Mars 2013. Dîner-causerie organisé par la Chambre de commerce du Montréal métropolitain. Des dizaines de grandes pointures du Québec inc. réservent une ovation ponctuée de bravos au conférencier. Richard Branson ou Bill Gates ? Non. C’est Sophie Brochu, présidente et chef de la direction de Gaz Métro, qui vient de leur présenter sa vision intégrée de l’énergie, de l’économie et de l’environnement.
Avec prestance et passion, la PDG livre son allocution en témoignant d’une fine compréhension des sujets névralgiques de la filière énergétique. Elle dit craindre que le souci pour la protection de l’environnement des Québécois ne se transforme en « une hostilité au développement économique ou à l’exploitation intelligente » de nos ressources. « Si, dans le but de moins polluer, on fait le choix d’avoir moins d’entreprises et on refuse les projets de développement économique, on fait fausse route et on court collectivement à notre appauvrissement [qui] mènerait à son tour à l’effritement du modèle social du Québec. »
Le Québec a besoin d’argent, scande-t-elle. « Nous avons besoin d’universités fortes, de centres hospitaliers en santé, d’artistes qui ont les moyens de créer et de rayonner. Nous avons besoin de nous occuper des jeunes et des personnes âgées, qui ont beaucoup donné. » Convenant que nos choix énergétiques ne peuvent pas tout régler, ils sont toutefois à son avis au cœur de « l’équilibre à trouver entre le développement de notre économie, la protection de notre environnement et l’essor de notre société ».
L’équilibre. La nuance. Deux -notions fortes qui ressortent quand elle parle de sa vision de l’énergie, de son implication dans des causes -sociales ou humanitaires, de la conciliation travail et vie privée.
La vision en question
Le gouvernement tient jusqu’au 9 octobre une vaste consultation -publique en vue d’élaborer une nouvelle politique énergétique pour le Québec en 2014. Sophie Brochu espère que le dialogue l’emportera sur la polarisation. « Il faut savoir écouter. Il faut que tout le monde s’entende sur ce qu’on veut comme société, dit-elle. Si les gens veulent juste du vert, ça ne marche pas. Si les gens veulent juste un Québec plus équitable, ça ne marche pas. Si on veut un Québec juste plus riche, ça ne marche pas. Ces trois exigences doivent se rencontrer. »
Avant même de prêcher pour sa paroisse, de revenir sur le débat sur les formes de production d’énergie, sur le transport et sur les façons dont les entreprises peuvent produire de manière durable, elle ramène la question au comportement individuel, au consommateur. « Il y a une conséquence à vouloir sans cesse acheter pas cher, dit-elle. Il y a une dichotomie entre ce que l’on attend et ce que l’on est prêt à faire. La sécurité a un prix. La protection de l’environnement a un prix. »
La voilà qui multiplie les exemples : l’empreinte énergétique des pois mange-tout qu’on achète en février, du ciment qu’on importe de Chine, des t-shirts à six dollars fabriqués dans des usines de misère au Bangladesh. Les stationnements bondés des cégeps en banlieue où les étudiants se rendent en solo… « Pourquoi arrivent-ils des incidents comme celui qu’on vient de vivre [à Lac-Mégantic] ? Pour toutes sortes de raisons. On pense tout de suite à la maximisation des profits, c’est vrai, dit-elle. Mais comme consommateur, on est prêt à payer combien de cents de plus du litre d’essence pour s’assurer que les vieux wagons DOT-111 soient remplacés ? »
Ce genre de réflexion, c’est du -Sophie Brochu tout craché. « Elle a une vision qui s’inscrit au-delà du secteur de l’énergie, du gaz naturel ou du pétrole, qu’elle intègre à l’ensemble de l’économie, souligne Antoine Ayoub, professeur émérite et expert en énergie de l’Université Laval. Elle est du genre – et ils sont rares – qui font la relation entre la théorie et l’appliqué. »
Ce professeur Ayoub sera l’étincelle qui illuminera le parcours professionnel de Sophie Brochu. Car faire carrière dans le domaine de l’énergie n’est pas le rêve de beaucoup de petites filles de Saint-Henri-de-Lévis, une banlieue au sud de Québec. « Moi non plus ! rigole-t-elle. Je ne savais pas ce que je voulais faire dans la vie, mais je savais que je voulais aimer ce que je faisais. » Lors des inscriptions au Collège de Lévis, son amoureux l’incite à passer les auditions en théâtre. « Robert Lepage et Denis Bernard donnaient l’atelier de théâtre. Vous pouvez vous imaginer le « trip » qu’on a eu pendant deux ans ! On faisait du théâtre jour et nuit. Tu as 17-18 ans, tu es en amour, tu découvres la vie ! » raconte-t-elle. Puis, elle est acceptée au très convoité Conservatoire d’art dramatique de Québec, qu’elle quitte après un an. « J’aimais les artistes, les comédiens, le monde de la création, mais j’ai compris que je n’étais pas une artiste, pas du tout. »
Elle change de cap et s’inscrit en sciences économiques à l’Université Laval. « Je ne voulais pas être économiste, mais je voulais comprendre comment ça marchait. En fait, pour moi, comprendre comment ça marche est un puissant moteur de réflexion », dit celle qui, par exemple, pour savoir comment fonctionne un hôpital, a siégé au CA de l’Institut de réadaptation Gingras-Lindsay-de-Montréal.
