont été mauvaises et l’hélicoptère est resté au sol. Mais à cette heure-là, il y a une amélioration suffisante pour que l’équipe puisse tenter une sortie.
17 h 06: plus que 36 minutes. Dave Shaller, un ambulancier de Zumbrota, travaille sur Howard. «Pratiquer la réanimation cardiorespiratoire, c’est quelque chose de très personnel, très intime, explique-t-il. On est penché sur la victime, les mains sur son cœur, le visage tourné vers lui. Ce n’est pas facile. Les gens âgés sont flasques, les enfants fragiles. Il arrive que dans le feu de l’action on casse plusieurs côtes. J’ai vu des ambulanciers pleurer tout en faisant leurs compressions.»
Howard Snitzer est un cas inhabituel. «C’était un homme robuste, au thorax large, poursuit Dave Shaller. J’ai senti une résistance. C’était comme appuyer sur une cornemuse ou un coussin gonflable. On avait beau s’escrimer, son cœur ne reprenait pas son rythme.»
17 h 20: plus que 22 minutes. A Rochester, l’infirmière Mary Svoboda grimpe à bord de l’hélicoptère Mayo One et s’assoit derrière l’ambulancier Bruce Goodman. Le vol jusqu’à Goodhue va prendre 14 minutes. Une fois en l’air, le duo passe le cas en revue et conclut qu’il n’y aura sans doute pas de «transport au retour». En d’autres termes, ils ne ramèneront pas le patient vivant.
17 h 23: plus que 19 minutes. Tony Korder, un ambulancier de Red Wing, a des crampes d’estomac. Il se fait tard, et son dernier repas remonte à un bon moment. Mais il met sa fringale de côté et fait ses compressions jusqu’à l’épuisement. «Suivant!» hurle-t-il. Un autre volontaire s’avance. «J’ai compris comment faire », dit-il en relayant aussitôt Tony. Un autre homme se tient prêt à prendre sa place. «C’est moi le prochain », dit-il calmement. Sans attendre qu’on les désigne, trois autres volontaires se mettent en ligne.
Sur son iPhone, Dave Shaller active une application qui déclenche un métronome. Il règle celui-ci à 100 battements par minute pour que les intervenants conservent le rythme des compressions.
17 h 28: plus que 14 minutes. Vingt minutes plus tôt, Gary Albers, ambulancier bénévole de Zumbrota, était tranquillement chez lui, en train de préparer le repas pour ses deux enfants. Comme d’habitude, il les a interrogés sur leur journée: «Qu’est-ce que vous avez appris aujourd’hui?» «Bof, rien», ont-ils répondu. Maintenant, il attend son tour pour pratiquer la réanimation sur Howard Snitzer. D’après son expérience, personne n’a jamais survécu dans des conditions pareilles. Mais cela ne l’empêche pas de revenir cinq fois dans la file. Quel que soit le dénouement, il ne parlera pas à sa famille de l’incident en rentrant chez lui. Comme les autres, il estime que ce serait une violation de la vie privée du patient.
17 h 32: plus que 10 minutes. L’épicerie est remplie d’ambulanciers et d’infirmiers bénévoles, mais aussi d’employés curieux. Comme l’équipe de la clinique Mayo est sur le point d’arriver, Howard Snitzer est placé sur une civière et transporté jusqu’à la caserne de pompiers, plus spacieuse.
17 h 34: plus que 8 minutes. L’hélico se pose dans le stationnement de la caserne, et l’équipe Mayo prend la direction des opérations. Les premiers intervenants ont fait tout ce qu’il fallait: ils ont commencé la RCR seulement quelques minutes après que Howard se fut effondré. Ils ont envoyé quatre décharges au défibrillateur; ils ont posé un ballon-masque au patient pour lui fournir de l’oxygène – Al Lodermeier s’en occupe encore. Et la victime rejette du gaz carbonique, ce qui prouve que la RCR est efficace et que l’oxygène circule. Mais impossible d’intuber Howard: ses mâchoires sont trop contractées. Mary Svoboda doit absolument les desserrer pour que Bruce Goodman puisse insérer son dispositif. Ce dernier demande à Dave Schaller d’utiliser une perforatrice électrique avec une aiguille à son extrémité pour pénétrer dans le tibia du patient. Comme cet os est riche en vaisseaux veineux, il va servir de point d’entrée direct à une intraveineuse distillant des sédatifs et d’autres médicaments. Dans la pièce, un petit groupe assiste discrètement aux opérations.
