Une fois le bateau amarré
Il est à peine 7 h 30 et le Magic, l’un des navires les plus populaires de la compagnie Carnival Cruise Lines à sillonner les Caraïbes lors de croisières d’une semaine, s’est amarré il y a quelques minutes à Miami, son port d’attache. Les passagers commencent à débarquer des 15 ponts.
Ce bateau a coûté 994 millions de dollars il y a huit ans. Je me tiens dans ses entrailles, sur le pont zéro, strictement interdit aux passagers, qui s’étend presque sur les 300 m que mesure le bateau. Ce pont est appelé « I-95 » par l’équipage, comme l’immense autoroute américaine du même nom, connue pour sa dense circulation et qui relie le Nouveau-Brunswick à la Floride. Sur les navires allemands, on l’appelle Autobahn, « autoroute ».
Aujourd’hui, I-95 fait honneur à son nom. C’est le jour où l’équipage prépare le navire pour la croisière suivante, et ça grouille d’employés affairés. Certains transportent du matériel de nettoyage, d’autres poussent des bennes remplies de déchets à recycler, d’autres encore se dépêchent de se rendre là où ils pourront être utiles. Des travailleurs s’affairent sur des chariots élévateurs ou des transpalettes et foncent dans ou hors des salles d’entreposage pour livrer la nourriture et les fournitures qui viennent d’être embarquées.
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Pas le temps de se prélasser
Tout le personnel qui passe devant moi a le même air déterminé. Pas le temps de bavarder, c’est le jour le plus chargé de la semaine. Pendant les huit heures à venir, l’équipage aidera les passagers et leurs milliers de valises à descendre, nettoiera le navire et accueillera les nouveaux passagers et leurs bagages ainsi que la nourriture et le matériel pour la semaine.
« C’est incroyable, n’est-ce pas ? » s’émerveille Donato Becce, qui dirige l’hôtel du bateau. Cet Italien affable, marin aguerri de 53 ans, est responsable de ce tour de force logistique. Il avoue qu’il est lui-même impressionné de l’efficacité et de la rapidité de l’équipage et des auxiliaires à terre (plus de mille personnes) qui assurent la préparation du Magic.
« Pensez-y », dit-il alors que nous arpentons I-95, en s’écartant pour laisser passer des palettes croulant sous des piles de choses aussi variées que des crevettes, des homards du Maine, du champagne, des ampoules ou de nouveaux matelas. « Dans les prochaines heures, l’équipage va changer les draps et faire le ménage des 1845 cabines et salles de bains. Il va également nettoyer le bateau de fond en comble, charger la nourriture et le matériel pour une semaine entière et accueillir les 3690 passagers de la croisière. Et c’est comme ça 52 fois par année. »
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Le «désordre organisé»
Pour citer le New York Times à propos de ce jour, « tout préparer à temps relève à la fois de l’arrêt au stand dans une course de stock-cars et de l’embarquement dans l’arche de Noé ». Les membres de l’industrie qualifient cette opération de « désordre organisé ».
Donato Becce hoche la tête en se rappelant ses débuts à Carnival. Un « gros » bateau comptait alors 350 cabines et environ 800 passagers. L’Horizon, le plus récent de la flotte, dispose de 1980 cabines pour accueillir 3960 passagers, mais le paquebot le plus imposant du monde, le Symphony of the Seas de Royal Caribbean International, a une capacité de 6680 passagers répartis dans 2759 cabines. « Au fur et à mesure que les navires grossissent, nous devons être plus rapides et plus malins, explique-t-il. On court dans tous les sens pour maintenir l’ordre. »
Donato Becce s’interrompt pour répondre à l’un des nombreux téléphones et radios qu’il porte sur lui. En tant que responsable des opérations et avec 22 services sous ses ordres, il est très demandé. « C’était mon responsable de groupe qui voulait savoir si on pouvait organiser une fête pour un client ce soir. »
Sa radio grésille et il reçoit des nouvelles des bagagistes qui débarquent les valises des passagers qui descendent. Pour accélérer le processus, ces derniers doivent laisser leurs bagages (plus de 15 000 sacs et valises) la nuit précédente pour qu’ils puissent être transportés jusqu’au terminal le matin. « Pour l’instant, tout va bien, soupire-t-il, mais on est un peu en retard en raison d’un changement d’itinéraire qui a retardé notre arrivée à Miami en matinée. Il faut qu’on rattrape environ une demi-heure. Ça risque d’être difficile. »