C’est donc à 23 ans, dans un cours d’Antoine Ayoub qu’elle reçoit la piqûre de l’énergie. « J’ai découvert que l’énergie pouvait influer en même temps sur le budget des familles, sur la politique de guerre et sur la politique industrielle des pays. Un univers s’est ouvert devant moi, dit-elle. Et plus j’avance, plus je trouve cet univers fascinant, parce que l’énergie n’est pas une finalité, mais un moyen. Vers une société plus verte, plus équitable et plus riche. » La voyant travailler comme étudiante au Groupe de recherche en économie de l’énergie et des ressources naturelles (GREEN) qu’il a fondé, le professeur Ayoub, l’incite à postuler à la défunte Société québécoise d’initiatives pétrolières (SOQUIP), où il siégeait au CA. Elle y entreprend sa carrière, à 24 ans, en 1987, en tant qu’analyste financière. En 1992, elle est promue vice-présidente. Antoine Ayoub n’est pas le seul à la remarquer. Quand Robert Tessier prend la présidence de Gaz Métro, elle est la première cadre supérieure qu’il recrute, comme vice-présidente au développement des affaires. Sophie Brochu prévient son nouveau patron qu’elle y restera trois ans et ne dirigera personne, car elle ne se voyait pas gestionnaire. Mais, quand Gaz Métro traverse des difficultés dans le secteur des approvisionnements gaziers, M. Tessier signale à sa recrue qu’il ne voit qu’elle pour gérer cette crise. « Elle a compris qu’elle avait tout ce qu’il fallait pour bien réussir et avoir du plaisir dans la gestion », dit-il. En 2005, elle est nommée vice-présidente exécutive et depuis 2007, elle occupe le poste de PDG.
Une administratrice convoitée
Sophie Brochu siège au CA de la Banque de Montréal, de Bell Canada et de BCE. « C’est une administratrice respectée. Je sais aussi qu’elle est recherchée et convoitée par plusieurs », dit Jacques Ménard, président de BMO Groupe financier, Québec. Ce dernier l’a connue alors qu’il était vice-président du CA de Gaz Métro. Et encore aujourd’hui, comme Gaz Métro est client de BMO, il dit être à même de voir la qualité de son leadership. « C’est une femme d’exception, affirme-t-il. Tant comme femme d’affaires aguerrie, comme experte en matière de politiques publiques du côté énergétique, comme citoyenne engagée, mais aussi comme administratrice de premier plan, elle fait honneur à sa génération. »
Âgée de 50 ans, Mme Brochu fait partie de deux cercles des plus restreints ; femmes PDG et femmes siégeant à des CA. Rappelons qu’il y avait, en juillet 2012, 17,6 % de femmes au sein des CA des sociétés cotées en Bourse et 18,4 % dans la haute direction des entreprises québécoises, -incluant les sociétés d’État. Mais Sophie Brochu dit ne s’être jamais perçue comme une femme dans un monde d’hommes. « J’étais et je suis encore contre la discrimination positive. Je suis contre le quota des femmes à des CA. Qu’un CA se donne l’orientation d’assurer la diversité, je suis tout pour ça. Mais des quotas, c’est dangereux, parce que la pire des choses qui peut arriver aux femmes, c’est qu’on soit promue parce qu’on est une femme », lance-t-elle sans ambages.