Les sédatifs font effet: les mâchoires du patient se relâchent. C’est à Bruce de jouer. Il a la tâche difficile d’insérer un Combitube dans l’œsophage et les voies respiratoires de Howard. Une fois le double tube inséré, Bruce met en route la source d’oxygène.
17 h 36: plus que six minutes. Le patient reçoit maintenant une bonne quantité d’oxygène. Mary lui administre de l’épinéphrine, puis de l’amiodarone, un médicament antiarythmique. Elle donne aussi une autre décharge au défibrillateur.
17 h 37: plus que cinq minutes. D’un seul coup, le cœur de Howard Snitzer se remet à battre régulièrement. Puis, comme un moteur noyé par le carburant, il broute et cale. On ne peut pas transporter le patient à la clinique Mayo tant que son cœur ne battra pas de lui-même: il n’y a pas assez de place dans l’hélico pour pratiquer la RCR. Les volontaires se remettent en file pour se relayer à la réanimation. Un pince-sans-rire montre l’accoutrement de gymnastique de Howard et laisse tomber: «Voilà à quoi ça mène, l’exercice.»
17 h 40: plus que 2 minutes. Bruce Goodman sait que la limite est sur le point d’être atteinte. Il appelle Mayo à l’aide. Un médecin urgentiste lui conseille d’administrer au patient une autre dose d’amiodarone, puis d’appliquer une autre décharge au défibrillateur. « Si cela ne marche pas, ajoute-t-il, cessez le traitement.»
17 h 42: L’équipe suit à la lettre les conseils de l’urgentiste. Sans succès, une fois de plus; le cœur de la victime est incapable de battre sans aide.
L’équipe de bénévoles parle peu. Les jeunes, pour qui tout cela est encore nouveau, se tiennent en retrait. Ils se déplacent nerveusement, se massent les mains pour soulager leurs crampes – n’importe quoi pour se tenir occupés. Un homme est visiblement bouleversé: un de ses proches vient de mourir d’une crise cardiaque, et cet accident réveille son propre drame. Non seulement l’heure fatidique de 17 h 42 a été atteinte, mais la limite est maintenant dépassée. Agenouillé près de Howard Snitzer, Bruce demande à voix haute:
«Est-ce que l’idée d’abandonner la partie gêne quelqu’un d’autre?»
Il y a un oui unanime. Bruce prend son téléphone. Il a une dernière carte dans sa manche.
17 h 55: 13 minutes après la limite. Le Dr Roger White, spécialiste de l’arrêt cardiaque de la clinique Mayo, est chez lui, en pleine conversation amicale quand son téléphone sonne. «La défibrillation ne marche pas sur ce patient», lui dit Bruce Goodman. Le Dr White le laisse exposer le problème. Des cas semblables, il en a vu des centaines. La plupart se terminent mal, par un décès ou par une lésion cérébrale.
«Ça ressemble à un caillot qui obstruerait la branche descendante antérieure de l’artère coronaire gauche», dit-il. Le caillot a empêché le sang d’être éjecté du ventricule gauche, ce qui a provoqué la fibrillation. En raison des crises cardiaques soudaines et violentes qu’il entraîne, cet accident a été surnommé le «faiseur de veuves».
De désespérée, la situation devient sans espoir: un tel caillot ne peut être ôté que par la chirurgie, mais Howard Snitzer restera intransportable tant que son cœur ne battra pas de lui-même. Les bénévoles n’ont pas le choix. Ils poursuivent la réanimation.
«Bien souvent, nous continuons la RCR pour la famille qui entoure la victime, même si nous savons que ses chances de survie sont minces, dit Sonia Stehr, une secouriste bénévole de Zumbrota qui travaille chez IBM. Mais cet homme n’avait personne sur place ; personne ne le connaissait. Il n’avait que nous, et même si nous étions pessimistes sur ses chances de survie, nous ne voulions pas laisser tomber tant qu’il réagissait un peu.»
18 h 27: 45 minutes après la limite. Bruce Goodman appelle le Dr White pour la quatrième fois.
«Il est encore en fibrillation, dit-il. On n’en sort pas.
– Doublez la dose d’amiodarone, répond le médecin. Continuez la RCR et donnez-lui une autre décharge.»