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Une chorégraphie minutée
Chaque seconde est importante et chaque retard peut avoir de sérieuses conséquences. Si les passagers sortants ne quittent pas le bateau à temps, les passagers entrants, supposés embarquer à 11 h, monteront plus tard. Comme me l’a expliqué un peu plus tôt Terry Thornton, vice-président de Carnival Cruise Lines, « les retards peuvent agacer les passagers entrants et peuvent aussi nous coûter de l’argent. Plus ils embarquent tôt, plus vite ils commencent leurs vacances et dépensent de l’argent à bord. »
« Et si nous partons en retard, ajoute Donato Becce, et que nous devons pousser les moteurs pour arriver à destination à l’heure prévue, cela nous fera dépenser plus d’essence. Il y a cinq autres bateaux de Carnival dans le port aujourd’hui. Si on rate notre départ à 16 h, on perd notre place dans la file et cela pourrait nous retarder beaucoup. »
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Gestion du stock
Bien que le Magic ne soit pas arrivé avant 7 h 30, le terminal du port était en pleine ébullition tout au long de la nuit. Plus de 20 poids lourds ont déchargé de la nourriture et des fournitures sur des chariots élévateurs pour qu’elles puissent être chargées dès l’arrivée du navire.
Les équipes de sécurité avec leurs chiens renifleurs inspectent tout ce qui doit être embarqué. Les centaines de palettes de nourriture seront aussi examinées avant d’être chargées par Wellington Dias, le directeur des cuisines, ou un membre de son équipe pour s’assurer de leur fraîcheur. Un gérant d’inventaire tient le compte de la nourriture et des boissons. « Il ne faut manquer de rien pendant la croisière, explique Donato Becce. En raison des mesures sanitaires, nous ne pouvons pas acheter de nourriture ailleurs qu’aux États-Unis. »
Le paquebot a aussi toujours une réserve de quelques jours au cas où le mauvais temps ou une urgence le forcerait à rester en mer plus longtemps que prévu, et même un stock de nourriture et de couches pour bébés. « Nous devons penser à tout », insiste Donato Becce. Au cours des heures suivantes, des chariots vont ravitailler le Magic en vivres pour la semaine de croisière, palette après palette.
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Rapidité et efficacité
Dès que les passagers commencent à débarquer (tout le monde doit être descendu pour 10 h 30), les garçons de cabine entament le long processus de nettoyage et de stérilisation des cabines. Chacun d’eux s’en voit assigner de 30 à 35. Grâce à l’expérience et aux conseils de spécialistes en étude de temps et de mouvements, ce personnel est capable de préparer une cabine en moins de 15 minutes. Pour gagner du temps, les couettes sont placées entre deux draps plutôt que dans une housse.
Donato Becce me montre une cabine luxueuse avec vue sur l’océan sur le pont 2 et m’explique, pendant que le garçon de cabine fait le lit, passe l’aspirateur et place les commodités d’usage comme les verres et les blocs-notes, que c’est son assistant qui nettoie la salle de bains et défait les lits. « C’est pour éviter tout risque de contamination. Nous sommes très pointilleux sur la propreté et l’hygiène. »
Avant l’arrivée des prochains vacanciers
Les détails ont leur importance. Après le ménage de chaque cabine, le chef steward l’inspecte pour s’assurer que tout est en place : oreillers moelleux, draps bien tendus, une ou deux serviettes pliées en forme d’animal et placées sur le lit (le grand favori est l’éléphant, suivi du cygne, du lapin et du singe). Avant que les passagers suivants n’arrivent, deux agents de sécurité font le tour des cabines pour vérifier que rien n’a été laissé dans les coffres-forts. Des bijoux ou des objets de valeur sont souvent oubliés et doivent être restitués. L’objet le plus étrange trouvé à bord ? Une jambe prothétique.
L’un des téléphones de Donato Becce sonne. C’est le service de l’entretien qui l’informe de la progression des plongeurs qui inspectent la coque du navire et les pales de l’hélice. « Tout va bien, dit-il. Croisons les doigts pour que rien ne nous retarde. »
Mais un contretemps inquiète Donato et son équipe. Il est 10 h 50 et environ 600 passagers sont toujours à bord. « Comme nous sommes arrivés au port en retard, nous le sommes un peu aussi sur le programme. » Il passe quelques coups de fil et, quelques minutes plus tard, le directeur de croisière invite, par haut-parleurs, les passagers restants à se rendre au pont d’accès.