Femme d’exception
Tous les intervenants interrogés au sujet de Sophie Brochu ne tarissent pas d’éloges sur ses qualités professionnelles. Isabelle Hudon, présidente de la Financière Sun Life pour le Québec, a été présidente et chef de la direction de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain de 2004 à 2008, elle en connaît donc plus d’un dans les cercles d’affaires. « Sophie, tout le monde depuis le jour 1 est impressionné par sa grande intelligence et sa rigueur intellectuelle », dit-elle.
Ces gens de l’élite économique québécoise témoignent aussi d’un réel attachement pour cette femme. « Quand j’étais jeune, mes parents étaient abonnés au Sélection du Reader’s Digest et il y avait toujours un article qu’on appelait « L’être le plus extraordinaire que j’aie connu ». Cela s’appliquerait à Sophie, confie Robert Tessier, aujourd’hui président du CA de la Caisse de dépôt et placement du Québec. C’est une femme extrêmement complète, d’une intelligence remarquable, très vive, avec un sens des communications unique. »
Plein gaz
On connaît surtout Gaz Métro comme principal distributeur de gaz naturel au Québec. L’entreprise qui compte ici 1 400 employés exploite un réseau souterrain de plus de 10 000 kilomètres qui dessert quelque 190 000 clients dans 300 municipalités. Mais le géant énergétique a multiplié les acquisitions au Vermont, devenant, avec sa filiale Green Mountain Power, le plus important distributeur d’électricité de cet État. Ainsi, Gaz Métro compte aujourd’hui plus de clients aux États-Unis qu’au Canada – et plus de clients en distribution électrique que gazière. Ainsi, de 2006 à 2012, sous la gouverne de Sophie Brochu, Gaz Métro a presque doublé sa clientèle et ses actifs, passant de 2,8 à 5,1 milliards de dollars.
Sophie Brochu mène une stratégie de diversification énergétique et territoriale qui vise la complémentarité des filières énergétiques, dont la production d’énergies renouvelables. « L’humanité n’a pas quitté l’âge de pierre parce que nous avons manqué de pierres. L’humanité a progressé parce qu’elle a eu besoin de mieux », dit-elle.
Sophie Brochu caresse l’espoir de voir naître une industrie du gaz naturel « fait au Québec » bien particulière : la biométhanisation, à savoir la valorisation du méthane, principale composante du gaz naturel, généré par les déchets domestiques. Gaz Métro a présenté un scénario en ce sens à la Régie de l’énergie, à la demande de Saint-Hyacinthe, qui a été rejeté. « C’est sûr que ça va se faire un jour », dit la dirigeante qui fonde aussi beaucoup d’espoirs dans la réalisation de projets similaires avec d’autres villes, dont Montréal.
Par ailleurs, en partenariat avec Boralex, l’entreprise œuvre à bâtir un des plus grands projets éoliens du Canada, celui de la Seigneurie de Beaupré, à l’est de Québec. De plus, sa filiale Green Mountain Power exploite déjà 32 barrages hydroélectriques et deux parcs éoliens au Vermont. Le mieux pour Sophie -Brochu, serait aussi de troquer le mazout lourd pour le gaz naturel, ce que plusieurs entreprises, hôpitaux et écoles s’activent à réaliser, stimulés par la baisse du prix du gaz. Du coup, ces conversions leur permettent de faire des économies annuelles allant jusqu’à 60 % et de réduire de 32 % leurs émissions de GES. Et Gaz Métro veut maintenant desservir la Côte-Nord, dernier bastion industriel québécois n’ayant pas accès au gaz naturel.