18 h 31: 49 minutes après la limite. Mary fait l’injection. Les mains interrompent le rythme incessant des compressions thoraciques, puis l’équipe de la clinique Mayo expédie la 12e décharge. Qui sera la dernière.
Rien. Résigné à l’inéluctable, Bruce demande à l’assemblée des bénévoles et des ambulanciers: «Est-ce que nous pouvons faire quelque chose de plus pour ce patient?» La question fait partie du protocole médical habituel; c’est l’étape indispensable avant d’interrompre le traitement et constater formellement le décès.
Un silence lourd lui répond.
18 h 32: 50 minutes après la limite. Les hommes et les femmes remballent leur équipement. Howard Snitzer gît sur la planche dorsale, aussi inerte qu’au moment où ils ont commencé la réanimation. Son corps est entouré d’un enchevêtrement de tubes à intraveineuses utilisés, d’emballages et d’aiguilles. En coulant de ses intraveineuses, le sang a fait une flaque sur le sol. Les secondes s’égrènent en silence.
18 h 33: 51 minutes après la limite. Le moniteur cardiaque émet un bip. Puis un autre. Et les bips s’enchaînent, bien réguliers. Le cœur de Howard est revenu à la vie. Il bat de lui-même.
«Dans l’hélicoptère! On y va!» hurle Bruce. Howard est acheminé à toute vitesse jusqu’au Mayo One. Tandis que l’hélicoptère décolle au milieu de soupirs de soulagement, un des volontaires secoue la tête, incrédule.
«Je n’arrive pas à le croire ! Il a tenu le coup!»
A la clinique Mayo, on découvre que le diagnostic du Dr White était juste : la branche antérieure descendante de l’artère coronaire gauche est bien bouchée par un caillot. On le retire en chirurgie.
Cinq jours plus tard, Bruce Goodman vérifie sur l’ordinateur de l’hôpital l’emplacement de son ancien patient. A sa surprise, Howard Snitzer a déjà quitté les soins intensifs et a été placé dans l’unité de médecine interne générale. Bruce ne se fait pas d’illusions : Howard doit être dans un état végétatif. Mais quand il rend visite au rescapé, il trouve son lit vide. J’ai dû faire erreur, se dit-il. Il est mort.
Puis il entend des voix de l’autre côté du couloir. Trois hommes d’âge mûr discutent ferme, installés dans la salle d’attente. L’un d’eux est en pyjama. C’est Howard, parfaitement lucide et alerte. Bruce en reste ahuri.
«Je te dois une fière chandelle, mon gars», dit le rescapé en lui adressant un sourire radieux.
Bruce élude modestement le compliment. Ce sont tous les bénévoles, dit-il, qui l’ont sauvé.
«Pourquoi avoir fait tout ça? Pourquoi vous n’avez pas renoncé à me réanimer?
– Ça, je n’en sais bigrement rien.»
Selon les termes de la clinique Mayo, Howard Snitzer a subi «un arrêt cardiaque à l’extérieur de l’hôpital, avec issue favorable». Un cas unique: nulle part ailleurs un patient n’avait survécu aussi longtemps avec une absence de pouls.
Depuis cette épreuve, Howard est revenu à Goodhue, et la vie a repris son cours. En mieux, grâce à un quadruple pontage. Il a même eu l’occasion de faire connaissance avec ses sauveteurs, lors d’une réunion à laquelle le Dr White a été convié. En voyant le visage souriant de Howard Snitzer, le médecin n’a pu retenir ses larmes.
Le rescapé sait qu’il est à jamais redevable à ces hommes et à ces femmes. En guise de remerciement, il a décidé de déployer pour eux ses talents de chef. «Je vais vous régaler les papilles jusqu’à ce que vous demandiez grâce.»
En février, il leur a concocté une tarte à la mousse aux trois chocolats et une friandise aux macarons et aux brisures de chocolat capables de déclencher une fibrillation cardiaque… En mai, il a mis au menu un filet de porc en croûte de moutarde, accompagné d’un gratin dauphinois aux patates douces. Et en août, ses convives ont eu droit à des côtes de porc levées fumées, avec une salade de pois patates et des frijoles borrachos – des haricots pinto «un peu ivres» parce que mijotés à la bière.
«J’aime ces gens, dit le cuisinier. Et il paraît que les pompiers ont un penchant pour la bière.»