Le secret de la Licorne
Catherine Geoffroy apprend aux enfants à prendre soin d’eux-mêmes et des autres
Catherine Geoffroy est catégorique: son amour des chevaux lui a sauvé la vie. C’est arrivé au cours de l’été 1975. Elle avait 15 ans et faisait un séjour d’un mois au Ranch Massawippi, camp équestre de Roxton Pond, près de Granby. Ce jour-là, son père est venu lui annoncer une terrible nouvelle: sa maman venait de mourir subitement. Après les funérailles, Catherine a demandé à son père de la ramener au camp. «Tout ce que je voulais, c’était rester près des chevaux, confie-t-elle. Je savais qu’ils m’aideraient à faire mon deuil.»
Force, calme, capacité de ne faire qu’un avec leur cavalier… les vertus thérapeutiques du cheval sont indéniables. «Les enfants savent qu’ils aiment les chevaux avant même d’entrer en contact avec eux, explique Catherine, et les chevaux ont besoin de cette affection. Ce lien puissant renforce le caractère et l’estime de soi des jeunes.»
Catherine Geoffroy a fondé le Camp école d’équitation La Licorne, à Sainte-Croix, près de Québec, il y a une vingtaine d’années. Depuis, elle a permis à des centaines d’enfants de vivre la merveilleuse expérience de l’équitation. Sans elle, certains d’entre eux n’auraient jamais approché un cheval: tous les Noëls, depuis trois ans, Catherine Geoffroy accueille dans son camp une dizaine de pensionnaires issus de milieux défavorisés. Pendant toute une fin de semaine, ces ados apprennent à vivre en groupe, à manger sainement et, bien sûr, à monter un cheval. Amis, employés et ex-pensionnaires de l’écurie aident à l’organisation de l’événement, participent à l’achat de cadeaux et se dévouent sans compter. «Ce que je veux, dit Catherine, c’est que ces jeunes sachent qu’ils ont de la chance d’être là et, surtout, qu’ils apprennent à donner en retour, qu’il est facile de rendre les autres heureux.»
Tout au long de l’année, elle organise aussi des stages pour des élèves en difficulté. Pendant des mois, ils prennent soin des chevaux deux ou trois jours par semaine. «L’objectif n’est pas de leur apprendre à gérer un ranch, souligne-t-elle, mais de leur donner des responsabilités propres à les valoriser.» Entre élèves et chevaux, un lien vital se crée. «Comme les adolescents, les chevaux ont leur caractère. Ils ont besoin d’attention, de contact humain. Notre manière de les traiter conditionne l’affection qu’ils nous portent, la sensibilité dont ils font preuve à notre égard. Ils sont souvent le reflet de nos personnalités.»
Lisa Bergeron, dont la fille fait de l’équitation à La Licorne depuis un an, a souvent eu l’occasion d’apprécier le travail de Catherine auprès des jeunes, tout comme sa générosité: lorsque la propriétaire du camp a appris que Lisa était atteinte du cancer, elle a versé une partie des revenus d’une compétition équestre à la Fondation canadienne pour le cancer du sein.
«J’étais vraiment très touchée, dit Lisa. Non seulement Catherine, qui ne roule pourtant pas sur l’or, a versé une partie des bénéfices à la fondation, mais elle l’a fait en mon nom.» En quatre ans, cette compétition a permis de remettre près de 12000$ à la fondation.
Les largesses de Catherine sont telles que sa partenaire, Louiselle Harvey, doit parfois y mettre un frein. Mais Catherine sait que son altruisme est payé de retour et, jusqu’ici, ce mode de vie lui a toujours souri. En 1991, la Licorne a été achetée et construite grâce à son réseau d’amis et de parents. Et lorsque, plus tard, elle et son associée ont eu besoin de 75000$ pour installer le camp, 15 personnes ont accepté de financer le projet à raison de 5000$ chacune. «Autant que l’argent, j’y voyais l’occasion de rassembler des gens que j’aime dans un projet commun.»
Aujourd’hui, lorsqu’on visite La Licorne, on trouve partout la marque de ces mains qui ont permis au rêve de Catherine de prendre forme: Nadine, Michel et Henri, qui ont construit les 20 lits de bois; ses frères Dédé, Stéphane, Pierrot et Clo Clo, qui ont aménagé les douches…
Mais si vous voulez vraiment émouvoir Catherine Geoffroy, parlez-lui de Big Ben, le cheval d’obstacles dont le fantôme, dit-on, hante le camp. Le soir, lorsqu’elle raconte des histoires aux enfants, on voit parfois un employé déguisé en cheval trotter dans le crépuscule… Mais Big Ben est beaucoup plus qu’une histoire de feu de camp: le symbole de la réussite. Il y a 20 ans, ce cheval de légende, monté par le non moins légendaire Ian Millar, a remporté deux finales de la Coupe du monde et plus de 40 victoires sur le circuit des grands prix. Avant que ne débute son illustre carrière, Big Ben n’était rien de plus qu’un cheval exceptionnellement grand.
«Je veux que les enfants qui séjournent ici se souviennent de lui, conclut Catherine, et comprennent qu’avec de la volonté et beaucoup d’efforts, on peut aller au bout de ses rêves.»