« Pas une seule forme d’énergie ne peut répondre à tous les besoins, tout le temps, partout, pas chère, sans empreinte environnementale », dit Sophie Brochu, pour qui le gaz naturel et l’électricité sont « extraordinairement complémentaires ». Le secteur des transports s’avère le meilleur exemple. Si le gouvernement veut atteindre sa cible de réduction de GES de 25 % d’ici 2020, les 300 000 voitures électriques qu’il veut mettre sur les routes permettront de réaliser « des gains considérables », mais « ne suffiront pas », dit-elle. Les transports sont responsables de 42,5 % des émissions de GES du Québec, et le tiers de ces émissions est causé par seulement 2 % des véhicules : les camions lourds. « Malheureusement, dans ce segment de marché, l’électricité n’est d’aucun secours, rappelle-t-elle. La logique, c’est la bonne énergie à la bonne place. »
Sa solution : faire passer les véhicules lourds du diesel au gaz naturel. « Un camion lourd qui fait le choix du gaz naturel liquide (GNL), c’est jusqu’à 40 % d’économie sur le coût du carburant et jusqu’à 25 % moins de GES que le diesel », ajoute-t-elle, citant l’entreprise Transport Robert, comptant déjà 80 camions au GNL. Donc le GNL pour les gros camions, idem pour les bateaux et les trains. La Société des traversiers du Québec construit trois traversiers qui fonctionneront au GNL d’ici 2015. Et Gaz Métro travaille avec le CN à démontrer la viabilité du GNL comme carburant pour les locomotives.
La « schiste » saga
Que Québec ait instauré un moratoire sur l’exploitation des gaz de schiste, « c’est correct », dit-elle, mais elle déplore la façon dont a été prise cette décision. « Moi-même, je ne sais pas si je suis pour ou contre, parce qu’on n’a pas eu l’ensemble de l’information. C’est une chose de fermer une porte, c’en est une autre de l’emmurer. »
Lorsque je m’attarde trop longtemps sur l’épineuse question des gaz de schiste, elle s’impatiente, disant que cela démontre comment « l’imaginaire a été frappé, tout croche ».
Et elle ne se prive pas de souligner l’ironie du fait que Québec ouvre la voie à l’exploration du pétrole de schiste dans l’île d’Anticosti. « Quand on produit du pétrole de schiste, automatiquement, il vient entre 7 % et 10 % de gaz de schiste. On aurait besoin de m’expliquer cela », plaide-t-elle. En effet, les Québécois semblent moins hérissés à l’idée de développer l’île d’Anticosti, moins peuplée que la vallée du Saint-Laurent. « Je vais vous dire une chose, si les projets de gaz de schiste avaient été à la Baie-James, ils seraient aujourd’hui en production », dit-elle, faisant référence à l’attitude « pas dans ma cour » dont font également preuve les Québécois avec les éoliennes.
La trempe d’une politicienne
En entrevue, elle revêt tour à tour le chapeau des défenseurs de l’environnement, de la justice sociale et de l’économie locale, tout en abordant avec doigté les sujets chauds que sont les gaz de schiste, les sables bitumineux, le système des redevances… Elle passe du champ gauche au champ droit avec l’adresse… d’une politicienne. Est-ce un monde auquel elle aspire ? « Je n’ai pas la patience requise », s’esclaffe-t-elle. Son ancien patron Robert Tessier rigole lorsque je lui rapporte ses propos. « En effet, elle peut être un peu soupe au lait à l’occasion, peut « péter des coches » et quand ça explose c’est assez joli à voir, mais jamais pour longtemps, précise-t-il, ajoutant avec une pointe de nostalgie qu’une des caractéristiques d’une relation de travail avec Sophie, c’est d’avoir du fun. Ce n’est jamais trop triste longtemps, même quand ça va mal. » Cela dit, selon lui, elle aurait tout ce qu’il faut pour faire de la politique : « Premièrement, une large expérience d’affaires, et une capacité de communication exceptionnelle. Elle aurait certainement une image forte. »
Le déclic sociétal
Sophie Brochu est née en 1963, dans une famille qu’elle décrit comme moyenne typique. Après quelques déménagements temporaires, elle quitte définitivement Québec en 1997 pour travailler à Montréal. « J’ai constaté que tu fais six stations de métro et c’est un autre monde. Hochelaga-Maisonneuve, où sont les bureaux de Gaz Métro, c’est le quartier urbain dit le plus défavorisé au Canada », dit-elle. Un jour, elle visite l’école Hochelaga. « Il est 10 h du matin et juste avant de parler, j’entends un son et je me dis : je connais ce son, c’est quoi ? C’était le ventre des enfants qui criait », raconte-t-elle.
Ce fut l’élément déclencheur qui l’incitera à mettre en place des programmes qui veilleront au développement des enfants, quelle que soit leur situation financière. De ces initiatives naîtra le projet « 80, ruelle de l’avenir », en collaboration avec l’organisme Projet 80 et la Commission scolaire de Montréal. Cette -ressource est un lieu d’apprentissage unique, un milieu de vie valorisant les saines habitudes et la persévérance scolaire.