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L’embarquement
À 11 h 30, le navire est désert à l’exception des membres de l’équipage en train de nettoyer, laver, réparer et ranger les stocks. Les nouveaux passagers, chacun ayant reçu une heure d’embarquement précise pour éviter la cohue, vont embarquer d’une minute à l’autre. Sur le pont Lido, je croise Eden Rollan, 26 ans, une hôtesse philippine de l’hôtel, qui a commencé à travailler sur le Magic il y a seulement sept mois. « Les jours de départ sont toujours très chargés, tout le monde met la main à la pâte pour que le bateau soit prêt à temps, explique-t-elle. C’est beaucoup de travail, mais c’est aussi du plaisir. Dans quelques heures, le bateau sera plein de nouveaux passagers enthousiastes et souriants. »
À 13 h, des centaines de passagers impatients de visiter le bateau sont à bord. Donato Becce contacte l’entretien et s’inquiète que des cabines ne soient pas encore prêtes. « Évidemment, ils sont pressés de voir leur cabine. Il faut qu’on se dépêche. »
Pour éviter qu’il y ait trop de monde sur les ponts d’habitation pendant que le personnel finit de préparer les chambres, les passagers ne sont pas autorisés à aller dans leur cabine et à accéder à leurs bagages avant que le bateau ne quitte le port. Les ascenseurs sont d’ailleurs programmés pour qu’ils n’y aient alors pas accès.
Sur le pont zéro, 58 membres de l’équipage ont fini leur travail et rentrent à la maison, tandis que 58 autres viennent de commencer. Selon leur tâche, les membres de l’équipage travaillent plusieurs mois et ont plusieurs mois de repos. La compagnie leur paie le vol de retour. Avec plus de 55 nationalités différentes parmi les 1400 membres de l’équipage, passeports, visas et autres documents doivent être soigneusement examinés, ce qui peut prendre un certain temps.
Les vacances commencent… pour les passagers
Il est presque 14 h 30 et Donato Becce sourit. Les plongeurs viennent de terminer leur inspection de la coque et tout est en ordre. Le service du ménage informe que le travail a été mené à bien plus tôt que prévu. La majorité du ravitaillement, y compris les 1200 tonnes de carburant, est chargée. « Et ce qui ne gâte rien, mes téléphones ont cessé de sonner ! » plaisante Donato.
Je le rejoins pour un café sur le pont du hall d’où nous pouvons regarder les passagers arriver et s’émerveiller devant l’impressionnant atrium de 12 étages du Magic dans son écrin de verre. Un DJ tapageur passe du reggae et du calypso. C’est le coup d’envoi de la croisière pour les nouveaux passagers. Le bar de l’atrium est plein à craquer pour le cocktail de bienvenue.
Donato me dit : « C’est l’un de mes moments préférés, regarder les passagers ravis d’être à bord pour commencer leurs vacances. Je ne peux pas m’empêcher de sourire. » Bien que, comme pour le reste de l’équipage, le jour de rotation soit une grosse journée de travail, il dit que les défis et les récompenses valent l’effort à déployer. Il sourit en prenant une gorgée de café : « On le refera la semaine prochaine et la semaine d’après et la suivante, et ainsi de suite… »
Juste à ce moment-là, l’un de ses téléphones sonne. Heureusement, c’est une bonne nouvelle : « Nous avons rattrapé notre retard de ce matin, m’annonce-t-il en raccrochant. Nous allons certainement pouvoir partir à l’heure. »
Grâce à l’efficacité de l’équipage, le Magic lève l’ancre à 15 h 55, cinq minutes plus tôt que prévu.
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Quelques chiffres
Pour une croisière d’une semaine, le navire aura à bord des quantités astronomiques de nourriture, par exemple :
- 900 kg de côtes de bœuf
- 7,5 t de poulet
- 400 kg de queues de homard
- 50 000 tranches de bacon
- 4200 steaks
- 1500 kg de crevettes
- 7500 l de lait
- 54 000 œufs
- 1600 kg de beurre
- 1100 kg de café
- 22 000 tomates
- 45 000 pommes de terre
- 5000 laitues
- 8300 bananes
- 25 000 tranches de pain
- 18 000 danoises