Gaz Métro est également très impliqué auprès de Centraide depuis plusieurs années. Pourtant, Mme Brochu était dubitative quant à l’action de cet organisme qu’elle trouvait trop gros, qu’elle ne connaissait pas et qui lui semblait appuyer des causes moins rassembleuses. « Robert Ménard m’a dit : Brochu, il va falloir que tu te fasses une tête, va voir ce que c’est », se remémore-t-elle. Elle a fait ses devoirs. « Quand j’ai compris ce que faisait Centraide, ça m’a scié les jambes », dit celle qui a été coprésidente de la campagne de financement de l’organisme en 2010. « C’est assez facile de donner de l’argent pour des enfants, mais pour un handicapé mental de 45 ans qui souffre, c’est plus difficile. Centraide s’assure qu’il n’y a pas de laissés pour compte. »
« Quand elle y croit, ôtez-vous de là ! Elle convainc tout le monde », dit Michèle Thibodeau-DeGuire, PDG de Centraide du Grand Montréal de 1991 à 2012, aujourd’hui présidente du CA de la Corporation de l’École Polytechnique de Montréal. « Certains le font pour la galerie, pour faire bien paraître l’entreprise. Elle, ce n’est pas ça du tout. C’est elle comme personne qui s’implique. »
La « fifille » introvertie
12 juillet. La PDG m’accueille dans son bureau en jeans et en sneakers blancs. Elle est pétillante, vive, alerte, chaleureuse. Lorsque je lui demande qui est Sophie Brochu le week-end, elle répond : « Fifille à mort ». Mais être fille pour la dirigeante ne signifie pas dénicher la plus belle robe pour une soirée. « Ce n’est pas une femme qu’on voit dans les bals, elle est assez discrète, dit Isabelle Hudon. Elle est très équilibrée ! Elle sait garder une partie de sa vie extrêmement privée […] et s’éloigner des feux de la rampe. » Sa planque ? Sa campagne, son potager à Bromont. « Quand on arrive à la campagne, ne cherchez pas Sophie, elle est dans son jardin », dit son amie, la comédienne Michèle Sirois. « Je suis une fille de campagne […], j’ai besoin de ce contact avec la terre, confirme la principale intéressée. La nature, c’est une vraie belle chapelle. Et une grande inspiration pour la gestion. »
Ferait-elle autre chose ? « Je suis tellement heureuse ici que non, je ne me vois pas ailleurs. C’est une grande chance de pouvoir faire quelque chose qu’on aime, à une place qu’on aime, avec du monde qu’on aime. Il n’y a pas d’argent qui m’amènerait à Calgary, à Houston. »
Lorsqu’elle parle de son amoureux – le même du Conservatoire il y a 30 ans -, le producteur télé John Gallagher, l’étincelle dans ses yeux et la douceur qui investit ses traits trahissent la réserve qu’elle cherche à préserver quant à sa vie privée. « Je ne mélange à peu près pas ce que je fais dans ma vie personnelle et professionnelle », dit-elle. Et non, dans sa vie privée, la table de celle qui adore cuisiner et recevoir n’est pas cerclée de PDG ni de rois des contrées de schiste, mais d’un joyeux mélange du monde artistique, dont les discussions pimentent ses repas convoités. « Souvent quand on est artiste, on est très partisan, pour un parti politique en particulier, alors que ce que Sophie dit est souvent tempéré parce qu’elle est capable de voir le bon dans chaque côté, de se mettre à la place des autres », confie son amie Michèle Sirois.
Celle qui se dit extrêmement introvertie affirme nourrir sa réflexion des discussions avec ses amis, avec qui elle s’amuse à faire de fins liens entre souci de l’environnement, sable bitumineux, péréquation, subventions à la culture… « Plus j’avance dans la vie, plus je suis convaincue qu’il faut travailler à trouver des plateformes communes, pas à crier avec nos porte-voix individuels. La solution n’est pas dans notre tête, mais dans la tête de tous les Québécois, c’est pourquoi la prochaine consultation doit d’abord être une plateforme d’écoute. » À bon entendeur.
Crédits photo : Avec la permission de Gaz Métro